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L'enthousiasme suscité par la quasi-victoire de Bernie Sanders aux primaires de l'Iowa semble propulser le rêve d'une Amérique socialiste à l'avant-plan de la réalité politique.
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L'enthousiasme suscité par la quasi-victoire de Bernie Sanders aux primaires de l'Iowa semble propulser le rêve d'une Amérique socialiste à l'avant-plan de la réalité politique.

Au contraire, derrière cette fabulation socialiste se cache le profond malaise populiste qui pourrait bientôt affliger la majorité de la population états-unienne.

Comme l'écrivait Fareed Zakaria dans son article How the GOP's dishonesty led to the rise of Donald Trump and Ted Cruz pour le Washington Post, un regroupement d'idéologues de droite, qui se sentent floués depuis la montée des droits civils, la hausse de l'immigration musulmane et la croissance des dépenses gouvernementales, ont vu non seulement dans l'élection mais dans la gouvernance de Barack Obama un point de non-retour.

Cette peur de voir disparaître l'identité américaine a mobilisé les slogans «Take Our Country Back» ou le célèbre «Make America Great Again».

L'échec du modèle américain serait donc la responsabilité d'un appareillage politique corrompu qui aurait comploté contre tout ce que la Constitution devait protéger soit la liberté des citoyens face à ses élus: Barack Obama étant la synthèse contemporaine parfaite de cet échec.

À partir des assemblées de cuisine du Tea Party nouvelle génération au discours de victoire des primaires de l'Iowa par Ted Cruz, on retrouve le berceau d'un mouvement populaire qui souhaite redonner le pouvoir au citoyen face au pouvoir corrompu des grandes structures.

«Tonight is a victory for the grassroots. Tonight is a victory for courageous conservatives across Iowa, and all across this great nation. Tonight the state of Iowa has spoken. Iowa has sent notice that the Republican nominee for the next president of the United States will not be chosen by the media. Will not be chosen by the Washington establishment. Will not be chosen by the lobbyists. But will be chosen by the most incredible powerful force, where all sovereignty resides in our nation by we the people. The American people.» [Source: Vox Policy & Politics]

À l'opposé du spectre politique, et quasi simultanément audit discours de Ted Cruz, Bernie Sanders remportait une victoire morale en cumulant le même nombre de délégués que la candidate favorite de l'establishment démocrate: Hillary Clinton.

L'inquiétante étrangeté de cette victoire est qu'elle semble porter l'essentiel du même message que l'ultra-conservateur Ted Cruz alors qu'elle doit supposément symboliser et parler au nom du grand rêve socialiste.

« I think the people of Iowa have sent a very profound message to the political establishment, to the economic establishment, and by the way, to the media establishment. It is just too late for establishment politics and establishment economics ... What Iowa has begun tonight is a political revolution. » [Source: Vox Policy & Politics]

Les comparaisons se poursuivent dans leur étonnant combat pour la démocratisation du financement politique, comme si les donations du simple citoyen pouvaient insuffler de l'authenticité à leurs démarches respectives. Tandis que Ted Cruz remercie les 800 000 contributions moyennes de 67$, Sanders fait de même en se félicitant des 3,5 millions de dons d'environ 27$.

Ted Cruz mène une révolution politique contre les lobbyistes de Washington.

«When the Washington lobbyists settled on other lobbyists in this race. When the media in one voice said a conservative cannot win, nationwide over 800 000 contributions poured in to tedcruz.org as courageous conservatives said, yes, we can.»

Sanders applique la même recette à la fiscalité corrompue de Wall Street.

«We do not represent the interests of the billionaire class, Wall Street or corporate America. We don't want their money. We will -- and I am very proud to tell you, we are the only candidate on the Democratic side without a super PAC. And the reason that we have done so well here in Iowa, the reason I believe we're going to do so well in New Hampshire, and in the other states that follow, the reason is, the American people are saying, 'no to a rigged economy.' They no longer want to see an economy in which the average American works longer hours for low wages while almost all new income and wealth is going to the top 1%. »

Au final, il semblerait que de part et d'autre (et il y a de quoi se surprendre lorsque ce point de vue provient du parti sortant à la présidence), l'Amérique serait brisée; alors qu'en réalité ce n'est qu'une idée préconçue de ce que l'Amérique dysfonctionnelle était supposément et/ou ce qu'elle devrait probablement être.

Or, pendant que toute l'attention était portée, et continue de l'être, sur les causes qui pouvaient expliquer la montée d'une conséquence populiste comme Donald Trump et plus récemment Ted Cruz; la campagne de Bernie Sanders articulée autour du même axe de l'Amérique brisée jouit d'une lune de miel, oserait-on le dire, socialiste.

En janvier dernier, la campagne de Bernie Sanders a levé près de vingt millions de dollars en donations ce qui en fait probablement le plus grand succès du genre de l'histoire politique américaine. Se faisant, la campagne du sénateur du Vermont vient joindre les rangs de ces grandes centrales fiscales et politiques que sa campagne dénonce. Le système peut-il donc à la fois être corrompu et salvateur du moment où on se place du bon côté de la vertu?

Après tout, Donald Trump s'est toujours montré en faveur des services sociaux, de l'assurance médicament, du système d'imposition canadien et des revenus excessifs provenant des grandes centrales fiscales mais sa rhétorique articulée autour du culte de sa personnalité avait de quoi effrayer, avec raison, le plus modéré des conservateurs. Trump demandait de lui faire confiance: son succès en affaires et son franc parlé auraient raison de Washington et du monde entier jusqu'à un certain point.

Idem pour Cruz, sénateur texan détesté par l'ensemble de l'appareillage politique américain, tous partis confondus, précisément parce qu'il refuse les compromis au profit de ses électeurs opiniâtrés.

Force est d'admettre que Bernie Sanders fait du pareil au même.

De la même manière où sa campagne décrit le système fiscal corrompu et ses inégalités qui se financent à même l'argent des citoyens pour ne leur en redonner qu'une infime, voir microscopique, partie; Bernie Sanders a maintenant joint le clan des millionnaires qui promettent un retour du balancier à ses investisseurs.

Bernie Sanders demande de lui faire confiance alors qu'il a précisément ordonné de ne pas croire dans le même système qui lui permet désormais de croire en ses chances de remporter la présidence.

Au final, malgré la polarisation des positions sur le spectre politique, le grand danger n'est-il pas la montée de la croyance envers des politiciens qui prétendent non seulement réparer ce qui n'est pas complètement brisé mais qui proposent également des visions de gouvernance intenables supposément opposées plutôt que de prendre acte qu'ils militent au fond tous pour la même chose: convaincre de la nécessité absolue du changement pour ultimement prendre le pouvoir qu'ils promettent de redonner au peuple?

De droite à gauche, il serait plutôt mieux avisé d'en douter, peu importe si les électeurs croient leur cause socialiste ou conservatrice. Peu importe si les électeurs croient leur cause juste ou non.

Ainsi, peut-être, cessera-t-on la dangereuse montée du populisme.

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