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Cour Suprême américaine: les sénateurs sont tombés sur la tête

Alors que la tempête Trump désole les primaires républicaines, une autre bataille politique fait rage à Washington: la nomination de Merrick Garland à la Cour Suprême...
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Alors que la tempête Trump désole les primaires républicaines, une autre bataille politique fait rage à Washington: la nomination de Merrick Garland à la Cour Suprême, en remplacement du très conservateur Antonin Scalia, décédé en février dernier.

Selon la Constitution des États-Unis, c'est le président qui nomme les juges de la Cour Suprême, nomination qui doit être ratifiée par le Sénat. La majorité républicaine au Sénat, rangée derrière son chef, le très conservateur Mitch McConnell du Kentucky, a d'ores et déjà annoncé qu'elle rejetterait la nomination du juge Garland, sans même lui accorder d'audience. De réputation centriste et doté d'une expérience louée par ses pairs, Merrick Garland était pourtant un candidat consensuel: le président avait fait un choix non partisan qui aurait dû satisfaire démocrates comme républicains.

L'attitude de la majorité républicaine méprise très largement les règles constitutionnelles et les pouvoirs de nomination du président. Selon Mitch McConnell, puisque «la voix du peuple» s'exprimera lors de l'élection de novembre prochain, il appartient logiquement au nouveau président de nommer le remplaçant d'Antonin Scalia. L'argument se présente comme démocratique: les électeurs américains se prononceront sur l'avenir de leur pays en novembre, la composition de la Cour Suprême doit donc refléter leur choix. Sauf que la Constitution ne dit absolument rien d'une telle entorse aux pouvoirs du président en place: le président nomme les juges à tout moment de son mandat -le fait qu'il n'ait plus que quelques mois à passer à la Maison-Blanche ne le prive en aucun cas de cette prérogative.

En exerçant leur pouvoir de nuisance, les sénateurs signifient à Obama qu'ils ne lui accorderont pas cette dernière victoire. En refusant de confirmer la nomination de Merrick Garland, ils prennent cependant le risque de voir Hillary Clinton, si elle était élue en novembre prochain, nommer un juge résolument libéral. Afin d'éviter ce scénario, certains républicains ont donc émis la possibilité de simplement repousser le vote de confirmation de Merrick Garland après l'élection, ce que l'intransigeant Mitch McConnell a catégoriquement refusé.

Dans un message télévisé daté du 19 mars, Barack Obama, qui exhortait les sénateurs à s'extraire des querelles partisanes, a estimé que la Cour Suprême devait être «haut-dessus de la politique», pas un «prolongement de la politique».

Or, ce n'est pas le cas: la Cour est une institution éminemment politique. Le mandat à vie des juges est certes une garantie de leur indépendance, mais il va de soi qu'indépendance ne veut pas dire neutralité. La Cour Suprême a joué un rôle moteur dans les grandes avancées de la société américaine au 20e siècle: de la déségrégation des écoles publiques du Sud en 1954 au droit à avortement en 1973, jusqu'au maintien d'Obamacare -dont la constitutionnalité a été mainte fois attaquée par les parlementaires républicains- en 2015.

Les nominations des juges, qui disposent d'un mandat à vie, ont toujours été éminemment politiques: leurs préférences idéologiques définissent les grandes orientations de la vie politique et sociale américaine pendant des décennies. La composition idéologique de la Cour Suprême, traditionnellement divisée entre une aile libérale et une aile plus conservatrice, n'est ainsi pas anodine. De fait, les présidents prennent soin de choisir des juges aux tendances idéologiques similaires aux leurs, comme Richard Nixon en 1971, avec la nomination des juges conservateurs Powell et Rehnquist, ou encore George H. Bush en 191 avec la nomination de Clarence Thomas. Si le centriste Garland remplaçait Antonin Scalia, le poids de l'aile conservatrice de la Cour se trouverait significativement réduit.

La Cour a enfin besoin d'une majorité minimale de cinq membres pour opérer: l'avis d'un seul juge peut donc être décisif dans la décision finale. Le siège de Scalia étant resté vacant, la Cour, actuellement composée de huit membres, peut se trouver en mal de majorité. Le 29 mars, les juges ont été incapables de dégager une majorité au cours d'un jugement sur les syndicats d'enseignants en Californie. Cette configuration de quatre contre quatre, qui rend impossible toute décision finale de la Cour, risque de se reproduire jusqu'à la nomination d'un neuvième juge, que les républicains refusent à Obama.

Avec Donald Trump à deux doigts de la Maison-Blanche et un Congrès déchiré par les luttes partisanes, les États-Unis n'ont pourtant vraiment pas besoin d'une troisième institution au bord de l'implosion.

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