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Les objectifs globaux pour le développement: panacée ou mirage?

L'extrême pauvreté a effectivement été réduite de moitié, la lutte à la tuberculose et la malaria montrent des signes encourageants et l'accès à l'eau potable a été amélioré de manière notable.
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Ce billet du blogue Un seul monde a été écrit par Gabriel C. Goyette, étudiant au doctorat en science politique à l'Université de Montréal.

2015 marque l'année où devaient être atteints les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies. Adoptés avec grand bruit en 2000 par les chefs d'État du monde, ils devaient avoir un impact majeur pour la réduction de la pauvreté. À quelques mois de l'échéance, l'heure est à la fois aux bilans et aux préparatifs pour l'après 2015, mais que penser de ce type d'initiatives?

Des réalisations importantes

Selon les données les plus récentes de l'Organisation des Nations Unies (ONU), bien que tous les objectifs ne soient pas en voie d'être atteints, plusieurs le seront ou le sont déjà. Comme l'explique le Rapport 2014 sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (ONU 2014), des avancées significatives ont été réalisées sur la plupart des cibles. Ainsi, l'extrême pauvreté a effectivement été réduite de moitié, la lutte à la tuberculose et la malaria montrent des signes encourageants et l'accès à l'eau potable a été amélioré de manière notable.

Ces cibles ont su suffisamment mobiliser les donateurs et les pays du Sud pour réaliser des gains concrets et qui, dans certains cas, peuvent avoir un effet durable sur la vie des gens comme dans le cas de la lutte à la malaria. Comme le soulignent Duflo et Banerjee dans leur ouvrage Repenser la pauvreté, différentes études montrent qu'un enfant n'ayant pas souffert de la malaria gagnera en moyenne 50 % de plus par an pour l'ensemble de la durée de sa vie adulte qu'une personne touchée dans son enfance par cette maladie.

Cependant, au-delà des 8 objectifs, les plus grandes réalisations des OMD sont ailleurs. D'abord, ils ont permis de redonner un certain momemtum aux enjeux de développement après une décennie 1990 marquée par la fatigue de l'aide et une baisse dans les budgets des principaux bailleurs suite à la fin de la guerre froide.

Ensuite, ils ont contribué à améliorer la cohérence dans l'action en fournissant des objectifs et des indicateurs communs. Cela a démontré l'importance pour les donateurs d'harmoniser leurs pratiques entre eux et avec celles des pays partenaires comme le suggère d'ailleurs la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide.

Enfin, on ne doit pas sous-estimer l'impact symbolique important qu'ont eu les Objectifs du millénaire pour le développement, notamment en raison de l'importante légitimité dont ils bénéficient. Ils ont certainement contribué à mettre, et garder, à l'agenda global les enjeux de pauvreté et de développement.

Un modèle qui n'est pas exempt de critiques

Malgré ces réalisations importantes et les effets indéniables sur la vie de millions de gens qu'ils ont eu et continueront d'avoir, l'approche sur laquelle reposent ces objectifs n'est pas exempte de limites. Il est important d'identifier, d'en discuter et de les prendre en compte pour l'après 2015 si nous souhaitons améliorer l'efficacité du développement et contribuer de manière robuste à la réduction de la pauvreté.

D'abord, bien que les cibles chiffrées soient utiles pour assurer un suivi des réalisations et pour mobiliser les partenaires, l'emploi d'indicateurs quantitatifs agrégés tend à masquer les disparités, même quand elles sont importantes. Ainsi, s'il est vrai que l'extrême pauvreté a été réduite de moitié (passant de 47 % à 22 % de l'humanité), c'est largement en raison des progrès réalisés en Chine et du poids statistique de son milliard d'habitants. Si on exclut cette dernière des données, la proportion est plutôt passée de 41 % à 26 %, assez loin de la cible de 20,5% (ONU 2014). On doit aussi prendre garde à l'utilisation politique des chiffres. Si l'ONU et ses États membres sont heureux de dire que l'extrême pauvreté a été réduite de moitié, on ne doit pas perdre de vue qu'avec la croissance de la population mondiale, le nombre absolu de personnes vivant dans une pauvreté abjecte, qui était de 1,9 milliard en 1990, atteint encore aujourd'hui 1,2 milliard (ONU 2014).

Plus largement, le problème des indicateurs quantitatifs est qu'ils ne nous donnent qu'une partie de l'équation, ils n'offrent aucun indice quant à la qualité des résultats. Le cas de l'accès à l'éducation, le deuxième objectif, est un exemple probant de cette limite. L'objectif était que tous les enfants puissent fréquenter l'école primaire en 2015. Le taux est passé de 80 % à 90 % dans les pays du sud, ce qui représente un progrès important surtout quand on considère que la moitié des enfants qui ne fréquentent pas l'école primaire aujourd'hui vivent en zone de conflit (ONU 2014). Pourtant, cela ne nous renseigne aucunement sur la qualité ou la pertinence de l'éducation qu'ils reçoivent, ni même sur leur présence en classe puisque l'indicateur de suivi est le taux d'inscription, pas de fréquentation scolaire ou de diplomation.

Mais surtout, le principal problème avec l'approche des OMD est d'adopter de l'extérieur les mêmes cibles pour tous les pays. Évidemment, tous les pays ont souscrit aux OMD, les donateurs comme les pays en développement. Cela ne veut pourtant pas dire qu'ils ont tous eu la même voix au chapitre dans leur élaboration. De plus, avec ce modèle on reste encore et toujours dans les approches one-size-fits-all. Il va de soi que les différents objectifs sont tous louables et souhaitables pour l'ensemble des États. Cependant, les priorités ne sont pas les mêmes partout et elles n'ont pas à l'être. Le modèle de développement qu'adoptent les différents pays et les choix qu'ils font doivent être adaptés aux conditions qui y prévalent. Ce faisant, plutôt que de contribuer à une uniformisation du monde, le développement pourra renforcer le pluralisme et la diversité.

Le développement sera beaucoup plus efficace quand les stratégies et politiques pour l'atteindre seront alignées sur les conditions économiques, historiques et politiques de chacun des pays où elles seront mises en œuvre et surtout issues de ces mêmes pays. Quand elles s'aligneront sur les aspirations spécifiques des sujets du développement eux-mêmes, pas les injonctions souvent contradictoires d'experts extérieurs. Quand on cessera de voir l'aide comme un outil de rattrapage, une manière d'assurer une prestation de service ou de rendre la pauvreté plus supportable, mais qu'elle deviendra plutôt un outil de transformation dans les mains de celles et ceux qui souhaitent et s'engagent à faire avancer leur pays.

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Avril 2018

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