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Qu'est-ce qu'une sexualité libérée?

La sexualité est infinie et constitue une source majeure de bonheur, nous devons la conquérir tous ensemble au fur et à mesure, par la libération, la recherche et la créativité.
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La sélection naturelle nous a fait don à la fois de fortes appétences sexuelles, qui débordent largement le cadre de la simple reproduction, et d'une liberté vertigineuse, grâce à notre néocortex qui peut imaginer l'avenir et s'inventer de nouveaux objets de désirs. Que faire, alors, de nos désirs?

Tout comme le philosophe cherche la sagesse et le bonheur, le philosophe du cul cherche le bonheur sexuel, autrement dit la "jouissance". En tant que matérialiste, il ne la conçoit pas tant comme fusion de l'âme et du corps, qui n'ont jamais été réellement séparés, que comme instant paroxystique de la conscience d'être corps. Nous pouvons tous connaître un petit nirvana, où notre pensée se dissout dans une large sensation d'harmonie entre notre corps et le monde. Cette recherche de l'orgasme est comme par hasard confortée par les études médicales, unanimes pour célébrer les bienfaits de l'activité sexuelle.

Toutefois, ces convictions rencontrent un problème factuel: comment se fait-il que la plupart des gens consacrent si peu de temps à ce souverain bien? Souvent, les hommes se trouvent frustrés en quantité d'activité sexuelle, et les femmes en qualité. Face à une certaine misère sexuelle, que faire pour améliorer notre sort?

Une première solution consisterait à nous libérer intérieurement. De nombreuses idées fausses font office de barrière intérieure. Elles entraînent des gênes, des crispations et des rétentions qui limitent en vain le champ de nos possibles bonheurs. Parmi celles-ci, nous devons combattre les idées de bien et mal, de nature et contre nature, de sexisme issu d'idées fausses sur l'homme et la femme , de normalité et perversion, de civilisation et barbarie, d'une foule d'idées arrêtées par des catégories figées qui nous donnent l'impression de "connaître" la sexualité, le désir, etc.

Notons trois exemples de conséquences concrètes et néfastes de ce genre d'idées fausses. La majorité des gens demeure gênée par la sexualité. Ce sujet devient tabou dans l'opinion publique, et particulièrement en famille ou dans l'institution scolaire. Cette même gêne gâche un bon nombre de rencontres possibles, et pire, la détente nécessaire à la découverte sexuelle de l'autre et de soi-même.

Une autre conséquence est la peur existentielle face au vertige de notre immense liberté. Une crispation sur les règles passées et les traditions en découle. Ces dernières ne constituent que des exemples d'utilisation possible de notre liberté, mais non exclusive. La créativité humaine est ainsi étouffée, et notre évolution enrayée.

Enfin, la bonne vieille jalousie pointe le bout de son nez, avec la croyance fausse qu'autrui nous "appartient". La jalousie maritale représenterait-elle un dernier relent d'esclavagisme humain? Les philosophies orientales nous seraient d'un précieux secours ici, en nous enseignant le relâchement, ainsi que la non-fixité des apparences sensibles et même de notre "moi".

Prosaïquement, nous sommes brutalement vaccinés de la jalousie après avoir été trompés par notre premier grand amour. Mieux valait prévenir que guérir...

La deuxième solution, concomitante de la première, consisterait à inscrire cette libération intérieure dans la réalité sociale et politique. Les innovations qui pourraient progressivement changer notre cadre de vie devraient a priori respecter des conditions pour être viables. Celles-ci seraient d'ordre biologique, rationnel et politique. En voici quelques exemples, à titre d'hypothèses.

Sur le plan biologique, toute activité d'être vivant doit être adaptée à son environnement pour lui assurer la survie. Nous pourrions craindre que si les humains continuent à se reproduire comme des lapins, leur champ d'action à venir ne s'amenuise drastiquement, ainsi que celui de nombreuses espèces. Quelle ironie ce serait de devoir recourir massivement aux pratiques sexuelles non reproductives que la nature nous a léguées, et que nous avons eu l'impudence d'appeler "perversions"! Imaginerait-on l'ONU et l'OMS dépêcher des troupes de casques roses pour enseigner ces pratiques dans les parties défavorisées et surpeuplées du monde?

