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L'impact des mesures d'austérité sur la santé des populations

Ceux qui choisissent l'austérité en négligent trop souvent l'impact sur la santé.
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Ceux qui choisissent l'austérité en négligent trop souvent l'impact sur la santé. Les mesures macroéconomiques doivent viser le bien-être de la population, dont la santé est une composante essentielle. Ainsi, pour évaluer la pertinence des mesures discutées actuellement et choisir en connaissance de cause, il est indispensable de comprendre comment les réponses politiques aux crises économiques influencent la santé.

Il faut bien distinguer l'impact sur la santé des mesures d'austérité prises en réponse aux crises de l'influence des crises économiques elles-mêmes. Cette deuxième question fait l'objet de nombreux travaux académiques, sans pour autant que des conclusions soient mises en évidence, ce que nous n'aborderons pas ici.

Distinction entre effets des crises économiques et mesures d'austérité

Pour analyser empiriquement les effets des réponses politiques, en les distinguant de ceux des crises économiques, on utilise ce que l'on appelle des «expérimentations naturelles». Schématiquement, l'idée est de comparer deux pays qui auraient subi une crise économique similaire avec deux réponses politiques différentes, en s'assurant que les deux pays sont comparables. Bien entendu, si de telles situations se produisent parfois, elles demeurent rares.

Premier exemple, celui de la crise économique en Asie du Sud-Est à la fin des années 1990. La Thaïlande et la Malaisie ont adopté deux réponses fondamentalement différentes. La Thaïlande a accepté «l'aide» du Fonds monétaire international (FMI) et adopté des mesures d'austérité en diminuant notamment les ressources publiques allouées à la prévention du VIH/SIDA qui venaient d'être mises en place. La Malaisie, après une expérience douloureuse avec le FMI quelques années plus tôt, a refusé de suivre les mesures d'austérité édictées, choisissant plutôt des politiques économiques de relance.

Au final, bien que les deux pays aient subi une diminution du PIB semblable, les conséquences sur la santé des populations étaient radicalement différentes. La Thaïlande a connu une augmentation de l'incidence des infections à VIH, des taux de suicide et des cas de malnutrition ou d'anémie chez les femmes enceintes, alors qu'aucun changement significatif de ces indicateurs n'a été reporté en Malaisie.

La Grèce et l'Islande, à la suite de la grande récession après 2008, en sont un autre exemple, bien que les deux pays soient moins comparables. Le taux de suicide et d'infections à VIH et l'espérance de vie se sont nettement détériorés en Grèce, alors qu'en Islande, on a pu observer une stabilisation, voire une amélioration de ces mêmes indicateurs de santé.

Il est difficile de conclure de façon tranchée aujourd'hui sur les éventuelles conséquences de ces mesures sur la santé des populations, car il faut rester prudent face à des situations complexes difficiles à étudier. Mais on ne peut qu'encourager les recherches pour une meilleure compréhension de ce type d'impact.

Justice sociale et coûts cachés...

Au-delà de ces effets sur la santé de toute une population, il faut prendre en compte que l'austérité n'affecte pas également l'ensemble des catégories sociales, posant la question de l'équité de ces réponses aux crises économiques. Dans un récent ouvrage intitulé Les inaudibles, sociologie politique des précaires (Presses de Sciences Po), les auteurs montrent que des populations précaires, qui dépendent davantage des investissements publics et de certaines prestations sociales, sont aussi dans un certain désengagement vis-à-vis de la vie politique. Moins courtisés pour leur vote, plus exposés, ils sont doublement vulnérables aux mesures d'austérité.

Étudier les effets de l'austérité sur la santé, c'est enfin tenir compte des coûts cachés liés à la réduction des investissements publics. Lorsque ces investissements sont réduits, les coûts liés à ces mesures ne peuvent qu'être transférés auprès des familles ou des organismes communautaires, ou déplacés sous forme d'autres dépenses publiques, moins directes et à plus long terme. Par exemple, le Sénat en France vient de publier un rapport, sous-titré Le coût de l'inaction, qui détaille notamment les coûts attribuables à la pollution de l'air, à l'hospitalisation ou à l'absence au travail. Très élevés, les chiffres présentés montrent comment les diminutions des investissements publics peuvent se transformer en dépenses de santé.

Aujourd'hui, pour éclairer les prises de décisions politiques en réponse aux crises, il est important de continuer à analyser les impacts des mesures d'austérité.

Enfin, il serait peut-être légitime de demander à ce que le fardeau de la preuve soit renversé. En effet, au lieu d'adopter, presque par reflexe, des mesures d'austérité pour lutter contre une récession économique, pourquoi ne pas demander aux défenseurs de ces mesures de prouver qu'elles sont appropriées et efficaces pour à la fois lutter contre les effets économiques d'une crise et améliorer - ou du moins ne pas détériorer - le bien-être de sa population, en particulier celui des plus vulnérables?

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