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Lettre ouverte à Denis Vaugeois: exemple d'un abus

Les exemples d'arnaque dans l'édition sont nombreux.
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Cette troisième lettre s'adresse à vous, Denis Vaugeois, parce que le ministère de la Culture et des Communications (MCC) vous a demandé de réfléchir à la modification de la Loi 51 (Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre). L'absence de définition des droits de l'auteur, un partenaire essentiel dans la chaîne du livre, tout comme l'absence de processus de vérification de l'agrément ont permis à l'abus de s'installer. Voici un exemple.

En octobre 2012, j'ai reçu un appel téléphonique suite à la soumission de mon manuscrit à diverses maisons d'édition. L'homme accepte de publier mon livre. Je ressens une telle excitation que j'ai peur de m'évanouir. Il me dit : «Je veux faire vite ; le roman sortira en décembre prochain.» Mon expérience fait résonner dans ma tête une cloche qui sonne l'alarme.

- Ah..., vous allez vous y prendre comment ?

- Ben, ton bouquin est tellement bon que je n'ai pas besoin de le corriger.

Je fronce les sourcils. N'avais-je pas précisé dans ma lettre que j'avais besoin d'aide pour améliorer le manuscrit ? J'hésite.

- Je voudrais retravailler le texte, répliquai-je. Il y a Dominique à qui j'aimerais donner plus de place.

- Non, non. La belle Dominique est parfaite. Je t'envoie le contrat, tu signes, pis je commence ça demain matin.

La moutarde me monte au nez. Dominique est un homme. Qui est cet énergumène qui n'aurait pas lu mon manuscrit avant de m'appeler ? Je vérifie plus à fond.

- Il y a Solange, lui dis-je, qui fait un voyage à New York...

- T'en fais pas, coupe-t-il, c'est bien écrit. Pour le contrat, tu me donnes ton adresse courriel ?

Je rageais. Ma main qui tenait le combiné me faisait mal. J'ai répondu à l'escogriffe sur un ton glacial.

- Espèce de crétin, vous n'avez même pas lu mon manuscrit. Il n'y a pas de Solange ; ni de voyage à New York par ailleurs.

Mon interlocuteur ne parle pas. Il ne respire pas. Je décide de l'achever.

- Je soupçonne qu'il vous manque un roman dans une catégorie imposée pour que vous conserviez l'agrément. En somme, vous empocherez la subvention pour un manuscrit qui ne bénéficiera pas du processus complet d'édition. Vous êtes un arnaqueur. Vous ne ferez aucun effort pour vendre le livre. Aussitôt que vous aurez empoché la subvention, vous pilonnerez les boîtes de bouquins. Du fait, vous sauverez les frais de promotion et ceux de l'édition. Au passage, vous m'aurez volé mes droits d'auteur, parce que je ne recevrai jamais un sou de l'exercice.

Le silence lourd confirme mon impression. Je lui hurle d'aller se faire foutre.

J'ai appelé le MCC pour le dénoncer. J'ai appris qu'il n'y a aucun processus de plainte. L'énergumène gardera son agrément et continuera d'exploiter malicieusement les auteurs.

Les exemples d'arnaque dans l'édition (agréée ou non) sont nombreux. Pour comprendre le vrai portrait de l'industrie du livre au Québec, vous devez rencontrer des auteurs, surtout ceux qui en arrachent pour se faire une place. Ce sont eux qui deviennent victimes d'abus. Vous devez entendre leur histoire. Pour mieux réfléchir. Pour ajouter à la Loi une section qui précise que l'auteur fait partie de la chaîne du livre et qu'il a des droits, pas uniquement le paiement des redevances.

Au risque de me répéter, la situation serait plus juste si les subventions étaient remises aux auteurs plutôt qu'aux éditeurs. Voyez mon billet sur le sujet écrit il y a quelques mois : «Incohérence dans l'univers du livre au Québec».

Monsieur Vaugeois, le MCC vous donne l'occasion de changer les choses. Faites un effort pour inclure des auteurs dans vos consultations. Au cas où vous les auriez manquées, voici les liens pour les deux autres lettres ouvertes :

En conclusion, si j'avais signé ce contrat, j'aurais dû mettre fin à mon rêve de voir un jour mes livres dans les mains des lecteurs.

Suzie Pelletier est l'auteure de la populaire série Le Pays de la Terre perdue qui se décline en six tomes (Le réveil, L'hiver, La mer, Les visiteurs, Le retour, Emmanuel).

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