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Héritage colonial, racisme et privilèges en solidarité internationale

Les personnes occidentales bénéficiant du «privilège d'être blanches» peuvent souffrir de discrimination dans certaines situations, mais elles ne peuvent jamais être victimes de racisme.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Marianita Hamel, chargée de projet en éducation du public au Projet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG).

Débusquer le racisme et l'héritage colonial, reconnaître ses privilèges, réfléchir au choix des mots et des images... Nous qui nous engageons ou nous intéressons à divers degrés à la solidarité internationale, en quoi ces exercices nous concernent-ils?

Ils nous concernent, car c'est aussi en remettant en question nos réflexes et nos réactions que l'on participe à une transformation du monde à l'image des mouvements populaires et communautaires que nous appuyons du nord au sud. Ces mouvements qui résonnent de par le monde insufflent une urgence de transformation des rapports sociaux. Alors qu'ils visent à ébranler le mode de vie occidental qui s'est développé à partir de la destruction de territoires et de communautés depuis l'ère coloniale, quel peut être notre degré d'implication dans ces luttes? En tant que personnes de l'Occident, comment pouvons-nous participer à ces transformations?

C'est dans cette volonté de changement de nos rapports que le Projet Accompagnement Québec-Guatemala a mené un exercice de réflexion autocritique ayant donné naissance à un document intitulé «Mes salutations coloniales».

Manifestation d'une semaine de Communautés de population en résistance (CPR) au Guatemala, 1993 © Nathalie Brière

Un système de privilèges

Sensibles aux réalités et aux luttes vécues par les communautés du sud global, conscients de la domination économique et politique des pays occidentaux, comment comprenons-nous le système de privilèges dont nous bénéficions?

Notre mobilité, notre accès à des passeports et visas, la possibilité que l'on a de mettre en suspens notre quotidien... Bien peu de gens peuvent même s'imaginer entreprendre ce genre de démarche de solidarité internationale à laquelle nous avons accès en tant que personnes de l'Occident.

Ce système de privilèges façonne les liens existants entre le nord et le sud et est aussi à l'œuvre au sein même des sociétés occidentales. Ainsi, lorsque nous parlons des «personnes de l'Occident», nous faisons référence à des réalités diverses et complexes où toutes n'occupent pas le même statut. Plutôt que de définir seulement les diverses réalités de populations opprimées dans ce système, essayons également de cerner les réalités des personnes occupant un statut privilégié. C'est peut-être ainsi que doit débuter l'exercice autocritique.

Peggy McIntosh, une auteure féministe et antiraciste américaine qui a écrit sur le «privilège d'être blanc», nous rappelle que «l'on apprend soigneusement aux Blancs à ne pas reconnaître les privilèges qui sont attachés à leur race, tout comme l'on apprend aux hommes à ne pas reconnaître les privilèges liés à leur sexe». Cet aveuglement serait justifié par la croyance généralement admise selon laquelle nous vivons dans une société méritocratique, c'est-à-dire fondée sur le mérite. Alors rendre compte de nos privilèges renverse une image que l'on a de nous-mêmes.

En solidarité internationale

Dans le milieu de la solidarité internationale, la question des privilèges a entre autres été réfléchie de manière à en faire bénéficier les communautés du sud.

Par exemple, l'idée même de l'accompagnement international s'est construite à travers une réflexion sur le système de privilèges. Dans la relation de solidarité qui est mise en place, les privilèges des accompagnateurs provenant des pays du nord sont utilisés afin d'appuyer les communautés en résistance qui sont la cible d'agressions en raison de leurs luttes féministes, pour la défense du territoire, contre les projets miniers, contre l'impunité, etc.

Pour que la présence d'accompagnateurs internationaux ait pour effet d'augmenter le niveau de sécurité des communautés, c'est qu'il y a forcément une divergence entre les positions des uns et des autres en termes de privilèges et d'oppression.

En tant que personnes œuvrant en solidarité internationale, nous avons le plus souvent cette chance d'avoir appris des communautés locales en partageant leur quotidien et en prenant part à leurs projets. Mais lorsque l'on revient dans nos communautés du nord, de quelle façon ce contact avec les luttes menées par les communautés locales nous a-t-il transformés?

En pratique

Dans le contexte de l'accompagnement et des expériences de coopération internationale, les volontaires peuvent vivre des expériences de discriminations qui les ébranlent dans leur conception du racisme. Les situations peuvent en effet être déstabilisantes - se faire voler une caméra, payer le triple pour prendre un taxi, etc. - mais il semble y avoir confusion entre les pouvoirs d'ordre structurel et d'ordre situationnel.

Il est nécessaire de comprendre les implications du racisme dans toute sa complexité sociale et historique. Il faut se rappeler que le racisme est une organisation idéologique du monde. Les personnes occidentales bénéficiant du «privilège d'être blanches» peuvent donc souffrir de discrimination dans certaines situations, mais elles ne peuvent jamais être victimes de racisme. Ainsi, le racisme n'est pas quelque chose qui s'expérimente par quelques situations discriminatoires, il s'agit d'une institution lourde qui pose sur les «autres» une marque indélébile qui impose une identité et une place hiérarchique dont il est difficile de se défaire.

Lorsque nous faisons face à une situation mettant à l'épreuve nos repères culturels, prenons le temps de se poser ces quelques questions : qui subit le racisme? Qui jouit des privilèges? Sur qui et sur quoi portons-nous un jugement? Comment nous percevons-nous?

Partager nos expériences

Quelles représentations avons-nous des communautés d'où naissent les mouvements populaires du sud? Plusieurs d'entre nous y sommes allés, y avons passé de nombreux mois. Qu'avons-nous rapporté comme souvenir? Comment partageons-nous nos expériences?

Alors que l'on peut tenter d'utiliser nos privilèges pour en faire bénéficier les mouvements populaires du sud, il faut avouer que l'on peut agir quelques fois, souvent involontairement, de manière à reproduire certaines représentations qui perpétuent des rapports inégaux. Et si nous portions une attention particulière aux représentations qui reproduisent le «nous» et les «autres»?

Penser la solidarité internationale, c'est entre autres assumer que les liens dans les luttes, bien que solidaires, sont inégaux, et que nous avons un défi particulier à accomplir. À nous d'imaginer une manière de déconstruire les représentations de l'institution du racisme, de les détourner et de construire des liens qui pourraient l'ébranler.

N'hésitez pas à contacter Charles Saliba-Couture, fondateur et coordonnateur du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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