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Le piège du «référendisme»

Il est plus que temps que les indépendantistes, et notamment le PQ, cesse de se laisser prendre au piège du «référendisme». Le Parti québécois est un parti qui prône l'indépendance et qui prendra tous les moyens démocratiques pour la réaliser le plus rapidement possible. Point à la ligne.
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Véronique Hivon lançait lundi sa campagne à la chefferie du Parti québécois. La première. On ne connait pas encore les modalités exactes de cette course; sa durée, les coûts, etc. Mais pourquoi attendre si la décision est prise! On l'a questionnée sur la conciliation politicienne-famille, sur le départ de PKP, mais aussi, c'est un must, sur sa position concernant un éventuel référendum.

« Faites-vous partie des pressées? Des mous? »

Le piège « référendiste ».

J'ai beaucoup aimé la réponse de Véronique Hivon.

« Chaque fois qu'on va me parler de référendum, je vais vous parler de souveraineté, a répondu Mme Hivon. Je pense qu'il est temps qu'on parle du projet et pas de mécanique et de dates sur le calendrier. »

Voilà! Car il est plus que temps que les indépendantistes, et notamment le PQ, cesse de se laisser prendre au piège du «référendisme». Le Parti québécois est un parti qui prône l'indépendance et qui prendra tous les moyens démocratiques pour la réaliser le plus rapidement possible. Point à la ligne. Si le PQ lance sa course en se laissant imposer le « référendisme » comme paramètre déterminant de l'issue de la chefferie, quel candidat est le plus pressé, lequel est prêt à promettre un référendum dans la première partie d'un mandat, lequel autre dans la deuxième partie d'un mandat deux... si le PQ se lance là-dedans, il fera erreur.

Doit-on rappeler que Philippe Couillard avait proposé en 2014 de ramener le Québec dans la constitution du Canada (l'équivalent du geste fondateur d'en sortir que propose le PQ) SANS consulter la population? Le chef libéral a-t-il été enseveli de questions? Pourquoi pas de référendum? Quand un référendum? Non. Le PQ n'a pas à dévoiler tout de sa stratégie non plus.

L'exemple écossais

L'exemple des derniers mois en Écosse pourrait bien être d'un enseignement capital pour le PQ. La leader du mouvement indépendantiste écossais, Nicola Sturgeon, s'est trouvée contestée en 2015 par certains ténors du Scottish National Party qui lui reprochaient d'être trop « tiède » dans ses ardeurs à enclencher un 2e référendum suite à l'échec du IndyRef de 2014. Des querelles de « mécanique référendaire » et de stratégie que le SNP a tôt fait de dissiper.

Une petite frange de « pressés » écossais voyait dans la crise annoncée en Grande-Bretagne concernant une consultation à venir sur l'avenir du pays dans l'Union Européenne (le Brexit, le premier ministre anglais David Cameron a promis de consulter la population anglaise en juin 2016 sur l'avenir de la G-B dans l'UE), une opportunité de mettre la pédale dans le fond afin d'y joindre une consultation de la population écossaise sur l'indépendance. Un #IndyRef part 2 très rapide.

Pourtant, la PM de l'Écosse Nicola Sturgeon n'a pas vacillé. En congrès de son parti fin 2015, elle a établi les priorités pour la formation indépendantiste dans un discours qui a rallié les militants de son parti. Elle a réitéré sa ferme conviction que l'Écosse devait, le plus rapidement possible, accédé à l'indépendance, elle a rappelé que le vote le plus important pour les écossais était celui de 2016 soit les élections régionales (que le SNP a remporté le 5 mai dernier), et que la pire chose à faire -- ce qui nuirait à la cause plus que cela ne la ferait avancer -- ce serait de se lancer tête baissée dans un 2e référendum perdant. Nicola Sturgeon s'en est remis à la population écossaise en l'adjoignant de montrer des signes clairs vers l'indépendance :

« Speaking on the opening day of the SNP conference in Aberdeen, the first minister said: "I believe with all my heart that Scotland should be an independent country.

And I, of course, respect the decision that our country made last year. So let me be clear: to propose another referendum in the next parliament, without strong evidence that a significant number of those who voted no have changed their minds, would be wrong and we won't do that. It would not be respecting the decision that people have made. »

(Prenant la parole le jour de l'ouverture du Congrès du SNP à Aberdeen, la première ministre a dit : Je crois de tout mon cœur que l'Écosse devrait être un pays indépendant.

