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Terrorisme: faire triompher la culture contre la barbarie

TERRORISME - En fracassant les œuvres d'art assyriennes du musée de Mossoul, les barbares de Daech se sont employés à ravager l'héritage mésopotamien, à effacer la fresque irakienne, syrienne et moyen-orientale.
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TERRORISME - Détruire le passé. En fracassant les œuvres d'art assyriennes du musée de Mossoul, les barbares de Daech se sont employés à ravager l'héritage mésopotamien, à effacer la fresque irakienne, syrienne et moyen-orientale. Ne plus pouvoir se souvenir pour ne jamais savoir ; ignorer pour n'avoir comme choix que celui de se soumettre à une charia fantasmée, nourrie à l'intolérance et par le sang: telle est l'entreprise orwellienne de Daech. Ce volontarisme politique de nier l'Histoire collective et d'empêcher l'exercice personnel de la Mémoire est le sommet du totalitarisme, ce point culminant où le passé et les origines n'existent plus.

Détruire la différence. Ce crime culturel a été perpétré au prétexte que «les soi-disant Assyriens, Akkadiens et autres peuples avaient des dieux pour la pluie, pour les cultures, pour la guerre», autrement dit qu'ils étaient frappés d'idolâtrie. Au temps où Ibn al-Fârid écrivait son poème bachique, où l'Al-Andalus, apogée de la civilisation arabo-musulmane, rayonnait au milieu du sombre Moyen-Âge européen, les incroyants et tous les fidèles, indépendamment de leur culte, coexistaient dans une atmosphère singulièrement pacifique. Croire différemment n'était pas synonyme de mort, et la recherche de la connaissance se révélait un leitmotiv permanent. Les artistes avaient une liberté de création sans commune mesure, tandis que la pratique des arts était encouragée, voulue, désirée. Aujourd'hui, Daech ne sait prêcher que l'obscurantisme et le nihilisme, quand toute croyance qui diffère de sa pensée mortifère est mécréante, marquée du sceau de l'infamie.

Détruire l'humanité. En s'attaquant brutalement au patrimoine culturel du «berceau de l'Humanité», la Mésopotamie, c'est bel et bien notre patrimoine universel qui a été rasé. À la violence des décapitations s'est ajoutée la violence des destructions. D'ailleurs, cette dernière n'est que le prolongement de la première. Il s'agit de briser l'humain en brisant sa création. Dans la mesure où les fanatiques de Daech ne pouvaient décapiter ces morts honnis, il fallait décapiter leurs biens culturels, témoignages insupportables de leur expression, de leurs croyances, de leur postérité et donc de leur existence. Ils ont éteint le dernier souffle de vie de ces artistes qui siégeaient parmi nous à travers leurs œuvres. Au final, Daech repose sur un «Tout» dévastateur, sauvage, inhumain dont est empreinte chacune de ses actions. Les victimes, au premier rang desquelles figurent les musulmans, s'accumulent au rythme des massacres commis quotidiennement, caractérisés par une cruauté sans limite et l'écrasement systématique de toute dignité humaine.

Construire en agissant. Afin de combattre les atrocités de Daech, le Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté à l'unanimité, le 12 février dernier, la résolution n°2199 qui vise à tarir les financements de l'organisation. Outre le commerce pétrolier, le trafic d'armes ainsi que la problématique relative aux rançons et aux dons, la question du patrimoine culturel est abordée sous deux prismes: la condamnation de la destruction de ce patrimoine et la nécessité de lutter contre la contrebande des objets culturels dont Daech tire des revenus substantiels.

Construire en préservant. L'ampleur des pillages et des exactions culturelles rappelle les autodafés sur le Vieux Continent ainsi que les actes des groupes extrémistes qui ont brûlé un nombre important des manuscrits de Tombouctou et détruit les tombeaux des saints soufis représentant l'islam spirituel plus que millénaire au Mali. Face à ce vandalisme, la diplomatie française pourrait porter un projet de résolution ayant spécifiquement trait à la sauvegarde du patrimoine culturel irakien et syrien, et à la lutte contre le commerce des biens culturels spoliés par Daech. Il est temps de prendre la juste mesure de l'enjeu culturel dans le cadre de la bataille contre Daech. Non seulement assister impuissants à la destruction d'un tel patrimoine archéologique, historique, scientifique et religieux est littéralement une déchirure, mais réagir est aussi un impératif d'ordre sécuritaire, comme le souligne la directrice de l'UNESCO, Irina Bokova: "Cette attaque est bien plus qu'une tragédie culturelle, c'est également une question de sécurité parce qu'elle alimente le sectarisme, l'extrémisme violent et le conflit en Irak".

A plus long terme, les contours d'un mécanisme d'entraide innovant qui s'appuierait sur le principe d'universalité culturelle et sur la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954 pourraient être esquissés: dès lors qu'un conflit armé éclate sur un territoire, les biens et œuvres culturels seraient automatiquement transférés vers des pays sûrs. Une clause de restitution prévoirait leur rapatriement une fois le conflit soldé. Cependant, la mise en œuvre de ce programme d'envergure implique la consolidation d'un réseau culturel mondial, en particulier entre les musées, mission qui pourrait revenir à l'UNESCO. En anticipant ainsi, l'objectif de sauver ce qui constitue la fierté des peuples et notre patrimoine culturel universel serait réalisé.

Construire en éduquant. Près de deux mois après la folie du 11 janvier qui s'abattait sur la France, s'engager inexorablement en faveur de la culture, de l'éducation, ces remparts inébranlables contre l'ignorance, l'intolérance et l'extrémisme de toute nature est donc plus qu'impérieux. L'énergie et les efforts déployés à l'échelle nationale doivent se dupliquer à l'international afin que le patrimoine universel soit protégé, et surtout que les populations victimes du joug féroce de Daech puissent retrouver l'accès à la richesse de leur culture, à laquelle nous devons tant, et à une éducation ouverte. Ces roseaux si fragiles ne doivent rompre jamais.

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