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La robotisation du combat en Syrie

Pour la première fois, une unité de combat robotisée a pris part à une opération militaire et a contribué à reprendre une zone fortifiée tenue par l'État islamique.
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La robotisation du champ de bataille est une réalité avec laquelle les stratèges doivent désormais compter. Les grandes nations s'engagent aujourd'hui dans de nombreux programmes militaires de recherche et développement de drones armés aériens, navals et terrestres.

En tant que leaders de cette course à l'intelligence artificielle, les États-Unis ont intégré au sein même de leur doctrine de défense l'utilisation de drones de combat, notamment dans la guerre qu'ils mènent contre le terrorisme. Ils ne sont plus les seuls à s'orienter vers la robotisation des systèmes d'armes, rejoints en cela par la Russie et la Chine. La Russie, omniprésente sur la scène géopolitique mondiale, vient d'affirmer sa volonté de moderniser et de robotiser à court terme l'essentiel de son armement. La Chine a choisi la même orientation. Cette tendance mondiale concerne en fait toutes les forces armées, y compris celles de petites armées irrégulières, de groupes rebelles ou terroristes. Chacune de ces forces cherche logiquement à tirer profit des avantages tactiques et stratégiques que peut fournir le robot combattant, à commencer par «l'économie du sang».

Le conflit syrien qui déchire le Moyen-Orient depuis 2011 n'échappe pas à cette évolution. Pour la première fois dans l'histoire de cette guerre, une unité de combat robotisée a pris part à une opération militaire et a contribué à reprendre une zone fortifiée tenue par l'État islamique (EI).

Un groupe de combat supervisé par des techniciens russes constitué de six robots Platform-M, de quatre robots de type Argo assistés de minidrones aériens d'observation, reliés en temps réel au système de contrôle central Androméda-D, a reçu pour mission de reprendre les positions fortifiées de la tour de Syriatel dans la région montagneuse de Lattakié.

Le groupe robotisé est intervenu seul en tête de l'offensive. Arrivés à 150 mètres des objectifs, les robots ont été pris pour cible par les combattant de l'EI. Les machines Platform-M et Argo ont détecté l'origine et la localisation précise des tireurs, puis ont immédiatement répliqué à l'aide de leurs mitrailleuses et des lance-grenades embarqués. Les positions ennemies ont été détruites par les robots, qui ont ensuite laissé la place à l'infanterie syrienne pour une sécurisation finale de la zone de combat. Plusieurs dizaines de combattants de l'EI auraient été tués lors de l'assaut robotisé, alors que seuls quatre soldats de l'armée régulière ont été blessés durant la phase de sécurisation.

Le pilotage «téléguidé» des Platform-M et des Argo s'effectue à partir d'un centre de contrôle sous supervision humaine. Les machines ne sont pas dotées d'autonomie mais sont «opérées» à distance par des opérateurs humains, à la manière des drones aériens. Pourtant, une fois ce guidage centralisé mis en place, il est assez facile de doter les robots d'une petite part d'autonomie dans la phase de combat. C'est alors le niveau d'intelligence artificielle (IA) présent dans les programmes embarqués et dans le système de contrôle centralisé qui détermine ce degré d'autonomie de l'unité, notamment dans les phases d'engagement et d'ouverture du feu sur une cible.

La «dronification» d'un engin peut constituer une première étape vers son autonomisation partielle ou totale. Rendre un système semi-autonome ou autonome demeure une tâche complexe en terme algorithmique. Les questions éthiques sur la décision d'ouvrir le feu (avec ou sans confirmation humaine) surgissent immédiatement sur ce type d'armement. D'une manière générale, les militaires restent pour l'heure très attachés à la supervision humaine et au fait de garder le contrôle du combat. Ce tropisme pourrait cependant s'estomper ou évoluer dans un avenir proche, compte tenu de la montée en puissance de l'intelligence artificielle et de la prolifération de systèmes armés semi-autonomes fonctionnant comme des mines intelligentes et réagissant «à haute fréquence» selon des temps de décisions incompatibles avec les temps réflexes biologiques (humains). L'autonomisation deviendrait alors la seule réponse fonctionnelle efficace face à des temps de réactions de systèmes échappant au contrôle humain...

Robot de combat russe de type Argo

Poids : environ 1000 kg ; dimensions : longueur 3,4m ; largeur 1m ; hauteur 1,65m

Vitesse de déplacement 20km ; durée opérationnelle : 20 heures ;

Armement : mitrailleuse, grenade anti-char RPG26, grenades RSG2

Robot Platform-M

Armement : mitrailleuse 7,62 mm , 4 grenades anti-char

La robotique russe, qui profite de la longue expérience accumulée en robotique spatiale durant la période de Guerre froide, ne se limite pas à la mise en place de l'unité Platform-M. Elle concerne en fait l'ensemble de l'armement russe. Le général Valeri Guérassimov, chef d'État-major des forces armées de la Fédération de Russie et vice-ministre russe de la Défense, vient de déclarer que son pays cherche à développer des unités de combat robotisées capables d'intervenir sur toutes les zones de crises. Les derniers exercices militaires de la flotte de la Baltique réalisés en juin 2015 avaient permis de tester l'unité robotisée Platform-M. Cette fois, c'est en situation réelle de combat que ces robots armés ont été utilisés.

Le tout nouveau char de combat T-14 Armata a été présenté à Moscou lors du défilé national du 9 mai 2015. Se déplaçant à plus de 75 km/h sur route, il est doté d'un canon de 125 mm à chargement automatique accompagné de missiles antichar Sokol-1. L'équipage du T14 n'opère pas depuis la tourelle du char, comme c'est le cas normalement, mais depuis un compartiment inférieur isolé de la zone abritant les caissons de munitions. L'automatisation complète de la tourelle constitue certainement le premier pas vers la «dronification» totale du T14 qui fonctionnerait alors sans équipage, par un contrôle à distance. Cette robotisation complète d'un char de combat serait alors une première mondiale et une petite révolution dans le monde de l'armement...

Char russe T-14 Armata à tourelle automatisée

La tendance à la robotisation des systèmes d'armes s'applique également à des armées irrégulières et à des groupes terroristes. Début janvier 2016, c'est une vidéo saisie sur l'ordinateur d'un combattant de l'État islamique qui a montré qu'un groupe de techniciens de l'EI cherchait à construire des voitures pilotées à distance afin de les transformer en bombes téléguidées (VBIED, ou vehicle-borne improvised explosive device) et commettre des attentats sans le sacrifice du conducteur. La vidéo montrait le contrôle à distance de la direction et des commandes de la voiture, à la manière d'un Google Car. Les techniciens avaient également prévu la construction d'un mannequin chauffé à la température humaine afin de passer les contrôles thermiques...

Voiture VBIED pilotée à distance développée par l'État islamique

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