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Lettre à Denis Vaugeois: la place de l'auteur dans l'industrie du livre

Cette loi 51 ne protège que les gros porteurs de l'industrie du livre; elle est à l'envers du gros bon sens.
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Toutes mes félicitations pour votre nomination à la révision de la loi 51 (Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre). Pour ma part, je suis fort déçue. Comment le ministère a-t-il pu choisir, pour exécuter cette importante revue, la personne qui a écrit la loi actuelle? Elle était censée favoriser la croissance de l'industrie du livre, mais elle s'est plutôt transformée en source du dénigrement des auteurs québécois. Si on vous considère comme le père de la loi 51, je vous annonce que votre enfant a mal grandi et qu'il a pris de mauvais plis à l'adolescence.

Je le répète, je suis déçue.

J'imagine déjà votre plan: vous rencontrerez l'industrie qui, pour vous, se limite aux éditeurs, aux libraires, aux diffuseurs et aux distributeurs. Je vous informe que, avec un tel plan, rien ne changera dans la façon de traiter nos créateurs. Si l'écrivain n'avait pas d'importance pour vous en 1981, comment pourrait-il en avoir aujourd'hui? Pourtant, ce qui est fort surprenant, vous étiez déjà auteur à cette époque. Vous auriez dû comprendre l'importance de mettre l'auteur au cœur du débat. Pourquoi faut-il toujours crier pour se faire entendre, hurler même: Sans les créateurs, il n'y aurait pas de livres.

Je vous donne une chance et je vous explique. Vous pouvez changer les choses. Pour développer une infrastructure forte et professionnelle, il faut réécrire la loi plutôt que la remodeler. Vous partez sur de vieilles assises qui étaient déjà boiteuses à l'origine. Comme le pont Champlain. Il faut jeter à terre et bâtir de nouveau. Sans ça, les mauvaises habitudes, surtout cette discrimination systémique envers les auteurs, resteront présentes dans notre industrie.

J'étais contente quand j'ai appris que vous avez rencontré l'Union des écrivains québécois (UNEQ). Je reconnais d'ailleurs, à la lecture de leur mémoire, l'excellence de leur propos. Elle vous recommande de nombreuses avenues visant un meilleur encadrement des agréments, ce qui doit essentiellement inclure une surveillance plus efficace. J'espère que vous allez suivre leurs conseils. Ça permettra un bon nettoyage dans cette portion de l'industrie. Ça aidera aussi à protéger un peu mieux nos auteurs qui choisissent cette voie pour publier.

C'est un bon début, mais ce n'est pas assez. Le principe de l'agrément des éditeurs, ainsi que la façon de gérer les subventions, est à la source d'une injustice. Les auteurs sont mal protégés. Les procédures qui se sont installées avec le temps rabaissent l'écrivain à un statut d'exécutant qu'on paie le moins cher possible, sans égard à l'importance et la qualité de son travail dans la chaîne du livre.

Cette loi 51 ne protège que les gros porteurs de l'industrie du livre; elle est à l'envers du gros bon sens. Je vous invite à lire mon billet du 17 octobre dernier: Incohérence dans l'univers du livre au Québec. Ça vous aidera à comprendre. La question que j'y discute est fondamentale et essentielle dans la refonte de cette loi. L'écrivain joue un rôle de premier plan dans l'industrie du livre au Québec et, en conséquence, il doit être au cœur de cette nouvelle législation. Ainsi, je me demande pourquoi le ministère donne les subventions pour produire le livre aux éditeurs. En matière de business, ça ne fait aucun sens. Refuser de corriger ce principe ne fera que perpétuer le dénigrement que subit l'auteur. Par ricochet, l'éditeur agréé continuera de restreindre ses droits d'auteur, et ce, en échange d'une bouchée de pain; noté que la restriction des droits va bien au-delà de la production d'un livre. C'est abusif.

Il y a tant de choses que j'aimerais vous dire de mon expérience dans le monde littéraire québécois, dont je fais partie depuis plusieurs années. Mais ce sera tout pour aujourd'hui, parce que, pour être efficace, un billet sur un blogue ne doit contenir que quelques centaines de mots. Je vous écris donc dans quelques jours pour discuter d'un autre point.

Entretemps, je vous mets au défi de rencontrer des auteurs. Pas juste les plus connus, là! Faites un effort! Choisissez-en de tous les acabits. Ne vous arrêtez pas à deux ou trois, non plus! Des centaines, au moins. Ne vous limitez pas aux membres de l'UNEQ! Il y en a des milliers d'auteurs qui ne sont pas dans leurs rangs! Ne demandez pas seulement l'opinion des auteurs qui ont un contrat avec des éditions agréées ! Il y en a d'autres qui font de l'excellente littérature! Beaucoup d'autres!

Bien sûr, c'est avec plaisir que j'accepterais de participer à l'une de ces rencontres.

Suzie Pelletier est l'auteure de la populaire série Le Pays de la Terre perdue qui se décline en six tomes (Le réveil, L'hiver, La Mer, Les Visiteurs, Le Retour, Emmanuel).

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