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12 janvier 2010: hommage à Haïti, mon île rêvée

Île svelte, je t'aimerais aussi bien même si ma terre avait été une autre terre, parce que tu es aussi aimée par ceux qui sont descendus des brumes du septentrion ou des vergers lointains. Mon île, parfumée, fleur des îles: renais pour nous, effeuille nos fugues une à une. Et réserve-nous la dernière, sous un peu de sable ensoleillé.
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Mon île, comme tu es belle et douce!

Ton ciel est un ciel vivant qui garde encore une chaleur d'ange, la face cachée d'une étoile. Ta mer, le dernier refuge des vieux requins et des sirènes fugitives. Tes montagnes ont des vertèbres de cuivre et des crépuscules magiques s'embrassent sous le fanal de ton air. Il y a en toi la tendresse des petites choses et la majesté des grandes. Tu restes, terre belle des yeux humains. Fiancée de Colomb, la cadette bien-aimée, le paradis ici retrouvé.

Ta vraie beauté est dans le dénuement - non pas dans l'apparat. Il y a une richesse dans ton dénuement, à la fois simple et altier; ardente et chaste, délicieuse comme les fruits de tes arbres. Tu fleures l'ilang-ilang et le jasmin; tu sens la terre propre, la mer, le ciel. Quand on te peint sur une carte, à contre-jour sur ce bleu vif des lithographies, tu ressembles à deux belles pointes sveltes qui dorment à fleur d'eau.

Tu ressembles aussi à l'arc tendu que l'invisible Sagittaire brandit dans l'ombre. Île gracile qu'habillent aurore et pluie, dont le vent de terre est l'éventail. Les solstices d'été te font danser. Libre et déesse, tu ne veux d'autre diadème que la lune ; d'autres blasons que le soleil levant avec un palmier royal pour armoiries.

Sur tes domaines, la bête nuisible n'a prospéré et jamais un seul de tes oiseaux n'est mort de froid. Des abeilles idylliques couvrent de miel, la trame de tes frondaisons où le colibri tombé de l'arc-en-ciel et l'oiseau moqueur distillent sa musique ardente. Sous un givre de sel et d'étoiles, tu t'endors, île bonne-enfant, dans la nuit des tropiques. Tu te berces doucement dans le hamac des vagues. Tu portes la rose des vents agrafée à la taille, en mai je te remplis de pyrophores.

Pour l'homme, il y a en toi, île lumineuse, le plaisir d'être homme, un péché de dignité intime de l'être, une raison par excellence, la très cordiale. Tu t'offres à l'aromatique et l'agréable, mais tu ne te vends à personne. Tu saignes souvent comme le pélican ; mais tu n'as jamais bu, comme ces sourdes créatures de ténèbres venues de loin, le sang d'autres créatures.

Île svelte, je t'aimerais aussi bien même si ma terre avait été une autre terre, parce que tu es aussi aimée par ceux qui sont descendus des brumes du septentrion ou des vergers lointains. Mon île, parfumée, fleur des îles : renais pour nous, effeuille nos fugues une à une. Et réserve-nous la dernière, sous un peu de sable ensoleillé. Sur la rive du golfe où les cyclones, tous les ans, bâtissent leur mystérieux nid !

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