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500 représente le nombre dequi sont publiés chaque année, un petit nombre sur les 30 000 nouveautés francophones. Ces 500 titres représentent le pain et le beurre des commerçants. Or, il arrive de plus en plus souvent qu'une grande part de leurs ventes soit réalisée dans des grandes surfaces, qui ont les moyens d'offrir des rabais que les librairies agréées ne peuvent égaler.
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Non, il ne s'agit pas d'une suite que les producteurs auraient décidé d'apporter au film 300! Et ceci n'est pas une critique de film!

500 représente le nombre de best-sellers qui sont publiés chaque année, un petit nombre sur les 30 000 nouveautés francophones. J'imagine que ce sont là les écrits d'auteurs sûrs, qui ont déjà pondu pareil ouvrage auparavant. On peut aussi croire qu'un best-seller anticipé peut se révéler ne plus en être un. Il arrive en effet qu'un ouvrage déçoive les attentes du public. Les ventes ne sont alors plus au rendez-vous et le livre ne peut plus être considéré comme un best-seller. L'entreprise de le publiciser comme tel tourne alors en eau de boudin. Comme il semble aussi évident qu'une nouveauté, réalisée par un nouvel auteur, qui était jusqu'alors simple écrivain normal, c'est-à-dire peu ou raisonnablement lu, puisse se hisser au rang d'un best-seller. Bref, ce ne sont pas là des catégories étanches.

Ce chiffre m'apparaît tout de même révélateur, comme d'autres qui suivront. Je vous les soumets alors que vient de se clore la commission sur la réglementation d'un prix du livre, à Québec. Le jour suivant cette clôture, comme si la réalité venait prendre le relais des catastrophes annoncées en maints mémoires portant sur l'avenir du commerce de livres, deux autres librairies ont d'ailleurs dû fermer leurs portes. Rappelons que le milieu du livre demande une réglementation qui limiterait à 10% le rabais consenti par le marchand, et ce pour une période de 9 mois suivant la parution du livre. Cette mesure devrait les aider à stabiliser une situation financière rendue difficile par l'arrivée d'un nouveau joueur bénéficiant d'avantages difficiles à concurrencer : les magasins à grande surface.

Ces 500 titres représentent le pain et le beurre des commerçants. C'est principalement avec ceux-ci qu'ils arrivent à faire leurs sous. Or, il arrive de plus en plus souvent qu'une grande part de leurs ventes soit réalisée dans ces magasins de grande surface, qui ont les moyens d'offrir des rabais sans précédent, d'une ampleur que ne peuvent pas se permettre d'atteindre les librairies agréées. Celles-ci aimeraient en effet pouvoir compter sur ces ventes, car les autres 29 500 nouveautés et les 750 000 livres composant la collection de fond, qui occupent leur espace et dont ils doivent conserver une part, ne se vendent pas avec autant d'allant. Limitées à ces deux dernières catégories, elles ne peuvent espérer préserver leur santé financière.

Les magasins à grande surface ont choisi de se restreindre à la vente de ces best-sellers. Ils peuvent les étaler en très grand nombre dans leurs magasins. Ils ont peu de dépenses de manutention, l'essentiel de celle-ci se bornant à mettre en piles les marchandises exposées à la vente. On sait aussi qu'ils n'ont pas de personnel affecté à la vente. Bref, ils ont bien moins de frais que les librairies agréées. De plus, ils peuvent se permettre de vendre les livres au prix coûtant. Cela leur permet d'établir leur réputation comme magasin offrant les plus bas prix (Loss Leader, en anglais). De toute façon, ils se reprendront sur un autre produit qu'ils vendront plus cher.

C'est donc dire que, sur les 30 000 nouveautés francophones paraissant chaque année, ils ne proposeront que 500 titres au maximum, ce qui représente 1,7%. de la production totale. En fait, il semblerait que Costco, par exemple, ne tient que 227 titres, ce qui fait plutôt 0,75%. On pense que d'autres magasins du même type gardent sur leurs tablettes entre 200 et 350 titres, donc 1,16% au mieux de ce qui se publie annuellement. Est-il besoin de dire que, sur ce nombre, il y a très peu de livres québécois, choisis sur les 6500 édités cette année?

Certains se réjouissent de voir le livre aller à la rencontre d'un public qui ne se rend pas souvent dans les librairies. Ils ont évidemment raison. Mais il y a un hic. Ce hic, c'est que les magasins à grande surface font 11% des ventes de livres au total. Ce chiffre est suffisamment élevé pour mettre en péril bon nombre de librairies agréées qui peinent aujourd'hui à se rentabiliser. Si plusieurs en venaient à fermer leurs portes, comme l'ont fait deux librairies récemment, il y aurait une part grandissante des 83% d'acquéreurs de livres qui devraient se rabattre sur les 500 titres, et rien d'autre, disponibles dans les magasins à grande surface. Il en résulterait une perte évidente en termes de bibliodiversité. Car, s'il devient difficile de vendre autre chose que des best-sellers, il deviendra assez rapidement problématique d'en éditer.

De plus, ces chiffres battent en brèche un argument souvent entendu au cours des dernières semaines, à savoir qu'une réglementation comme celle proposée mènerait à une hausse du prix des livres. À la lumière de ce que je viens de démontrer, il faudrait plutôt dire que cette hausse aurait un effet sur 11% des ventes actuelles puisqu'elle limiterait les rabais que proposent les magasins à grande surface. Elle ne devrait faire aucune différence sur le 89% des ventes restantes, réalisées dans des commerces ne pouvant offrir de rabais, faute de marge de manœuvre financière suffisante.

On peut toutefois espérer que, si la mesure devenue loi amenait une stabilisation de la situation économique des librairies agréées et les incitait à chercher à faire concurrence, sur un pied d'égalité cette fois, aux magasins à grande surface, elles pourraient enfin se permettre d'offrir des rabais à leurs clients, comme certaines l'ont fait autrefois.

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Avril 2018

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