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Le reflet d'un système de valeurs

Il ne pourrait y avoir de différence plus saisissante que celle opposant la nouvelle génération des petites filles, échangeant d'un cœur léger leur Barbie contre un modèle amélioré, à celles qui, à l'instar de leurs mères et leurs grands-mères, se cramponnent avec amour à la même poupée jusqu'à ce qu'elle tombe en morceaux sous le poids des ans.
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La poupée Barbie, adolescente en plastique d'une trentaine de centimètres de haut, est la plus connue et la plus vendue de l'histoire. Depuis la première année de son lancement, en 1959, le nombre de Barbies vendues avait atteint le chiffre des 12 millions, ce qui dépasse largement la population du Québec qui est de 8,18 millions.

Selon la documentation de Mattel Inc, l'entreprise qui commercialise Barbie, depuis son lancement jusqu'à l'année 2010, 650 millions de poupées ont été vendues dans une centaine de pays. Un marché estimé à un milliard de dollars par an.

Les petites filles adorent Barbie parce qu'elle est on ne peut plus réaliste et qu'on peut l'habiller et la déshabiller sans difficulté. Les fabricants vendent aussi sa garde-robe complète qui comprend vêtements de tous les jours, robes du soir, tenues de bain, de ski, etc.

Comme c'est le cas pour les téléphones intelligents d'aujourd'hui, les fabricants avaient annoncé la sortie de nouveaux modèles plus perfectionnés, avec des silhouettes plus minces, des cils véritables et des tailles articulées qui rendent la poupée plus humanoïde que jamais. En outre, la société a fait savoir que, pour la première fois, toutes les jeunes filles désirant acheter une nouvelle Barbie bénéficieraient de la reprise de l'ancienne.

Ce que Mattel Inc. ne disait pas, c'est qu'en échangeant sa vieille poupée pour une version améliorée sur le plan technique, la petite fille d'hier, citoyenne du monde industriel d'autrefois, avait un peu découvert un trait fondamental de la nouvelle société super-technologique d'aujourd'hui et le caractère de plus en plus provisoire des rapports entre l'homme/femme et les choses.

La marée d'objets manufacturés qui nous entoure, depuis Barbie, n'est qu'une faible partie d'un océan encore plus vaste d'objets naturels. Pourtant, ce qui compte de plus en plus dans la vie d'un individu, c'est l'environnement que lui forge cette nouvelle technologie, l'informatique, le numérique et les autres sciences.

Le grain du plastique ou du béton, l'éclat miroitant d'une voiture sous un réverbère, l'image saisissante d'un paysage urbain à travers le hublot d'un jet, telles sont les données familières de son existence.

Les objets faits par l'homme pénètrent dans sa conscience. Leur nombre se multiplie à une allure explosive, tant dans l'absolu que par rapport au cadre naturel. Cela sera encore plus net dans la société postmoderne que dans celle d'aujourd'hui.

De nos jours, quelqu'un peut oser rêver d'un nouveau logiciel dans un garage délabré (Steve Jobs pour Apple), d'autres dans des laboratoires universitaires (Sergueï Brin et Larry Page pour Google) ou même dans un dortoir (Mark Zuckerberg pour Facebook) et poser les bases d'un empire industriel.

Bien que les antimatérialistes, comme on les appelle, aient tendance à mépriser ces choses-là, celles-ci n'en sont pas moins de la plus haute importance à cause non seulement de leur utilité fonctionnelle, mais aussi de leurs conséquences psychologiques.

Nous entretenons des rapports avec les objets: ils influent sur notre sentiment de la continuité ou de la discontinuité, jouent un rôle dans la structure des situations. Et quand nos liens avec eux se font plus brefs, la cadence de la vie s'en trouve accélérée.

En outre, notre attitude envers les choses est le reflet d'un système de valeurs. Il ne pourrait y avoir de différence plus saisissante que celle opposant la nouvelle génération des petites filles, échangeant d'un cœur léger leur Barbie contre un modèle amélioré, à celles qui, à l'instar de leurs mères et leurs grands-mères, se cramponnent avec amour à la même poupée jusqu'à ce qu'elle tombe en morceaux sous le poids des ans.

C'est dans cette différence que réside le contraste entre le passé, le présent et l'avenir. Entre la société d'autrefois fondée sur la permanence et celle qui se développe sous nos yeux, la nôtre qui est basée sur des éphémérides, l'éphémère et l'avenir qui s'en vient au rythme trépidant des jours.

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