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Les valeurs familiales et la Coalition Avenir Québec

La priorité quasi obsessionnelle de la CAQ semble être, du moins pour l’instant, les besoins de la famille.
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C’est la majorité silencieuse qu’on n’arrête pas de faire parler.
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C’est la majorité silencieuse qu’on n’arrête pas de faire parler.

Selon les derniers sondages, la Coalition Avenir Québec aurait une avance dans les intentions de vote des Québécois pour l'élection de 2018. Quelle sera la priorité du parti lors de cette campagne électorale? Proposera-t-il une véritable alternative au PLQ? Proposera-t-il un plan cohérent pour affronter les défis de l'heure tels que l'augmentation des inégalités économique, ou le manque d'emploi de qualité chez les jeunes diplômés ou encore la gestion équitable des ressources naturelles? Proposera-t-il des pistes pour améliorer la démocratie ou pour diminuer le taux d'analphabétisme? À la lecture des intentions récentes du parti, nous pouvons en douter fortement. La priorité quasi obsessionnelle de la CAQ semble être, du moins pour l'instant, les besoins de la famille.

La famille, mais pas n'importe quelle famille. Nommons-la la famille caquiste qui, par le plus grand des hasards, représentera beaucoup d'électeurs aux prochaines élections. Selon les sondeurs, cet électorat ciblé aurait des préoccupations plus que terre à terre. On pourra enfin « parler vrai » et des « vraies affaires » avec lui. C'est sans aucun doute la clientèle visée par l' « extrême centre » (Denault, 2016) ou celle qui est la « Bienvenue au pays de la vie ordinaire » (Bélisle, 2017). C'est la majorité silencieuse qu'on n'arrête pas de faire parler. Elle est blanche, majoritairement banlieusarde, francophone, avec des enfants et beaucoup de problèmes selon la CAQ.

Elle est blanche, majoritairement banlieusarde, francophone, avec des enfants et beaucoup de problèmes selon la CAQ.

Quels problèmes? La liste n'est pas exhaustive, mais nous pouvons présenter l'échantillon suivant à titre d'exemple. D'abord, « la congestion routière aux heures de pointe » qui affecterait plus directement les citoyens qui ont des responsabilités parentales (18 sept.). Voilà pourquoi on leur promet des ponts et plus de routes. Autre problème : « le temps d'attente pour les parents avec de jeunes enfants dans les urgences des hôpitaux » (12 Fév.). Ensuite, les problèmes liés à « d'hypothétiques projets de centres d'injection pour héroïnomanes » situés sur le chemin de l'école ou de la garderie (9 juin). Garderies, trop souvent paralysées par la grève des éducateurs de CPE que l'État a trop choyés par « rapport aux conditions de travail des travailleuses des garderies en milieu familial » (31 oct.). La famille caquiste devra aussi subir « le petit voisin qui fume son joint de cannabis avant ses 21 ans » (16 nov.).

Par ailleurs, Legault promettait de remettre 1000 $ en baisse d'impôt dans les poches de cette clientèle cible (19 sept.). Les Libéraux viennent d'appliquer cette baisse d'impôt. Y aura-t-il surenchère durant la campagne à venir? Notons sans ironie que cet argent provient du surplus de 1.7 milliard réalisé en toute austérité sur le dos de ces mêmes citoyens. Ensuite, la CAQ promet un « protecteur de l'élève » pour aider les parents à se défendre contre les abus des commissions scolaires (31 oct.) et un « accès à une première propriété » (24 sept.). La CAQ ne s'arrête pas en chemin et annonce, toujours pour les familles, d'autres « baisses d'impôt pour compenser les prix artificiellement gonflés de l'essence dans la grande région de Montréal » (18 mai). Notons que cette logique revient à demander aux citoyens d'engraisser les pétrolières plutôt que de renflouer l'État. Enfin, nous avons gardé pour la fin un « projet de société » concocté par la CAQ pour la famille québécoise; à savoir le droit de jouer dans la rue!

«Après plusieurs mois de débats et de tractations, je suis content d'avoir réussi à convaincre le gouvernement libéral d'aller de l'avant avec ce beau projet de société. Plusieurs municipalités avaient levé la main pour permettre le jeu libre dans leurs rues. Maintenant, nous avons un cadre qui leur permet de faire ce choix au profit des familles et des enfants. L'activité physique est une valeur sûre, qu'il faut encourager. En jouant dehors, sans entrave, les jeunes bougeront plus » Simon Jolin-Barette, député de la CAQ dans Borduas. (9 juin)

Outre les gains électoraux, l'avantage pour la CAQ d'être proche de cette clientèle cible, c'est qu'une fois qu'on a obtenu son vote, elle se retire dans ses terres (ou piscines) et ne se mêle pas trop de ce monde politique qui semble lui être imposé de l'extérieur et sur lequel elle considère n'avoir aucune prise. Cette clientèle partage avec d'autres la caractéristique d'être cynique et désabusée. Résultat, elle refuse de participer à la chose publique. En droit constitutionnel, nous dirions qu'elle pratique son droit de retrait avec pleine compensation. Son leitmotiv est « laissez-nous tranquilles et donnez-nous des services ».

Enfin, l'idée ici n'est pas de nier les problèmes, sans doute réels, vécus par cette partie de la population, mais bien de pointer le populisme d'un parti prêt à tout pour la séduire tout en instrumentalisant sa colère, son désarroi et son désabusement créés de toutes pièces par quinze années de règne libéral. Libéraux qui eux aussi s'apprêtent à préparer leur prochaine campagne électorale inspirée par l'originalité d'une nouvelle priorité de leur chef :

«Le quotidien des familles québécoises est semé d'embûches», a déclaré Philippe Couillard au Salon rouge de l'Assemblée nationale, devant ses ministres fraîchement assermentés. « Comment concilier la présence essentielle auprès de nos enfants et les horaires liés au travail...? »

Comme quoi, nos politiciens retournent souvent à la famille : « Tanguisme » national ou opportunisme électoral?

Avril 2018

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