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Le Zoroastrisme comme philosophie de l'Iran d'hier, d'aujourd'hui et de demain

Yazd est non seulement une ville qui se distingue par son industrie lourde, ses tempêtes de sable, sa banlieue interminable, mais c'est aussi et surtout le berceau du zoroastrisme, religion monothéiste de l'Iran pré-islamique.
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Yazd est non seulement une ville qui se distingue par son industrie lourde, ses tempêtes de sable, sa banlieue interminable, mais c'est aussi et surtout le berceau du zoroastrisme, religion monothéiste de l'Iran pré-islamique. Vieille de trois millénaires, elle est toujours pratiquée en Iran et dans le monde par environ 175 000 fidèles qui idolâtrent le prophète zoroastre: Zarathoustra.

Cette religion dichotomique prône la victoire du bien, dont la figure divine est le Dieu Ahura Mazda, sur le mal, incarné par l'esprit d'Angra Mainyu et ses démons. Initialement composé de textes écrits en langues archaïques et vernaculaires, l'ensemble des préceptes mazdéens a été compilé dans un livre sacré, l'Avesta, traduit en français par Abraham-Hyacinthe Anquetil-Duperron.

Chaque année se retrouvent en pèlerinage à la montagne du Chak Chak dans la province de Yazd, des centaines d'adorateurs du feu, élément déifié par les zoroastriens. Ils y abandonnent leurs prières et leurs vœux les plus chers. Touristes, athées, croyants de tous horizons et de toutes religions sont également les bienvenus. On s'y recueille sans trop savoir à quel Dieu se vouer, mais ces lieux aux effluves d'encens donnent un sentiment de plénitude totale

Crédits photo : Guillaume Allard

«Faites un vœu à votre tour», nous précise Teo, une Géorgienne aux étonnants cheveux rouges rencontrée en chemin.

«Tous les vœux sont entendus. S'ils sont justes, ils se réaliseront. En contrepartie, faites le bien autour de vous et donnez à votre prochain».

«Mignonet toussa» dit l'Guigs, mais nous nous laissons transcender par la fulgurance du lieu.

Yazd est aussi une ville où se dressent deux tours du silence. C'est dans ces lieux sacrés, au haut de montagnes semblables à des citadelles, qu'on entreposait les corps des zoroastriens défunts. Cette procession qui parachevait la vie de tout fidèle, visait à rendre à la nature (comprenez, aux vautours) son être et sa chair, avant de s'élever aux Cieux. Cette pratique «d'un autre temps» a toutefois été interdite au cours des années 1960.

Après Yazd, nous rentrons à Chiraz (Shirāz), par la Darvazeh Qoran. Cette porte cache une copie manuscrite du Coran. Elle assure protection aux voyageurs, une bonne nouvelle, puisque, disons-le, Chiraz est aussi une ville tristement connue pour pendre tout opposant politique ou, contrevenant à l'ordre public, au bout de grues montées sur des vieux camions ISUZU.

Chiraz ressemble pourtant à une ville de la Côte d'Azur. Ornée de grands hôtels paradisiaques, traversée par de grandes avenues, et climatisée par des tours du vent, nommées les badgirs. Chose notable, si aucune chaîne de restauration rapide américaine ou européenne n'est présente en Iran, les fast-foods sont nombreux dans les grandes villes. Nous nous y arrêtons pour déguster les Chicken Burgers du coin avant de découvrir la capitale de l'art et de la culture iranienne.

Chiraz, ville sainte

Chiraz est également une ville sainte où Shah Cheragh, l'un des 17 frères de l'Imam Reza, est enterré dans la Mosquée qui porte son nom. Impossible d'effectuer la visite sans un guide! Nous attendons avant d'entrer. Le type, sympa, nous explique que, n'embrassant pas la religion musulmane, il nous est impossible de nous promener partout. Un prêcheur pour des pêcheurs? Une fois à l'intérieur, nous sommes autorisés à prendre des photos. Quelle magnificence, quelle architecture. Le tour s'achève et nous sommes déposés à l'International Center de la mosquée, un thé et quelques biscuits dans le cornet en écoutant un petit topo sur l'Islam.

Plus loin nous découvrons la Mosquée Nasir-ol-Molk, datée de 1888. Il s'agit là d'un des plus beaux édifices religieux que nous avons eu la chance de visiter. Chaque jour, entre 8h et 9h du matin, le soleil entre par les vitraux de son aile gauche et baigne la Mosquée dans une incroyable luminosité. Les couleurs imprègnent le sol et illuminent le visage des visiteurs.

