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Que faire devant les risques du suicide d'un proche?

Quand tout va bien dans la famille, il est important de choisir une occasion comme la journée internationale de prévention du suicide pour réfléchir avec les siens sur la place du suicide dans son milieu.
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Mercredi 10 septembre 2014, c'est la journée internationale de prévention du suicide. Alors que faire devant les risques du suicide d'un proche ?

Plusieurs passeront outre cette chronique, convaincus qu'ils sont que le suicide est l'affaire des gens malades et des thérapeutes. Lorsque tout va bien, le suicide n'est surtout pas le sujet à aborder à la maison ou au travail C'est lorsque le malheur nous guette ou nous a frappé que nous nous devons de nous intéresser à un sujet aussi morbide. Chaque chose en son temps. Hé bien non !

Le suicide c'est l'affaire de tous et à discuter quand tout va bien. Un peu comme l'avortement. Ce n'est pas quand une femme se retrouve enceinte qu'elle peut réfléchir sereinement à l'impact qu'un avortement aura sur elle. C'est lorsque qu'elle est libre de réfléchir au pour et au contre d'une telle décision qu'elle peut faire le point sur ses valeurs et son éthique. Il en est de même pour le suicide.

En effet, le suicide est avant tout une question d'éthique et de nouvelles valeurs à développer. La pensée d'en finir avec la vie peut arriver à bien des gens lorsqu'ils sont coincés et démoralisés, mais choisir ou devoir se résoudre à cette solution est bien autre chose. Comment s'assurer de ne pas en arriver là ?

Quand tout va bien dans la famille, il est important de choisir une occasion comme la journée internationale de prévention du suicide pour réfléchir avec les siens sur la place du suicide dans son milieu. « Comment le fils se sentirait-il si son père venait à se tuer lors d'un moment, d'une période de découragement ? Et réciproquement ?» On s'engage alors entre nous à suivre la règle d'or de l'éthique de la réciprocité « de ne pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas que les autres nous fassent ». Comment se donner les moyens de son objectif ?

Pour vivre dans l'éthique de la réciprocité, le premier changement à apporter, c'est de mettre fin au harcèlement familial. On ne peut plus se permettre de régler nos problèmes en se blâmant et en se disqualifiant les uns les autres. S'interdire le blâme dans les trois directions, envers soi, envers l'autre et de la part de l'autre, entraîne un changement radical dans nos habitudes. On doit pouvoir parler de ses problèmes dans le but d'y trouver des solutions tout en reconnaissant qu'habituellement le chemin vers les solutions passe par l'acceptation des pertes. S'interdire de blâmer lorsqu'il y a des pertes, c'est découvrir un monde sans violence.

C'est un monde où la règle interpersonnelle dans les communications est fondée sur le respect de l'autonomie et des limites de chacun. On peut dire non à l'être aimé pour réfléchir ultérieurement sur les façons de s'entraider sans se sentir utilisé ni sacrifié.

Que faire devant les risques de suicide d'un proche ?

C'est aussi là un bon moment pour poser la question sur l'éthique de la réciprocité. « Comment cette personne se sentirait si son fils, sa fille pensait à se tuer plutôt qu'à chercher de l'aide ? » Dans un premier temps, il n'est pas question pour elle de chercher seule de l'aide. C'est le moment pour cette personne de rencontrer son entourage avec un tiers, un professionnel de la santé, pour se donner une autre règle interpersonnelle permettant à tous de parler de leurs limites sereinement afin de s'engager dans de nouvelles solutions.

C'est le signe d'une grande générosité que d'éliminer pour de bon le suicide de sa vie. C'est le signe d'un changement réel dans ses habitudes de vie que de parler ouvertement de ses problèmes et d'assumer sans honte ni culpabilité les pertes encourues et à venir.

C'est au cours de mes nombreuses années de pratique comme psychiatre urgentiste que j'en suis venue à la conclusion qu'il ne faut plus se limiter à traiter les comportements suicidaires comme les symptômes d'une maladie mentale, mais comme un moment clé pour réorganiser la vie avec les autres. J'ai voulu dans un livre intitulé « Le suicide, l'affaire de tous : vers une nouvelle approche » proposer une liste de 18 valeurs, celles des chemins de la maladie et de la mort à transformer dans des chemins de vie découlant de l'éthique de la réciprocité.

Le suicide d'une personne reste imprévisible même si divers moyens de prévention ont pu diminuer l'incidence générale du suicide. La prévention du suicide d'un des siens passe par son engagement avec les personnes aimées à se donner une nouvelle règle de vie où la violence, se tuer ou tuer les autres, n'a plus sa raison d'être.

La décision d'éliminer le suicide lors d'une réflexion avec les siens entraine un changement radical d'habitudes pour maintenant et pour le futur. L'effet cascade de cette décision se répercutera transversalement dans la vie de chacune des personnes concernées et verticalement à travers les générations à venir. Pourquoi ne pas profiter de la journée internationale de prévention du suicide pour commencer cette réflexion sur la place du suicide dans votre milieu de vie en vous aidant avec cette liste de valeurs que vous trouverez sur mon site web www.lasantementale.info

Dr Suzanne Lamarre, Professeure adjointe au département de psychiatrie de l'Université McGill, auteur du livre « Le Suicide, l'affaire de tous. Vers une nouvelle approche. » paru aux Éditions de L'Homme le 21 août 2014.

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