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Au-delà de son coût, le travail du pharmacien a de la valeur

Combien de personnes appellent leur pharmacien pour demander conseil, sans qu’un seul sou ne leur soit facturé? C’est du temps professionnel gratuit.
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Il est dommage de ne pas faire état de tous les conseils donnés gratuitement en pharmacie, en grande augmentation, et qui sauvent énormément de coûts à la société.
Ariel Skelley via Getty Images
Il est dommage de ne pas faire état de tous les conseils donnés gratuitement en pharmacie, en grande augmentation, et qui sauvent énormément de coûts à la société.

Notre réplique au reportage de Radio-Canada: «Médicaments: facturer trois fois ses honoraires pour un seul et même geste».

Bonjour, Mme Annie Hudon-Friceau,

Pour donner suite à votre reportage du dimanche 3 mars 2019, j'ai trouvé plusieurs points horriblement mal évalués et expliqués auxquels j'aimerais apporter quelques précisions pour le public qui vous lit ou qui vous écoute, dans le but de mettre de la lumière sur ces allégations, au nom de la Fédération des pharmaciens du Québec. Soulignons que cette dernière a pour mission l'optimisation des soins et des services pharmaceutiques aux patients.

Tout d'abord, le titre de votre reportage associé à une image de préparation des piluliers est trompeur. Ici, il ne s'agit pas d'honoraires pour les piluliers servis à la semaine, mais pour les gens que nous desservons en fioles (vials) aux mois.

Un pharmacien propriétaire est un entrepreneur avec des frais fixes très élevés, comme dans le cas de tous les entrepreneurs.

Rappelons que les pharmacies représentent les seuls commerces au Québec et dans le monde à devoir divulguer leurs profits, et les seuls où les gens s'attardent sur leurs honoraires, qui ne semblent pas être bien compris par la population.

Il est dommage que votre reportage ne parle pas de tous les conseils donnés gratuitement en pharmacie, en grande augmentation, et qui sauvent énormément de coûts à la société.

J'aimerais donc apporter des précisions sur les honoraires du pharmacien puisqu'il en est question dans votre chronique et pour répondre aux interrogations de M. Philippe Mackay.

Sur les honoraires des pharmaciens

Si un patient est assuré par le régime public, les honoraires de son pharmacien est d'environ 9$ par 30 jours de médicaments remis, comme vous l'avez mentionné. Je tiens à préciser que le montant de ces honoraires est resté presque inchangé depuis 20 ans. Que vous payez un médicament de 25$ ou 22 381$, l'honoraire du pharmacien (qui est ajouté au prix coûtant du médicament) reste toujours le même: 9$.

Les honoraires du pharmacien doit couvrir le coût de la main-d'oeuvre en laboratoire, le salaire (pharmacien, technicien, caissière, livreur...), les frais d'intervention aux médecins, les fax envoyés au médecin, le suivi pharmaceutique, les frais de consultation pharmaceutique par téléphone ou sur place, les frais d'exploitation de la pharmacie, les frais fixes (loyer, téléphone, électricité, alarme, etc.), les frais de matériaux (ordinateurs, étiquettes, fioles, imprimantes, logiciels, etc.), les frais d'inventaire, les frais d'assurances de la pharmacie...

Trouvez-vous cette rémunération irraisonnable? En réalité, ces honoraires ne sont pas représentatifs de la valeur actuelle du service offert par le pharmacien qui se retrouve sous-payé, même l'ancien ministre Barrette l'a reconnu.

Premièrement, prenons le coût du service pour les patients assurés par la RAMQ: le pharmacien reçoit la même rémunération, qu'il s'agisse d'une nouvelle ordonnance ou d'un renouvellement, peu importe la complexité du conseil pharmaceutique associé, le suivi à effectuer, le coût du médicament qu'il faut garder en stock, etc.

Concernant ces honoraires perçus pour la dispensation d'un médicament, que vaut réellement le service fourni par le pharmacien? Pour vous, quelle est la valeur de la consultation que vous venez d'avoir avec votre pharmacien? Poussons l'analyse un peu plus loin.