Chiraz, ville des arts

Chiraz est aussi de la culture perse. Elle couve en son cœur le mausolée du poète Hafez, célèbre pour avoir rendu à la langue perse ses lettres de noblesse. Le «rossignol de Chiraz» est passé à la postérité grâce à son envoutant «Divân». Pour lui rendre honneur de nombreux jeunes hommes viennent ainsi sur sa tombe chanter ses poèmes et son lyrisme sous les yeux admiratifs des jeunes iraniennes.

Yazd

Dans le jardin des roses, hier, l'aube pointait.

La nuit passée, dans mon ivresse, s'effaçait.

J'étais pareil au rossignol.

Des amis, un flacon de vin, du loisir, un livre, un coin parmi les fleurs...

Je n'échangerai pas cette joie pour un monde, présent ou à venir.

Que m'importent les tulipes et les roses,

puisque par la pitié du Ciel,

j'ai, pour moi seul, tout le jardin.

Si, comme Alexandre, tu prétends à la vie éternelle, cherche-la sur les lèvres roses de cette ravissante beauté.

Rien n'est meilleur que le plaisir, fête au jardin, le vin, les roses

Où est passé notre serveur? Il tarde à venir. Qu'attend-il?

Hafez, ghazels extraits du Divân

Chiraz est aussi proche de la fameuse Persepolis. Nous nous attendions à marcher dans les pas de Darius et d'Alexandre le Grand. Le lieu est finalement bien en dessous de sa réputation nous sommes déçus: oserait-on le «à éviter?», oui nous l'assumons. Peu de vestiges à côté d'Éphèse, Alexandre a bien fait son boulot, en incendiant l'illustre ville perse.

La fin du voyage s'annonce

Pour retourner sur Téhéran, nous avons opté pour un moyen peu onéreux et efficace (sûr?): l'avion. Ce fut notre rencontre avec l'Iran des sanctions. Il est bien recommandé dans les guides et sur le site de l'ambassade de privilégier certaines compagnies aériennes, évidemment nous ne l'avons pas fait. Après une fouille diligente des Pasdarans, nous nous retrouvons face à un vieux rafiot:

«Carai c'est un vieux Tupolev!

- Non c'est un McDonnell Douglas...

- Non c'est écrit en Russe (ça l'était) !

- Regarde il y a marqué Boeing ;

- Ouf ...

- Ouf?»

Nous voici assis dans ce McDonnell Douglas particulièrement inquiétant. En effet, soumis à un strict embargo l'Iran ne pouvait plus importer aucune pièce d'avion de l'étranger. Le nombre d'accidents sur des vols internes est donc singulièrement élevé en Iran. Le vol se passe sans encombre, nous arrivons à Téhéran.

Appendice conclusif

Finalement, que dire? Tandis que certains s'évertuent à pointer la singularité, à définir l'ensemble par le particularisme, à analyser des phénomènes par les trous de serrures, nous ne le ferons pas.

Nous sommes partis en ingénus, nous revenons en candides avides. Malgré la présence permanente des frères siamois «les frères Siams» et de leur regard peu commode, voire réprobateur (de vivre? Mieux que Minority Report), nous n'avons été confrontés qu'à des poches de vie d'une banalité et d'une constance incroyables.

Crédits photo : Guillaume Allard

À travers les quelques échanges, outre le besoin de savoir comment est perçu le pays, on retrouve les tons et aspirations communs: voyager à l'étranger, se marier, prendre soin des aînés, critiquer, avoir le dernier iPhone.

L'Iran militaire, militariste, policier, rigoriste que l'on se projetait, qui nous est projeté, qui est perçu par la doxa n'était pas là, il en est de même pour le mysticisme de l'orientalisme: manque de temps? Manque de profondeur? Manque de connaissances? Manque d'analyses? Manque de ressentis? Manque de vibrations? Incontestablement un heureux mélange de tout cela.

Parmi les faits saillants, on retiendra évidemment l'hospitalité, la curiosité mignonne, presque gênée ainsi que l'exemplarité de la relation interpersonnelle. Ces différents moments nous ont touchés, impactés, envoûtés.

Banalité, Normalité, Beauté, Intensité: allez sur la piste des Shahs.

Vos serviteurs: Guillaume et Thomas

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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