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«Les Québécois n'ont pas voté pour ça...»

Si Philippe Couillard est si convaincu que la population l'appuie dans sa déconstruction de plus de 40 ans de politiques sociales, qu'il retourne en élection ou... ironiquement, qu'il consulte la population par référendum. Car malgré tous les efforts consentis par certains pour démoniser ce mot, il n'y a rien de mal à consulter la population.
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Scénario de politique-fiction

Imaginons un peu le scénario. Au terme d'une campagne électorale pas très jojo, le Parti québécois est porté au pouvoir par une majorité d'une demi-douzaine de sièges. Une fois la poussière retombée, c'est, dans les faits, 27-28% de la population du Québec qui s'est déplacée pour appuyer le PQ. Notre système parlementaire bancal et désuet étant ce qu'il est, cela confère tous les pouvoirs au PQ.

Dans les coulisses, des militants du PQ, le soir de la victoire, pavoisent. « Peuvent bin dire c'qui veulent les fédéralistes! Ha! On est au pouvoir pour 4 ans! »

La pierre angulaire du programme électoral du PQ c'était de ne pas tenir de référendum, de ne pas achaler la population avec la constitution ou la charte. Le cœur sur la main, le (la) chef du PQ a promis, juré.

Bin finalement savez-vous quoi... On s'en câlisse des promesses pis du programme! Six mois plus tard, le PQ impose une nouvelle constitution au Québec et s'arroge la légitimité de lancer des pourparlers avec le Canada, couteau sur la gorge. Ça passe ou ça casse. Tout est mis en œuvre pour que le Québec déclare unilatéralement l'indépendance. Première étape : on rompt avec le multiculturalisme et on impose par bâillon une nouvelle charte de laïcité. Ça rue dans les brancards dans l'opposition.

Les négociations s'enveniment à Ottawa sur la constitution. Le PQ est sur le point de lancer son projet : « Face à l'impasse qui persiste, nous nous trouvons légitimés d'entreprendre les démarches pour l'autodétermination du Québec... » Imaginons un instant la réaction du Parti libéral. Crierait-il à l'illégitimité? En appellerait-il à faire tomber ce gouvernement coûte que coûte?

Retour à la réalité

Ne soyons pas dupes. Philippe Couillard n'a aucune légitimité pour déconstruire, saccager, rompre avec plus de 40 ans de politiques sociales que tous les gouvernements avant lui ont protégées, sans égards à leur couleur politique. Ce que met en œuvre Philippe Couillard actuellement est pourtant aussi lourd de conséquences que le scénario-fiction évoqué plus haut. Sans jamais ne l'avoir annoncé, ce que le neurochirurgien tente d'accomplir, c'est la « provincialisation-comme-les-autres » du Québec.

Si Philippe Couillard veut rompre complètement avec le modèle social que le Québec s'est donné depuis plus de 40 ans, qu'il s'engage à consulter la population; dissolution de son gouvernement et retour en élections. Ça lui couterait aussi quelques candidats, car nous savons maintenant que parmi ses propres députés et ministres, certains ne se présenteraient pas à cette enseigne. Pas grave. Si Philippe Couillard est convaincu que c'est ce que veulent les Québécois, il en sortira conforté d'une majorité encore plus grande n'est-ce pas!

Une nouvelle élection aurait au moins le mérite de présenter un programme libéral-Reform (car il emprunte beaucoup à la droite fiscale radicale réformiste) clair : finies les ambiguïtés concernant les Centres de la petite-enfance, les commissions scolaires, le développement régional, l'imposition de l'austérité... Les Québécois seraient placés devant un choix très clair. Un vote pour Philippe Couillard, c'est un vote pour le programme qu'il est en train de mettre en place présentement.

Alors députés et ministres libéraux... On tente le coup? Vous seriez les premiers à le demander si les méchants péquistes décidaient de changer radicalement et durablement le Québec tout en l'ayant bien caché pendant les élections...

Bien sûr, Philippe Couillard ne retournera pas en élection et continuera de mentir sur sa légitimité, sur l'état des finances publiques, sur ses motivations... Car l'explication du parti libéral selon laquelle il ne pouvait connaître l'état des finances publiques est risible, insultante. Le PLQ gouverne de façon quasi ininterrompue depuis 2003, le bilan sur la dette du tandem Charest-Bachand est le pire de l'histoire contemporaine du Québec. Le PLQ le sait très bien.

Si Couillard se rend jusqu'en 2018, ce sera tordant de l'entendre essayer de blâmer l'état des finances publiques sur... « tsé là les 14 mois de gouvernance péquiste un moment donné à travers nos plus de 160 mois au pouvoir... tsé là... ».

L'état des finances publiques en ce moment, c'est la manifestation nauséabonde de ce qu'on appelle dorénavant « l'effet libéral ».

Destituer ce gouvernement?

Notre système parlementaire désuet manque de mécanismes qui peuvent imposer ne serait-ce qu'une once d'imputabilité à un parti qui s'arroge le pouvoir pour ensuite imposer, illégitimement, un programme dont il n'a jamais glissé mot et qui changerait durablement la vie des citoyens. Pas de processus de Recall à l'américaine, pas d'élections de mi-mandat, pas de processus de destitution.

Le cas de ce gouvernement est encore plus particulier en ce sens que sa majorité ne tient, en fin de compte, qu'à une demi-douzaine de sièges - moins en fait que le nombre de voix au sein du caucus libéral qui sont en profond désaccord avec la stratégie du trio médical réformiste. Plus encore, si Philippe Couillard tenait parole et écartait temporairement ceux qui, dans son caucus, sont visés par des enquêtes de l'UPAC, il serait de facto vulnérable à tout vote de confiance. Certaines enquêtes visant le PLQ doivent être graves en maudit quand on voit la filature aux conséquences tragiques qui visait les plus hauts échelons du parti libéral et dont on parle depuis quelques jours...

Il ne suffirait pourtant que d'une demi-douzaine de défections, d'abstentions lors d'un vote de confiance, pour que tombe ce gouvernement. Lise Payette rapporte ce matin dans Le Devoir que le ministre libéral Daoust était s'ul bord de sacrer son camp cette semaine. Et si des députés libéraux se levaient et refusaient la mise en œuvre d'un programme dont même leurs propres militants, du plus en plus, ne se gênent plus pour dire qu'ils « n'ont pas voté pour ça ». Indépendantistes et fédéralistes peuvent bien ne pas s'entendre sur la place du Québec dans le Canada, le modèle social québécois est, lui, fort apprécié dans chaque camp. L'attitude du gouvernement Couillard lors des récentes élections scolaires a d'ailleurs été critiquée vertement par Benoit Pelletier, un ancien ministre et ténor libéral. Et que dire des interventions de l'ancien ministre libéral Claude Castonguay...

Les Québécois n'ont pas à subir l'incurie idéologique d'une clique qui, manifestement, ne fait même pas l'unanimité dans son propre parti. La gouvernance actuelle de Philippe Couillard est illégitime et il faut le dénoncer, le rappeler. Les Québécois n'ont pas voté pour ça.

Si Philippe Couillard est si convaincu que la population l'appuie dans sa déconstruction de plus de 40 ans de justice sociale et d'une édification de projet social à laquelle tous ses prédécesseurs ont contribué, qu'il retourne en élection ou... ironiquement, qu'il consulte la population par référendum. Car malgré tous les efforts que consentissent certains pour démoniser ce mot, il n'y a rien de mal à consulter la population.

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