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L'aide d'urgence doit tracer la voie vers le développement!

Depuis la fin des années 90, on assiste à un phénomène où l'on incorpore les actions humanitaires dans les missions des forces armées. Cette cohabitation pose souvent, pour les organisations humanitaires, un sérieux problème de crédibilité auprès des populations.
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Ce billet a été écrit par Gervais L'Heureux, directeur général de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).

La catastrophe qui s'est abattue sur la perle des Antilles le 12 janvier 2010 à 16h53 a ravagé ce pays déjà malmené par toutes sortes de chamboulements depuis de nombreuses décennies. Dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, le peuple haïtien a vu déferler sur son territoire toute une machine, celle de l'aide humanitaire, qu'on nomme aussi aide d'urgence, et celle qui chaque fois l'accompagne, la vague médiatique.

Ces interventions de première ligne, tellement nécessaires lorsqu'un tel malheur arrive, se déroulent souvent pendant de longs mois, voire des années lorsque le désastre touche l'ampleur de ce qu'a connu Haïti. Certes, aucun doute ne subsiste, il faut alors parer au plus pressé, apporter vivres, médicaments et abris.

Puis l'éternel débat refait surface : urgence versus développement. La question n'est pas de déterminer si l'un vaut mieux que l'autre mais quand et comment l'un succède à l'autre. Or si elles souhaitent tracer la voie vers le développement, les organisations humanitaires doivent intégrer une démarche réfléchie vers cet objectif dès les opérations de secours. Par nature, les secours d'urgence s'inscriront plus facilement dans une logique de compassion immédiate, alors que l'aide au développement poursuit une logique de long terme, dont la ligne de force est l'auto-organisation des populations. Pour reprendre l'exemple d'Haïti, le travail d'urgence planifié à travers le système des « clusters », qui regroupent par secteur (nutrition, eau, abris, santé, éducation, etc.) une foule d'intervenants tant du côté des bailleurs de fonds, des nombreuses agences des Nations Unies et des ONG, a été fait de telle manière que la plupart des Haïtiens invités à participer se voyaient refoulés à l'entrée. Et que dire du fait que la langue d'usage dans les clusters était l'anglais?

Acteurs locaux : partenaires incontournables!

Si l'on pense que cette transition vers le développement ne sera possible qu'en intégrant les acteurs locaux tels l'État et les différentes organisations de la société civile, on s'explique aisément, non seulement le cafouillage de l'urgence pendant de longs mois, mais aussi la lente et difficile étape de reconstruction qui a tardé à donner des résultats probants. Mais que signifie au juste tracer la voie vers le développement dès le début des opérations d'urgence? Les actions d'urgence et de reconstruction nécessitent une bonne connaissance des situations, des besoins, des capacités et des contraintes, d'où la nécessaire et réelle implication des acteurs locaux.

Bien que ces derniers se retrouvent parfois, comme ce fut le cas pour l'État haïtien en 2010, touchés de plein fouet par la catastrophe, ils doivent être des partenaires incontournables pour définir les choix organisationnels et techniques les plus appropriés aux contextes et favoriser l'émergence de solutions innovantes qui seront déterminantes pour l'avenir de leur communauté. Les situations de crise sont des moments où les autorités et décideurs locaux peuvent acquérir, avec l'appui des aides extérieures, des savoir-faire nouveaux et se faire reconnaître ou confirmer dans leur rôle de leaders dans des contextes d'instabilité. Les approches participatives sont cruciales, en particulier lorsque des interventions civilo-militaires sont menées en parallèle par les forces armées internationales.

Militaire et humanitaire : deux voies distinctes

Depuis la fin des années 90, on assiste à un phénomène où l'on incorpore les actions humanitaires dans les missions des forces armées. Ainsi donc, militaires et humanitaires se retrouvent sur le même terrain d'action, avec des mandats fort distincts. Cette cohabitation pose souvent, pour les organisations humanitaires, un sérieux problème de crédibilité auprès des populations. Pour que l'action humanitaire repose sur une plus grande efficacité et s'appuie sur la confiance des populations, elle ne doit pas être perçue comme politisée et doit défendre l'indépendance de ses actions face à l'action militaire. Les forces militaires, même sous mandat des Nations Unies, sont presque toujours perçues soit comme force partisane ou ingérence étrangère.

Bien qu'elle pose de sérieuses difficultés, il faut cependant reconnaître que cette cohabitation est devenue inévitable dans des zones de conflits puisque militaires et humanitaires sont amenés à se croiser, voire à communiquer entre eux. Il faudra cependant, tôt ou tard, éclaircir ces flous dans la définition des rôles respectifs. Les ressources militaires peuvent être utilisées dans l'action humanitaire à des fins très précises et pour une période de temps très limitée, uniquement lorsqu'aucune autre ressource civile équivalente ne peut être fournie. Nous l'avons vu dans les interventions en Afghanistan, en Irak, en Haïti ou en Libye, toute confusion sur les actions humanitaires et militaires a eu de lourdes conséquences, non seulement sur la livraison de l'aide aux populations, mais aussi sur la mise en place d'un processus d'aide au développement à long terme.

Aide canadienne : l'une sans l'autre?

Il est indéniable que l'action humanitaire est une des composantes de l'aide au développement. Or elle l'est d'autant plus que si l'aide humanitaire (aide alimentaire, médicaments, premiers soins, etc.) répond aux problèmes de survie, l'aide au développement agit sur la réduction des inégalités dans une perspective de moyen et de long terme. Comme le soulignait justement M. François Audet de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaires (OCCAH) :

« D'une part, au niveau des enjeux strictement humanitaires, les ONG canadiennes semblent avoir développé une relation très pragmatique avec le gouvernement. Ce pragmatisme est notamment construit sur des relations contractuelles pour l'obtention de financement et sur les cadres de gestion axés sur les résultats. [...] D'autre part, il semble que les ONG [aient] plus de difficultés dans leurs relations en ce qui concerne les enjeux développementaux de leurs programmes. Plusieurs cas complexes ont été recensés ces dernières années. Par exemple, certaines organisations, telles que Kairos et Alternatives, se sont simplement vues couper leur financement parce qu'elles n'étaient pas alignées sur la politique d'aide du gouvernement canadien ».

Le défi est donc de maintenir cet équilibre entre ces deux actions dans le consortium urgence-reconstruction-développement et le Canada nous semble de plus en plus tenté de reléguer le développement à long terme au second plan.

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