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Femmes immigrantes et entrepreneures engagées

Selon les femmes que nous avons interrogées, il faudrait créer un véritable réseau des femmes immigrantes entrepreneures afin qu'elles puissent échanger sur les difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées.
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FEM International

Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Élodie Chevenot, chargée de communication chez FEM International, et titulaire d'un double diplôme français en Droit et Économie. À l'occasion du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, l'article qu'elle présente ci-dessous traite des enjeux spécifiques à la condition de femme immigrante dans le milieu entrepreneurial québécois.

Être entrepreneur est en soit un véritable défi. Il faut arriver à développer une idée, un produit ou un service, puis le promouvoir, et enfin financer l'ensemble. Une fois l'entreprise établie, il faut encore trouver un moyen de la faire croître. En étant femme entrepreneure, il faut ajouter à cela les préjugés et les discriminations liées au sexe. Mais en étant femme, entrepreneure, et immigrante, il faut combiner tous ces défis à ceux rattachés à l'immigration.

Pourtant, les femmes entrepreneures issues de l'immigration sont bien là, et sont même plus présentes que les femmes non immigrantes. En effet, selon Statistique Canada, en 2011, 9,2% des femmes immigrantes étaient des travailleuses autonomes contre 7,9% pour les femmes non immigrantes. Nous avons donc voulu avoir le ressenti de ces femmes issues de l'immigration, qui décident malgré tous ces vents contraires de se lancer en affaires. Nous avons interrogé quatre entrepreneures ayant suivi une formation chez FEM International - Ingrid (Co-moon), Perla (Perla Paletas), Merichel (Maya-Mia) et Martha (Martha Sierra Terre & Beauté) - afin qu'elles nous livrent leurs propres expériences de femmes entrepreneures immigrantes.

Pourquoi décident-elles de se lancer en affaire ?

Ce que nous avons pu remarquer, c'est que ces femmes disposaient toutes des diplômes académiques de haut niveau dans leurs pays. En effet, Ingrid détient un baccalauréat en sciences biomédicales, Perla, un baccalauréat en communication, Merichel, un baccalauréat en commerce international et Martha, un diplôme technique en pharmacologie. Mais une fois arrivées au Québec, leurs diplômes ne sont souvent pas reconnus et elles sont contraintes d'accepter des postes qui ne reflètent pas leurs niveaux de compétences. Créer son propre emploi peut donc être un moyen de pallier cette précarité professionnelle.

L'entrepreneuriat est également perçu comme un vecteur d'intégration. En lançant leurs entreprises, elles se font une véritable place dans la société. « Nous sommes vues comme des champions », confirme Perla Silva, arrivée au Québec en 2012, et qui a lancé son entreprise en 2016. « Être une femme entrepreneure change le rapport de force », souligne Lis Suarez, directrice de FEM International, « quand tu cherches un emploi, tu demandes quelque chose. Quand tu es entrepreneure, tu offres quelque chose. Ce rapport permet de travailler l'estime de soi et la confiance en sa capacité dans un univers différent du nôtre : un autre pays, une autre réalité». D'ailleurs, elles s'accordent toutes pour dire qu'il existe une multitude de programmes d'encadrement des femmes immigrantes qui souhaitent se lancer en affaires, mais que néanmoins, ils sont souvent peu connus.

Des obstacles importants.

Néanmoins, lorsqu'elles décident de faire le grand pas, elles font face à de nombreux défis. Comme toute entrepreneure, l'enjeu principal est lié au financement. Toutefois, contrairement à une entrepreneure non immigrante, elles connaissent moins les mécanismes de subventions disponibles. De plus, les conditions d'obtention de subventions sont souvent liées à l'âge et déconnectées de la situation professionnelle des entrepreneures. En effet, dans certains cas, il est demandé aux entrepreneures de disposer d'une expérience professionnelle d'au moins un an. Le marché du travail étant moins favorable aux immigrants, cette condition est parfois difficile à remplir. D'autre part, les immigrantes qui décident de réaliser une reconversion professionnelle sont limitées en matière de financement; la majorité des subventions sont réservées aux personnes de moins de 35 ans. Les institutions financières demandent aussi un historique de crédit fiable et pérenne. Cependant, en étant « nouvelles arrivantes », elles ne peuvent pas offrir ces garanties, et les banques sont ainsi frileuses à leur accorder des prêts. Les demandes de financement deviennent alors un véritable combat.

Contrairement aux femmes nées au Québec, les femmes immigrantes ne disposent pas d'un réseau local, souvent indispensable pour faire croître leurs entreprises. C'est à elles de créer leur propre réseau. Selon Ingrid, « il faut aller là où les femmes non immigrantes vont » pour tisser de véritables liens commerciaux.

Avant de pouvoir lancer leurs propres entreprises, il est indispensable qu'elles comprennent le fonctionnement des relations d'affaires au Québec.

De surcroît, il faut qu'elles s'adaptent à une nouvelle culture. Effectivement, la culture entrepreneuriale n'étant pas universelle, cette nécessité d'adaptation peut être un frein à l'accès à de nouveaux marchés. Avant de pouvoir lancer leurs propres entreprises, il est indispensable qu'elles comprennent le fonctionnement des relations d'affaires au Québec.

Enfin, une fois l'entreprise établie, il faut qu'elles réussissent à faire perdurer leurs affaires sur le long terme. L'enjeu est de taille, car elles doivent souvent faire face à de grosses entreprises déjà bien établies, notamment dans le secteur agroalimentaire.

Des pistes de solution

On remarque également que les femmes entrepreneures immigrantes sont peu représentées dans les médias, alors que concrètement, elles occupent une large place dans la société entrepreneuriale. De plus, lorsque l'on présente les entrepreneures, les réussites sont surexposées par rapport aux parcours. Effectivement, si la réussite est importante, le moyen d'y parvenir l'est aussi, d'autant plus si l'on fait face aux défis d'une femme entrepreneure issue de l'immigration. L'histoire n'en est que plus inspirante pour la société.

Selon les femmes que nous avons interrogées, il faudrait créer un véritable réseau des femmes immigrantes entrepreneures afin qu'elles puissent échanger sur les difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées. Cela leur permettrait aussi de jumeler leurs voix et d'établir un certain rapport de force au sein de la société québécoise.

Preuve que l'entrepreneuriat de la diversité est un véritable enjeu: le gouvernement québécois a récemment annoncé un « plan d'action gouvernemental en entrepreneuriat » (PAGE) afin de « soutenir et d'accompagner les entrepreneurs de la diversité dans toutes les régions. » Reste à voir comment ces enjeux seront concrètement résolus.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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