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Le Canada n'a pas tiré de leçons du projet HealthCare.gov

Je suis profondément déçu par un autre échec monumental du gouvernement en matière de TI et, tristement, pas le moindrement surpris. L'initiative du gouvernement canadien qui consiste à regrouper plus de 1 500 sites web gouvernementaux en un site unique, Canada.ca, est un échec important.
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Je suis profondément déçu par un autre échec monumental du gouvernement en matière de TI et, tristement, pas le moindrement surpris. L'initiative du gouvernement canadien qui consiste à regrouper plus de 1 500 sites web gouvernementaux en un site unique, Canada.ca, est un échec important qui commence à ressembler à la version canadienne de l'aventure désastreuse du site Healthcare.gov.

Des 17 millions de pages web actuellement gérées par le gouvernement canadien, seulement 10 000 ont été migrées sur le nouveau site et la date de livraison initialement prévue en janvier 2016 a été repoussée à décembre 2017. De plus, le contrat de 1,54 million de dollars accordé au fournisseur logiciel a aujourd’hui dépassé les 9,4 millions de dollars et ce montant continue de grimper chaque jour.

Une consolidation de sites de cette ampleur équivaut à un atterrissage lunaire numérique et la première erreur a été de sous-évaluer les coûts ainsi que les efforts requis pour la livraison du projet. On a eu tort non seulement de choisir une solution propriétaire fermée, mais également d'entreprendre ce regroupement ambitieux, mais inutile.

Le fardeau financier du passage au site Canada.ca est assumé par chacun des ministères et organismes gouvernementaux. Selon le rapport dévoilé à la CBC, huit des plus grands ministères ont dépensé plus de 28 millions de dollars depuis 2015 pour migrer vers le nouveau logiciel.

Cette nouvelle en provenance d'Ottawa n'est pas surprenante pour les observateurs cyniques des échecs gouvernementaux en matière de TI. Mes concitoyens américains ont vécu le fiasco HealthCare.gov dans les premières années de l'Obamacare et se sont retrouvés à payer la note salée d'une mauvaise gestion TI estimée à plus de 2 milliards de dollars.

Les ratés gouvernementaux en matière de TI ont fait les manchettes en Australie, au Royaume-Uni, dans l'État de la Californie et ailleurs. Ils sont devenus un classique à tel point que la presse publie régulièrement des listes de type Buzzfeed des dix principaux échecs en TI. Les contribuables canadiens sont les vraies victimes de la décision du gouvernement d’adopter une stratégie désuète qui équivaut à un enfermement propriétaire pour un projet qui exige la collaboration dans l'ensemble du gouvernement. Durant plus de quatre ans au sein de l'administration Obama, j'ai pu constater que le succès d'un projet technologique est inversement proportionnel à la taille du budget et, surtout, au nombre de participants. Le projet Canada.ca était dès le départ voué à l'échec.

Heureusement pour les contribuables, ce ne sont pas tous les projets TI gouvernementaux qui sont voués à l'échec. Le projet govCMS du gouvernement australien est un modèle de réussite fondé sur des technologies ouvertes et libres (donc sans frais de licence), l’infonuagique et le partage interministériel des ressources.

Outre l'ampleur du projet Canada.ca, un facteur ayant contribué à son échec a été un ensemble de politiques d'approvisionnement désuètes en matière de TI. Celles-ci n'ont fait qu'assurer que les solutions à base de logiciel libre seraient exclues d'emblée du processus de sélection : il n'est donc pas surprenant que le processus d'approvisionnement ait généré qu’une seule soumission « conforme aux exigences », provenant du plus important et dispendieux des fournisseurs de logiciels propriétaires sur le marché.

J'ai déployé de nombreuses plateformes numériques dans mon rôle de direction de la technologie pour le site WhiteHouse.gov d'Obama et pour le Département d'État américain. Les deux initiatives utilisent du logiciel libre et étaient beaucoup plus économiques que la solution pour Canada.ca: elles occasionnaient ensemble des coûts annuels de 8 et 12 millions de dollars par année, respectivement. Elles ont eu énormément de succès, et nous avons livré des projets dans les limites des budgets accordés et dans des délais jusqu’à 75% plus rapides.

Indépendamment du processus d'approvisionnement, l'hypothèse selon laquelle plus de 30 ministères, ayant chacun leurs défis, leurs intervenants et leur culture respective, pouvaient être harmonisés sous une plateforme unique est ridicule. La complexité des relations entre les bureaucraties est difficile à comprendre. De plus, la stratégie de regroupement de sites va à l'encontre de toutes les grandes tendances numériques des 15 dernières années. De nos jours, la technologie encourage la décentralisation de la création et de la syndication du contenu. Tout fournisseur qui se respecte aurait dû faire preuve de suffisamment d'intégrité pour dénoncer ce projet chimérique et encourager le gouvernement à adopter un modèle en étoile, à tout le moins.

J'ai eu la chance de faire partie de l'administration du premier président numérique, Barack Obama. Dès le départ, la transparence, l’engagement et la collaboration furent identifiés comme des éléments essentiels pour la numérisation de l’état. Notre vision a toujours été de donner le plus de contrôle possible aux intervenants clés, aux bons échelons pour assurer que le gouvernement fonctionne comme une organisation numérique moderne. Les citoyens et les consommateurs avancent à la vitesse d'Internet. Ils ne tolèrent pas, et ne devraient pas tolérer, d'aller à la vitesse du gouvernement.

La bonne nouvelle pour le Canada: Il n’est pas encore trop tard pour votre pays de reconsidérer ses choix afin de se donner une chance de réussite à votre virage numérique.

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