Combien d'autres professionnels de la santé sont aussi disponibles, de jour comme de soir, 7 jours sur 7, et acceptent d'offrir des consultations et des conseils gratuitement?

L'expertise et le temps du pharmacien n'ont-ils donc pas de valeur?

Voici d'autres interventions que les pharmaciens font gratuitement, tous les jours, pour leurs patients: des analyses de dossier, des vérifications au dossier santé Québec (DSQ) pour les résultats de laboratoire et interactions potentielles, des consultations pour la prise de médicaments en vente libre, des appels et suivis aux médecins, etc. Cela a également, je crois, de la valeur pour la société: des consultations médicales et des visites à l'urgence sont ainsi évitées, soit environ 700$/jour et par visite. Il en est de même pour les conseils sur les médicaments en vente libre.

Combien de personnes appellent leur pharmacien pour demander conseil, sans qu'un seul sou leur soit facturé? C'est du temps professionnel gratuit.

Le coût est nul, mais qu'en est-il de la valeur de ce geste? Avons-nous sauvé une visite chez le médecin? Avons-nous prévenu un mauvais usage de la médication? Avons-nous mis notre expertise au service du client? Il est faux de penser que le temps que nous y avons passé est couvert par les quelques dollars de profit faits sur le produit vendu, une fois nos frais fixes couverts.

Au-delà de son coût, le travail du pharmacien a de la valeur. À mes yeux, même le prix le plus bas est beaucoup trop cher si le prix du médicament n'est pas accompagné d'interventions cliniques pertinentes permettant la surveillance de la thérapie.

Lorsque vous allez dans un magasin de vêtements pour acheter une chemise et que vous décidez d'en acheter trois, allez-vous payer la première chemise au plein prix et les deux autres au prix coûtant? Non! Vous paieriez le profit trois fois. Pourtant, la caissière vous a vu qu'une fois, vous n'avez fait qu'une transaction, utilisé qu'un sac. C'est une comparaison entre un service, un produit professionnel et des achats matériels, mais le principe économique reste le même.

Et enfin, servir des médicaments pour une période de trois mois demande plus de travail que d'ouvrir un pot et compter. Par exemple, un service de trois mois pour un antidépresseur demande une analyse supplémentaire, aux deux à quatre semaines. Il faut refaire l'analyse du dossier et la surveillance de la thérapie.

De plus, les services pour une période de plus de deux à trois mois entraînent souvent du gaspillage en cas de changement de traitement et un risque plus élevé de mélange, d'erreurs et de mauvaise prise du côté des patients. Donc, plus dangereux et plus coûteux pour le système de santé.

Rappelez-vous aussi que les pharmacies sont des employeurs locaux, plus de 41 000 personnes y sont des salariés. La pharmacie avec tous ses employés, son vaste local à payer et tous les frais afférents, ses équipements informatiques, ses logiciels coûtent des milliers de dollars par année! Alors qu'arrive-t-il après une baisse de ses honoraires? Une baisse des revenus des propriétaires? Probablement des pertes d'emplois, une surcharge du personnel, des réseaux de distribution moins sécuritaires? Certainement!

Qui paiera au bout du compte? À l'image de la célèbre citation de Benjamin Franklin, je dirais qu'un peuple prêt à sacrifier la qualité pour de petites économies finit souvent par perdre les deux.

Enfin, je crois essentiel de rappeler en terminant que les médicaments contribuent à seulement 8% des dépenses en santé, et les honoraires pharmaceutiques ne représentent que 2,5% de ce 8%! En s'attardant donc à cette infime partie que représentent les honoraires pharmaceutiques, et en ignorant toute la valeur apportée à la société, nous négligeons les 97% restants, représentant la très grande majorité des dépenses en santé.

Pour toutes questions, je vous invite à communiquer avec moi. Je reste disponible pour échanger avec vous en tout temps.

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