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Emprisonné pour un tee-shirt: il faut libérer mon frère

Cher Mahmoud, tu as déjà passé près de 500 jours en prison, et mon cœur est lourd face à l'injustice que toi-même et tant d'autres subissez. Je n'ose imaginer tes conditions de détention.
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Cher Mahmoud,

Tu as déjà passé près de 500 jours en prison, et mon cœur est lourd face à l'injustice que toi-même et tant d'autres subissez.

Le président Abdel Fattah al Sisi vient d'achever sa première année au pouvoir. Un grand nombre des promesses qu'il a faites n'ont toujours pas été tenues. Il a fait l'éloge des jeunes de ce pays, pourtant beaucoup d'entre eux languissent en prison.

En février, lors d'une allocution devant la nation, le président a dit: « Tous les jeunes innocents doivent être libérés. » Aujourd'hui, je demande: « Et mon frère alors, qui a été arrêté quand il n'avait que 18 ans? Il est en prison parce qu'il portait un tee-shirt réclamant une "nation sans torture" et une écharpe célébrant la "Révolution du 25 janvier". Il n'a pas été officiellement inculpé de la moindre infraction ni jugé. Alors pourquoi n'a-t-il pas été libéré? »

Il y a deux semaines, j'ai assisté à l'audience avec les avocats de ton équipe de défense. Mais tu n'étais pas là. Pour des raisons obscures, on ne t'amène plus dans la salle d'audience lorsque le juge se prononce sur le renouvellement de ton ordre de détention.

Je n'ose imaginer tes conditions de détention. Tu es incarcéré à la prison de la cour d'appel, derrière la Direction de la sécurité au Caire - le même lieu où le militant Alaa Abdel Fattah fut un temps placé en détention. Il est notoire qu'il s'agit d'une des pires prisons qui soient. Elle est seulement censée être un lieu temporaire de privation de liberté. C'est là que les condamnés à mort attendent d'être exécutés.

Tu es détenu avec 44 autres personnes dans une cellule conçue pour n'en accueillir que la moitié. La cellule est pleine d'insectes. Recevoir occasionnellement un peu de lumière naturelle est considéré comme une aubaine.

La seule chose qui me réconforte est que tu gardes le moral en cultivant ton talent pour le dessin et en correspondant avec d'autres militants incarcérés. J'adore le dessin que tu as fait pour l'avocate défenseure des droits humains Mahienour El Massry, cette autre héroïne en cage. Tu as dessiné un Donald Duck qui sourit, qui rit, un personnage jovial comme la Mahienour que nous aimons tous. Cela me rappelle également ton énergie : quand tu joues au foot et que tu t'amuses avec tes amis.

Nos parents ont le cœur brisé parce qu'au lieu de bâtir ton futur, de passer tes examens et de finir tes études, ta vie est en suspens dans une cellule obscure. Au cours des 17 mois écoulés depuis ton arrestation, tu as passé ton 19e anniversaire en prison et manqué le mariage de notre frère. Tu nous as terriblement manqué.

Je me souviens que tu avais à peine commencé à manifester dans le centre du Caire avant que les démonstrations ne soient dispersées à travers la ville le 25 janvier 2014. Année après année, à chaque date anniversaire, nous sommes confrontés à toujours plus de répression et d'homicides. Cette année, le 25 janvier 2015, nous avons reçu la terrible nouvelle que la poétesse et militante de gauche Shaimaa al Sabbagh avait été tuée dans le centre du Caire par un policier. Elle avait pris part à un défilé commémorant ceux qui sont morts lors de la révolution il y a quatre ans, lorsque cette marche a été violemment dispersée par les forces de sécurité.

Le jour de ton arrestation, le 25 janvier 2014, je suis allé à une action de protestation prévue dans le quartier de Maadi au Caire, où nous comptions manifester contre l'ancien président Mohamed Morsi et ses sympathisants, ainsi que contre l'actuel président. Mais la police nous a dispersés avant même que nous n'ayons commencé à défiler.

J'ai été arrêté ce jour-là et incarcéré au poste de police de Maadi. On m'y a gardé 74 jours et accusé de participation à une manifestation illégale et d'appartenance au mouvement interdit des Frères musulmans, dont Mohamed Morsi est membre. Quelle ironie, non? J'ai été acquitté en appel.

C'est le jour de mon arrestation que j'ai découvert que tu avais toi aussi été incarcéré. Savoir que son jeune frère a été arrêté et torturé est l'une des pires émotions au monde.

Tu as été appréhendé au poste de contrôle de la police à Marg, alors que tu rentrais à la maison dans un minibus. Ce même jour, tu as été conduit devant des hommes de l'Agence de la sécurité nationale au poste de police afin de subir un interrogatoire.

Tu avais les yeux bandés et les poignets menottés derrière le dos. L'officier voulait te dicter des « aveux » et te filmer. Tu as refusé, bien sûr, disant que tu n'avouerais pas des actes que tu n'avais pas commis. Alors ils t'ont frappé, t'ont infligé des décharges électriques sur le visage, le dos, les mains et les testicules.

Après quatre heures de ce traitement, tu as dit à l'agent de l'Agence de sécurité nationale que tu « avouerais » tout ce qu'ils voulaient tant qu'ils arrêtaient la torture.

L'agent t'a alors filmé en train d'« avouer » détenir des explosifs, appartenir à un groupe « terroriste », avoir été payé pour manifester et avoir participé à une manifestation non autorisée. Des membres de notre famille ont vu des traces de torture lorsqu'ils t'ont rendu visite le jour où l'enquête a commencé.

Mon cher frère, tu dois comparaître devant un juge, qui renouvellera ou non ton ordre de détention. J'espère qu'il entendra notre appel et les requêtes de tous ceux qui se soucient des droits humains en Égypte, et qu'il te remettra en liberté.

Affectueusement,

Ton frère,

Tarek Tito

Cette lettre est rédigée par le frère de Mahmoud Hussein, emprisonné depuis 500 jours en Égypte, pour avoir porté un tee-shirt contre la torture. Amnesty International a rédigé une pétition pour sa libération.

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Avril 2018

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