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Mais où est passé Donald Trump?

Pour ceux qui vivent avec le souvenir de la campagne incroyable qui a été menée aux Etats-Unis l'année dernière, la célébration des 100 jours au pouvoir de Donald Trump est teintée d'une belle dose d'incompréhension.
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Pour ceux qui vivent avec le souvenir de la campagne incroyable qui a été menée aux États-Unis l'année dernière, la célébration des 100 jours au pouvoir de Donald Trump est teintée d'une belle dose d'incompréhension. Voici donc un homme qui parlait plus fort que les autres -beaucoup plus fort que tout le monde- et promettait de renverser la table, nettoyer le bourbier de Washington et, comme tous les hommes providentiels, faire bien mieux. Non, même cette description est en dessous de la réalité, ce qui démontre que l'usure du temps émousse bien vite la mémoire: car Donald Trump usait et abusait de superlatifs qu'il convient de rajouter au tableau. Il jurait donc que ce serait «géant», «fantastique», «phénoménal» et quelques autres phrases qui sont passées à la postérité dont je ne retiendrai que mes deux préférées: «les Américains en auront tellement marre que ce soit bien qu'ils demanderont une pause», et «il y aura du travail pour tous parce que je suis le plus grand créateur d'emploi que Dieu n'ait jamais créé.»

Bon, voilà le contexte de la campagne remis en place. Où en est-on 100 jours plus tard? Le réveil est un petit peu plus modeste que ne l'avaient espéré ses supporters: Donald Trump a découvert que la pratique du pouvoir présidentiel est plus compliquée que prévu, comme il l'a étonnamment confessé devant des journalistes à la veille de cette célébration. Ceci étant posé, il a également déclaré un peu plus tôt dans la semaine qu'une telle célébration n'a aucun sens: on est un peu trop dans le symbolisme alors qu'il est au travail et que tout sera réalisé avant la fin du mandat, a-t-il également promis. Dont acte, on ne peut pas tout faire en un jour, même si la longue liste de réalisations qu'il avait promises pour le Jour 1 est toujours dans un tiroir de son bureau.

Donald Trump s'est heurté à la dure réalité d'un système politique et démocratique qui repose sur une Constitution qui a tellement été bien pensée qu'elle est toujours en vigueur de nos jours. À peine 7000 mots, en comptant tous les amendements, qui définissent la démocratie américaine et prévoit un partage des pouvoirs entre trois branches principales: une branche législative, qui fait la loi, une branche exécutive (le Président), qui l'applique, et un pouvoir judiciaire, qui s'assure que tout se fait dans les règles.

Or, à vouloir aller trop vite, Donald Trump a dérapé et le pouvoir judiciaire, justement, à savoir les cours de justice fédérale, ont modéré son enthousiasme en imposant un moratoire à plusieurs de ses décrets: dès les premiers jours avec le décret migratoire, puis, avec le nouveau décret migratoire et, voici une semaine, en bloquant un décret qui visait à stopper le financement fédéral des villes qui veulent développer leur propre politique vis-à-vis des sans-papiers. Car, aux États-Unis, les pouvoirs n'appartiennent pas tous au gouvernement fédéral. La liste de ce qu'il peut faire est également clairement détaillée dans cette Constitution. Pour que ce soit totalement clair, il est également inscrit noir sur blanc que les pouvoirs qui ne sont pas listés appartiennent à un échelon inférieur, à savoir les États, ou les villes, ou le Peuple.

Difficile apprentissage de la démocratie pour ce Président novice en politique, qui a aussi découvert que le Congrès est maître de son agenda et décide des lois qu'il entend adopter. Les deux promesses phares du candidat Trump ont été les victimes de cette ignorance: le mur ne sera pas financé, car la demande de 1,5 milliard de dollars cette année et de 2 milliards l'année prochaine indispose les démocrates. Or, sans leurs voix, le budget ne peut pas être adopté. Trump a dû retirer cette demande. Il a aussi rencontré un obstacle insurmontable pour sa réforme du système de santé, les problèmes venant cette fois-ci de l'aile droite de son propre parti: parce qu'il ne voulait pas indisposer les plus modérés au Parti républicain, les plus conservateurs estiment qu'il a trahi sa promesse. Et ils mettent donc la pression en refusant d'adopter un texte qui ne correspond pas à l'attente des électeurs.

