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Le lâcher-prise: nouveau concept à la mode

Alors oui, il faut accepter de lâcher prise. De s'accorder du temps. Du temps pour soi, pour vivre à fond, et parfois pour se planter.
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Le lâcher-prise : le nouveau concept à la mode. Tout le monde en parle. C'est LA solution à tous nos problèmes. Forcément, nous évoluons dans une société féroce, limite autophage. Il faut être le meilleur dans tout, bouger, s'adapter, être rentable, efficient et probablement tout un tas d'autres qualificatifs qui, à cette heure-ci, sont absents de mon vocabulaire. Bref, nous vivons dans une société imparfaite au possible mais qui nous pousse à pourchasser nos imperfections.

Il y aurait probablement là matière à développer un sujet de synthèse de philo pour le bac, mais m'étant moi-même plantée sur cette épreuve jadis, cela reste un sujet douloureux que je préfère éviter d'aborder. Voyez là encore un parfait exemple de la pression que l'on nous fait subir : peut-on être doués partout ?

Mais passons, je disais donc que la société nous pousse à nous sentir mal. Mal parce que l'on voudrait être différent, parfait. Sauf que tout le monde le sait : la perfection n'est pas de ce monde. Donc, en gros, on se met tous en tête un objectif totalement irréalisable et on s'auto-flagelle quand on réalise qu'effectivement on ne parvient pas à l'atteindre.

Forcément, il y a de quoi être angoissés, non? Devoir toujours tout faire bien... il y a de quoi s'arracher les cheveux! Sans compter que, honnêtement, si tout le monde était parfait, le monde serait d'un ennui mortel!

Et là, paradoxe absolu, cette même société qui nous pousse à toujours donner plus que ce dont on est capable, nous donne la solution pour chasser nos angoisses: apprenez à lâcher prise!

Et c'est fort joliment amené d'ailleurs. Prenez l'exemple d'un magazine féminin lambda.

À la une : «apprenez à bichonner votre partenaire en lui concoctant de bons petits plats».

Page suivante : «sous-vêtements en dentelles, sortez-lui le grand jeu».

Là déjà, on commence à le sentir, le coup de la parfaite petite ménagère. Comme si, après avoir passé la journée au boulot et la soirée aux fourneaux, la femme parfaite avait le temps de s'épiler et de se pomponner pour pouvoir assumer son devoir conjugal en bonne et due forme.

En résumé, lâcher-prise, c'est comprendre que chercher à tout contrôler est impossible, c'est réussir à s'accepter comme on est et à vivre sa vie dans l'instant, sans chercher à tout planifier.

Page suivante : «boulot, enfants, ménage : 10 femmes racontent leur galère au quotidien». Oui parce que le rédacteur en chef a fini par se dire qu'il allait se retrouver avec des féministes sur le dos s'il continuait à véhiculer ses idées sexistes sans reconnaitre que cela pouvait être un minimum compliqué.

Le truc, c'est que même à ce moment-là, l'idée de fond reste la même : c'est effectivement compliqué mais, hey cocotte, tout le monde le fait. Alors en voiture Simone, une poêle dans une main, l'épilateur dans l'autre et veille à ce que les enfants ne braillent pas parce que - franchement - je suis lessivée.

Bon ok, on est totalement d'accord, s'épiler et cuisiner en même temps, c'est proscrit. C'était juste pour l'effet de style, montrer le côté stupide de la chose. Tout ça pour dire que la pression qui est mise sur cette pauvre ménagère est énorme.

Et là, double page centrale : «surmenage : apprenez à lâcher prise». Voilà, désormais elle n'a plus d'excuse, si ça ne va pas c'est simplement parce qu'elle se met trop de pression...

Alors forcément, je n'ai qu'une envie: hurler à l'aberration ! Sans compter que, maintenant, on voit apparaitre un truc totalement dingue: on va culpabiliser de ne pas réussir à lâcher prise.

Forcément, si on n'y arrive pas, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche chez nous.

Bref, vous l'aurez compris, sur le principe et surtout au vu du contexte actuel, cela me révolte. Mais en même temps... Est-ce que cela ne serait pas tellement plus sympa de balancer toutes les pages précédentes et de se focaliser sur ce dernier point ?

Parce que lâcher prise, c'est quoi, au fond ? C'est accepter de perdre le contrôle.

Bien sûr, là j'en parle comme s'il s'agissait d'une évidence pour moi, quelque chose qui coulerait de source, alors qu'en fait pas du tout. C'est même l'opposé. Je suis le parfait exemple de la control freak.

Le problème, c'est que ce besoin de tout contrôler apparait comme un frein au quotidien. Il empêche d'être réellement soi, de s'autoriser à faire des erreurs et, par voie de fait, d'accomplir ce qui nous tient à cœur. Il nous impose des idéaux préconçus, à des kilomètres de la réalité.

Alors oui, il faut accepter de lâcher prise. De s'accorder du temps. Du temps pour soi, pour vivre à fond, et parfois pour se planter. Mais se planter fait partie de la vie et c'est bien souvent ce qui nous permet d'avancer. Alors, au fond, pourquoi tant redouter l'échec ?

Après, je parle du fond, mais la question de la forme, ou plutôt des formes se pose également lorsqu'il s'agit du contrôle. S'accepter tel que l'on est, c'est aussi accepter son corps. Accepter que celui-ci ne correspond peut-être pas aux canons de beauté photoshopés des magazines (on y revient toujours à ce satané magazine...), mais que ça ne veut pas dire qu'il n'est pas parfait lui aussi. Parfait dans son imperfection. Et oui, Simone a un peu de cellulite, quelques vergetures apparues pendant la puberté, de l'acné, des rides, des bourrelets, des cheveux blancs et quelques poils disgracieux, elle est un peu trop maigre ou un peu trop ronde, ses cheveux sont trop courts, trop bouclés, trop gras... Mais va falloir faire avec. La pauvre, je ne sais pas qui est cette Simone, mais elle charge gaillard ce soir. Sans compter qu'il faut bien prendre conscience du fait qu'il n'y a pas pire critique que soi-même et que, la plupart du temps, nos critères d'évaluation sont moins drastiques lorsqu'il s'agit des autres.

En résumé, lâcher-prise c'est comprendre que chercher à tout contrôler est impossible, c'est réussir à s'accepter comme on est et à vivre sa vie dans l'instant, sans chercher à tout planifier. Mais avant tout, lâcher-prise est un apprentissage. C'est apprendre à briser un mode de fonctionnement que nos sociétés ont intériorisé depuis tellement longtemps que l'on n'y prend même plus garde. Alors un pas après l'autre, avancer petit à petit, parce que lâcher-prise c'est aussi accepter de ne pas toujours y parvenir.

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