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Et si on s'inspirait du sixième sens des poissons électriques?

Certaines espèces de poissons sont capables d'émettre un champ électrique. Cette capacité à interpréter un signal électrique faible pour se repérer dans l'espace ouvre d'importantes perspectives, notamment en imagerie médicale.
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Ce billet a été publié dans le cadre de l'opération Têtes Chercheuses lancée par le Huffington Post France. Celle-ci permet à des étudiants ou chercheurs de grandes écoles, d'universités ou de centres de recherche partenaires de promouvoir des projets innovants en les rendant accessibles, et ainsi participer au débat public.

Certaines espèces de poissons sont capables d'émettre un champ électrique, comme l'anguille ou la torpille. Ce champ, lorsqu'il est suffisamment fort -de l'ordre de 500 Volts- leur permet de chasser ou de se défendre en assommant leur victime.

2013-06-07-Fish4345__Flickr__NOAA_Photo_Library2.jpgNarcine Bancroftii, une espèce de raie électrique

Il existe cependant des espèces qui émettent un champ très faible, de l'ordre du millivolt. Mais alors, à quoi sert-il?

Cette question a été élucidée dès 1958: il s'agit en réalité d'un sixième sens, appelé électro-localisation. Ces poissons sont en effet capables non seulement d'émettre, mais aussi de percevoir le champ électrique. Ils peuvent détecter les infimes variations de celui-ci dues à la présence d'objets autour d'eux, leur permettant alors de reconnaître ces cibles.

2013-06-06-electrolocalisation.jpgPrincipe de l'électro-localisation. Les lignes de courant électrique (en bleu) sont déformées différemment suivant que l'objet est conducteur ou résistant

Cette capacité à interpréter un signal électrique faible pour se repérer dans l'espace ouvre d'importantes perspectives, notamment en imagerie médicale.

Une vision électrique plus précise que celles de nos radars

À l'instar du sonar des chauves-souris et des dauphins, certains poissons sont équipés d'un radar électrique. Les études comportementales du fonctionnement de celui-ci ont mis en évidence une efficacité surprenante.

Les champions du domaine sont les poissons-éléphants, originaires d'Afrique. Il a été montré qu'ils sont capables de mesurer des distances dans le noir en n'utilisant que leur seul sens électrique. Il a également été mis en évidence que ces poissons savent distinguer, après une phase d'apprentissage, des objets de formes différentes (pyramide, cube, sphère, cylindre, et même des lettres), mais aussi de matériau différent (distinguant ainsi le plastique du métal).

Détection d'objet par radar

Il reste une question en suspens: comment est-il possible d'obtenir de telles informations avec un champ électrique de si basse fréquence? Pour répondre à cette question, il faut savoir qu'avec un instrument de mesure classique (radar, sonar, etc), on ne peut pas détecter deux objets séparés par une longueur plus petite que celle présente entre deux "vagues" successives de son onde. Dans l'exemple du poisson, avec une fréquence n'excédant pas 10.000 Hertz, on aurait donc une résolution maximale de l'ordre de la dizaine de kilomètres seulement!

Comment ces poissons obtiennent-ils alors des informations valables sur leur environnement immédiat?

Et pourquoi ne pas copier les poissons?

L'objectif de mon travail en thèse est de comprendre les mécanismes physiques qui pourraient expliquer ces performances de localisation et d'identification de formes. En modélisant le problème mathématiquement et en calculant numériquement le champ électrique envoyé et perçu par le poisson, nous avons développé un algorithme permettant de simuler cette détection de formes et de matériaux, en recueillant les informations physiques et géométriques des objets environnants.

Ces informations sont contenues dans des tenseurs de polarisation: il s'agit du pouvoir de l'objet à déformer, ou "polariser", un champ électrique. Ces informations, extraites grâce aux mouvements du poisson et à la forme particulière du signal électrique émis, permettent alors de distinguer deux objets de géométries différentes.

2013-06-06-poissonselectriques.jpgCalcul numérique du potentiel électrique (à gauche, le poisson est l'ellipse du bas, la cible est un disque) et algorithme de localisation (à droite)

Outre l'aspect biologique, permettant de mieux comprendre ce sixième sens peu connu, les retombées pratiques sont multiples.

En effet, les techniques d'imagerie dites de tomographie par impédance électrique, c'est-à-dire utilisant un champ électrique basse fréquence, sont présentes dans de nombreux domaines, tels que la médecine, la géophysique ou la robotique. Les avantages de ces techniques sont notamment leur caractère peu invasif et leur faible coût, liés tous deux au fait que la fréquence, donc l'énergie, est faible.

Une meilleure compréhension de ce sens électrique ouvre donc la voie à des méthodes d'imagerie efficaces et peu onéreuses, par exemple pour détecter des mines dans le sol, ou des tumeurs cancéreuses dans le corps humain.

2013-06-07-logoEcolePolytechnique12.jpg

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