Donald Trump vit donc des temps difficiles à Washington: il a beau pérorer sur le nombre de décrets signés depuis le 20 janvier, il faut constater qu'aucun texte de loi majeur n'a passé l'épreuve du Congrès.

Donald Trump vit donc des temps difficiles à Washington: il a beau pérorer sur le nombre de décrets signés depuis le 20 janvier, il faut constater qu'aucun texte de loi majeur n'a passé l'épreuve du Congrès. Même sa tentative de faire diversion en proposant une réforme des impôts «la plus formidable depuis la nuit des temps» a fait pschitt, car elle est déjà vertement critiquée avant même qu'il n'ait eu le temps d'en faire connaître les détails, critiques qui viennent autant du Parti démocrate que de ses propres rangs.

Il lui reste, comme pour tous les Présidents dans le pétrin, la politique étrangère. On est toutefois surpris des brusques revirements et de la ligne qui semble désormais se dessiner: il a été amené à adoucir le ton avec la Chine, puis avec le Canada et le Mexique. Il tend à nouveau la main l'Europe et ne considère plus que l'OTAN est un machin obsolète, déployant même des F35 en Estonie ou se rapprochant de l'Allemagne, contre toute attente. Ses annonces tiennent le public en alerte, car il «pourrait y avoir un conflit majeur du côté de la Corée du Nord». Cela permet de faire passer sans embarras le fait qu'il a renoué avec une politique étrangère plus classique et même interventionniste: bombardement en Syrie et en Afghanistan. Les alliés de l'Amérique sont rassurés.

Il y a un succès notable à relever dans ce premier bilan de Donald Trump: le juge qu'il a nommé à la Cour Suprême, Neil Gorsuch a été confirmé au final, tout comme l'ensemble de son gouvernement. Le dernier ministre, Alexandre Acosta, le ministre du Travail l'a été hier soir. Mais, une fois que l'on a dit cela, que dire d'autre?

On ne peut que constater que la société est très divisée, voire totalement polarisée. Les divisions sont si fortes qu'elles plombent la popularité du président: il stagne à 44% de bonnes opinions, ce qui est exactement son niveau de départ le 20 janvier, jour de son investiture. Mais, pour être complet, le Président n'a aucune marge de progression: sa côte d'impopularité a brutalement bondi de 44% à 54%. Cela signifie qu'il n'y a plus aucun indécis aux États-Unis. Il y a ceux qui l'aiment et ceux qui le détestent. Ces derniers sont du côté des démocrates et les républicains déclarent l'apprécier à 88%. Un chiffre toutefois est particulièrement étonnant: 96% de ceux qui ont voté pour lui affirment qu'ils referaient le même vote si l'élection avait lieu demain.

Donald Trump peut donc se réjouir: ses électeurs ne sont pas aussi impatients qu'il ait pu le craindre et ils lui accordent le bénéfice du doute, acceptant l'idée que le Jour 1 dure plusieurs mois si nécessaire. Seulement, le temps du vote revient vite aux États-Unis: la prochaine échéance a lieu le 13 novembre 2018: l'ensemble des députés et un tiers des sénateurs repasseront par les urnes. Si Donald Trump veut obtenir une majorité qui le soutient, il lui faudra tout de même donner à ses supporters un peu de grain à moudre. Peut-être donc, aurait-il intérêt à moins fréquenter les terrains de golf et à redoubler d'efforts? 60% des Américains pensent qu'il ne travaille pas assez. Les faits confirment qu'il a passé 8 jours sur 10 à golfer. Des priorités à revoir?

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