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Porter la réflexion à l'extérieur des murs du labo

Si elles travaillaient ensemble, les sciences biomédicales et la santé publique pourraient faire œuvre utile sur des enjeux comme les nouvelles maladies infectieuses, la résistance aux antimicrobiens et les maladies comme l'obésité.
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Récemment, l'Association canadienne de la santé publique (ACSP) nous informait que depuis le début des années 1900, l'espérance de vie moyenne des Canadiens s'est accrue de plus de 30 ans. Voilà un progrès dont nous pouvons tous et toutes nous réjouir.

Si vous demandez à quelqu'un de vous expliquer les raisons pour lesquelles l'espérance de vie (79 ans chez les hommes et 83 ans chez les femmes) continue d'augmenter au Canada, il y a de fortes chances qu'on vous cite des progrès médicaux tels que ceux qu'on observe en recherche pharmaceutique et en chirurgie. En d'autres termes, des fruits du travail réalisé en laboratoire.

La plupart seraient donc étonnés d'apprendre que 25 des années en question ne sont pas attribuables aux progrès de la médecine, mais bien à des mesures de santé publique. En effet, les chercheurs dans ce domaine évoluent à l'extérieur des laboratoires; ils entrent plus souvent en contact avec la population qu'avec des boîtes de Pétri.

Plutôt que de chercher à guérir, la santé publique vise à prévenir les maladies par des mesures qui agissent sur un ensemble de déterminants comme l'environnement social, économique et physique; les habitudes de santé et l'accès aux services. Parmi les facteurs ayant largement influé sur l'espérance de vie au fil des décennies, soulignons les progrès réalisés dans une foule de domaines : la propreté de l'eau potable; les systèmes d'évacuation des eaux usées; les conditions d'accouchement; les programmes de vaccination; les politiques sur le tabagisme; l'éducation; et le niveau de vie, pour n'en citer que quelques-uns.

Voici un exemple récent : Statistique Canada rapporte qu'entre 1981 et 2011, l'espérance de vie au Canada a augmenté de 6,2 ans, un progrès attribuable en grande partie à la diminution de la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires. Les initiatives de santé publique, rappelons-le, ont joué un rôle notable dans cette évolution.

La dépendance à la nicotine, la fumée secondaire et le tabagisme durant la grossesse contribuent aux maladies cardiovasculaires. Prenant appui sur la recherche en santé des populations, les programmes de santé publique ont ouvert la voie à un régime de taxation efficace du tabac ainsi qu'à l'interdiction de fumer dans de nombreux lieux de travail et de vie. Plus important encore, les données probantes en santé des populations ont conduit à des changements législatifs qui font en sorte qu'aujourd'hui, les produits du tabac comportent des avertissements et sont interdits de vente aux mineurs.

Toutes ces mesures de santé publique ont révolutionné les perceptions de la population canadienne à l'égard du tabagisme et de la santé. Elles ont sauvé d'innombrables vies et contribué à réduire les dépenses en santé liées aux maladies précoces. Avec un rendement aussi élevé, tant en ce qui touche l'espérance de vie que l'argent épargné, on pourrait croire que le Canada serait amené à investir abondamment dans la recherche en santé publique. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

L'an dernier, le budget des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) atteignait 973 millions de dollars. Moins de 8 % de cette somme - soit seulement 81,9 millions - a été investi dans la recherche en santé des populations. La majeure partie est allée à la recherche biomédicale et clinique.

Non que des percées ne restent pas à faire en sciences fondamentales : des médicaments prodigieux, des découvertes en génétique, des opérations moins invasives... Nous ne nions pas l'importance d'investir dans des interventions curatives, mais il ne faudrait pas négliger pour autant la recherche en santé publique.

Si elles travaillaient ensemble, les sciences biomédicales et la santé publique pourraient faire œuvre utile sur des enjeux comme les nouvelles maladies infectieuses, la résistance aux antimicrobiens et les maladies comme l'obésité. Toutefois, tant que l'on continuera de donner le second rôle à la recherche en santé publique, cela ne risque pas d'arriver.

Pensons à des maladies chroniques comme le diabète, dont le nombre de cas passera, selon les estimations, de 2,4 millions en 2008 à 3,7 millions d'ici 2018. Ce problème pourrait faire grimper les dépenses en santé de 4,7 milliards de dollars d'ici 2020. Ou à l'obésité, qui touche 30 % des adultes et 10 % des enfants au Canada. Quant aux maladies cardiovasculaires, on estime qu'elles coûtent au système de santé 7,6 milliards de dollars par an.

La recherche en santé publique a une contribution importante à faire dans la quête de solutions, au même titre que les sciences fondamentales et médicales. Pour donner un exemple, elle permet de mieux étudier l'organisation de notre système alimentaire, les obstacles à l'accès aux aliments sains et les conséquences du marketing des aliments mauvais pour la santé. Les chercheurs ont démontré que les tactiques de commercialisation encouragent des choix malsains, ce qui a une incidence notable sur l'alimentation des enfants, et proposé des moyens d'encadrer ces pratiques et de renseigner les familles.

D'autres ont démontré le rôle de l'urbanisme dans la promotion d'un mode de vie actif et propice à une bonne santé. Le fait de changer nos politiques en matière de densité urbaine et de transport, de façon à améliorer le potentiel piétonnier, favorise de saines habitudes de vie.

Ces stratégies de santé publique axées sur l'alimentation et la condition physique ont de bonnes chances d'avoir une incidence positive sur les maladies concomitantes que sont le diabète, l'obésité et les maladies cardiovasculaires.

Le temps est venu pour le Canada d'amorcer une réflexion à l'extérieur des murs des laboratoires et d'investir davantage en santé publique et dans la recherche sur laquelle elle s'appuie.

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