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Armes à feu: nous ne sommes pas des «bonnes femmes frustrées»

Pour le lobby des armes, cela constitue «une histoire encore à dormir debout», mais pour nous, le meurtre d'Anne-Marie nous tourmentera jusqu'à la fin de nos jours.
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Au cours des dernières semaines, les groupes pro-armes ont commencé à révéler le véritable fond de leur pensée : le projet de loi 64 du gouvernement libéral, qui vise l'immatriculation des armes d'épaule afin de pouvoir les lier à leurs propriétaires, ne viserait pas à protéger la population, mais plutôt à satisfaire les «bonnes femmes frustrées» de Montréal.

Voilà qui résume, pour le lobby pro-armes, le combat pour un meilleur contrôle des armes mené par les témoins, survivants et familles des victimes du massacre à l'école Polytechnique en 1989.

On nous accuse - mon mari Jim, mon fils Jimmy et moi - de sombrer dans la «démagogie» en misant sur «le côté émotif» des événements qui nous ont arraché notre chère Anne-Marie, soit un massacre rendu possible parce qu'un homme instable et en colère avait facilement et légalement accès à une arme d'épaule.

Or, lorsque le lobby pro-armes distord la science sur la criminalité en invoquant des arguments simplistes et trompeurs, ou qu'il détourne le débat vers des questions secondaires comme la paperasse et les coûts, il devient essentiel de mettre un visage humain sur la problématique de l'accès trop facile aux armes à feu, afin de rappeler le seul et unique but du contrôle des armes : prévenir les pertes de vies évitables.

Les familles des victimes de violence commise par armes à feu sont peut-être émotives - face à notre souffrance et notre perte. Mais nous sommes entièrement rationnels lorsque nous réclamons un meilleur contrôle des armes, notamment l'enregistrement de celles-ci. Car, contrairement au lobby des armes, nous acceptons les études scientifiques confirmant l'efficacité du contrôle des armes et basons nos revendications sur l'avis des experts sur le terrain, ceux qui sont mandatés pour protéger la population : organisations policières, intervenants luttant contre la violence conjugale, experts en prévention du suicide, etc.

Si nous avons choisi de nous battre, c'est parce que nous voulons empêcher que d'autres familles vivent la même peine que nous. Nous n'avons rien à gagner en agissant ainsi, ayant déjà vécu la plus grande perte imaginable. Je ne pourrai plus jamais prendre Anne-Marie dans mes bras ; je n'aurai jamais la joie d'être la grand-mère de ses enfants.

Pour le lobby des armes, cela constitue «une histoire encore à dormir debout», mais pour nous, le meurtre d'Anne-Marie nous tourmentera jusqu'à la fin de nos jours.

Lorsqu'on écoute les propos énoncés lors des manifestations contre le projet de loi 64, on peut constater que ce sont plutôt les propriétaires d'armes qui sont «émotifs» quant au contrôle des armes, se plaignant d'être traités comme des «criminels» parce leurs armes à feu seraient comptabilisées dans un registre central... comme le sont nos automobiles, nos chiens, nos maisons, notre état civil, nos revenus et toutes sortes d'aspects banals de nos vies. Ce discours est d'autant plus navrant que les pénalités liées au non-respect de l'enregistrement seront monétaires, et non criminelles.

Prétendre que le projet de loi 64 serait «purement politique et symbolique», c'est contredire les experts en sécurité publique et insulter l'intelligence des familles de victimes. En fait, contrôler la possession d'objets potentiellement meurtriers, c'est ni plus ni moins que le gros bon sens.

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Mai 2017

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