Un autre héritage naturel regarde notre comportement "moral", fondé sur l'empathie gérée par notre partie de cerveau commune avec les mammifères, le cerveau dit mammalien. Ressentir les souffrances et plaisirs de l'autre engendre une entraide qui renforce une espèce face aux autres espèces. Une sexualité épanouie se doit d'en tenir compte: nous devons tâcher de rendre le bonheur que nous procure notre partenaire. Notamment, les hommes qui ont l'orgasme si facile devraient se creuser un peu les méninges pour rendre la politesse aux femmes. Ils devraient même sacrifier à l'adage "ladies first", du fait qu'elles peuvent plus facilement poursuivre une activité sexuelle après un orgasme.

Sur le plan rationnel, la morale naturelle est renforcée par le calcul qui nous apprend que coopérer en premier est dans notre intérêt à long terme. Nous devrions satisfaire l'autre en premier. C'est aussi le sens de la morale épicurienne, fondée à la fois sur le plaisir et sur la raison. Celle-ci enjoint à prendre en compte les conséquences de nos actes.

Sur le plan politique, la première condition est la conformité aux lois choisies démocratiquement. Mais tout l'enjeu consiste à les faire évoluer. Une autre condition fondamentale demeure la liberté réciproque, autrement dit le consentement mutuel des protagonistes des activités sexuelles. La troisième condition minimale consisterait dans l'intégration d'autres us culturels, dans l'idée d'atteindre une universalité "métaculturelle" des lois.

Enfin, s'il s'agit d'entreprendre une révolution des mentalités, évitons l'écueil de mai 68 et la supposée révolution des mœurs. Les femmes avaient fait les frais de ces changements. L'arrivée de la pilule, la légalisation de l'avortement et les différentes facilités accordées pour divorcer encouragèrent l'idée de faire l'amour librement, quand nous le voulions, avec qui nous souhaitions. Mais le résultat concret en fut un accroissement des femmes seules au foyer et une frustration sexuelle de leur part, dans la mesure où leur anatomie n'exigeait pas tant un changement quantitatif que qualitatif. Une meilleure communication, moins gênée, non seulement entre partenaires, mais encore médiatique et pédagogique, pourrait résoudre une partie de ce problème.

Nous en venons naturellement à quelques idées d'applications de ce vaste programme, qui ne doit pas rester un vœu pieux ou une simple théorie déconnectée.

Le nerf de la guerre réside dans l'éducation, non seulement parentale mais encore institutionnelle. C'est dans la transmission intergénérationnelle que perdurent nos a priori. Quelle honte de ressentir encore aujourd'hui une quelconque gêne pour apprendre ces choses essentielles à notre bonheur. Cette éducation s'effectue encore et toujours sur le tas, et de nos jours sur le net.

Celui-ci offre bien une insouciante liberté, mais prend souvent le point de vue masculin du fait que la plus grande part des gens excités par la simple vue sont les hommes. L'insouciance, la vénalité et le sexe (masculin) des producteurs de pornographie les amènent à ignorer la plupart du temps le point de vue féminin.

L'école devrait remédier à ces lacunes, au lieu d'asséner des leçons de biologie sur la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule, qui n'intéressent personne et sont professés par simple souci juridique de débarrasser l'institution de toute responsabilité en cas de grossesse intempestive d'une jeune élève. Dans la mesure où le marché du sexe représente des sommes colossales et que le marché mondial est phagocyté par les Américains pourtant censés être puritains, il serait parfaitement logique d'ouvrir des filières supérieures entièrement dédiées à ses différents aspects, ne serait-ce que pour former les futurs professeurs de sexualité.

De nouvelles institutions, publiques ou privées, pourraient incarner le changement intérieur. Nous aurions besoin de nouveaux mythes fondateurs, un peu à la manière dont Sade constitue une référence pour les amateurs de partie fine. Imaginez des clubs spécialisés, dans lesquels seraient professés des cours théoriques et pratiques, accompagnés d'éventuels prostitués, fréquentés par de simples particuliers curieux de connaissances et de pratiques ou des échangistes et autres libertins. Des réseaux de "sex-buddies" (amis sexuels) pourraient également fleurir, notamment sur smartphones. Lorsqu'une personne ressent un désir particulier, il pourrait activer son profil et sa géolocalisation, pour rencontrer bien plus vite et efficacement une autre personne dont les envies correspondraient...

Nous ne présentons ici que des exemples d'actions, charge à la communauté des "sexlibérateurs" d'être créatifs pour inventer d'autres formes concrètes de libération progressive, en vue d'un plus grand bonheur général.

La sexualité est infinie et constitue une source majeure de bonheur, nous devons la conquérir tous ensemble au fur et à mesure, par la libération, la recherche et la créativité.

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Je pense donc je jouis, La philosophie du cul, ed. Max Milo

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