Bien sûr, je respecte la décision que notre pays a prise l'année dernière. Alors, permettez-moi d'être claire : proposer un autre référendum dans le prochain parlement, sans preuves solides qu'un nombre important de ceux qui ont voté non ont changé d'avis, serait erroné et nous ne le ferons pas. Cela serait manquer de respect envers la décision que les gens ont prise.)

Nicola Sturgeon a axé son leadership sur la pédagogie des bienfaits de l'indépendance pour l'Écosse. Les délégués lors du congrès de 2015 l'on plébiscité et félicité d'avoir fait croitre le membership du SNP de 25 000 en 2014 à plus de 114 000 en 2015!

Des observateurs prévoyaient que le SNP perdrait beaucoup lors de l'élection du 5 mai dernier. Les conservateurs écossais étaient sur une lancée dans les sondages et fort d'un nouveau chef très charismatique. Finalement, le SNP a perdu 6 sièges (de 69 à 63) et la percée des conservateurs (+16!) s'est plutôt faite au dépens d'un autre parti fédéraliste, le Labour party (-13). Le SNP demeure bien en selle au parlement écossais et consolide son pouvoir par un troisième mandat de suite.

En passant, le chef du Labour a été secoué par la défaite cuisante de son parti et a admis qu'il avait payé le prix de tenter de faire dévier le débat loin de la question constitutionnelle. Ça me rappelle quelque chose!

«On a disastrous night for Jeremy Corbyn's party, which signified a seismic shift in Scottish politics, Kezia Dugdale, the Scottish Labour leader, admitted that her attempt during the campaign to move the debate on from the constitutional question had cost her party votes across the country.»

(Après une soirée désastreuse pour le parti de Jeremy Corbyn, qui annonçait un changement radical dans la politique écossaise, Kezia Dugdale, la leader travailliste a admis que sa tentative de changer le débat en évitant de traiter de la question constitutionnelle avait coûté des votes à son parti partout dans l'ensemble du pays.)

Qui profite du « référendisme » au Québec?

Bien entendu, le plus grand partisan du « référendisme » au Québec demeure le Parti libéral qui gagne ses élections sans même avoir besoin de présenter un programme politique à la population, ce qu'il s'est bien gardé de faire en 2014 avec le résultat désastreux qu'on connait. Philippe Couillard n'a eu qu'à marteler sans cesse que le PQ allait déclencher un référendum afin de foutre le bordel dans les troupes péquistes et polariser l'électeur autour de cette question. Cependant, deux réflexions là-dessus.

D'abord, on ne doit pas oublier que le PLQ a reçu un gros coup de main du Directeur général des élections (DGEQ) en pleine campagne électorale de 2014, au meilleur moment possible pour les troupes de Philippe Couillard. On se souviendra des déclarations de Denis Dion, porte-parole du DGEQ, à quelques jours du vote :

«Soyez sûr d'une chose : si le Parti québécois est élu majoritaire, on part. C'est clair, clair, clair qu'il va y avoir des plans parce que ça, c'est un exercice immense, explique le porte-parole du DGEQ, Denis Dion. On va prendre nos vacances d'été, mais ne vous cassez pas la tête, il va y avoir des plans très rapidement, le patron va se diriger très rapidement vers une préparation de cette affaire-là.»

Le DGEQ aurait voulu miner la campagne du PQ à moins de 10 jours du vote qu'il n'aurait pas agi autrement. On parle ici d'une institution essentielle à notre santé démocratique qui s'immisce de façon très partisane dans la campagne électorale. Le DGE Jacques Drouin s'est dissocié des propos de son bras droit, mais le mal était fait. La manchette dans La Presse/Le Soleil avait irrémédiablement terni la campagne du PQ sur un thème central, capital de l'élection.

Pour ajouter l'insulte à l'injure, une fois élu, le Parti libéral de Couillard a tôt fait de tenter de corriger un déficit démocratique qu'il avait identifié dans sa velléité d'imposer des mesures d'austérité très intenses : il n'en avait pas parlé pendant la campagne électorale. Le PLQ a alors lancé un ballon d'essai dans La Presse : pourquoi ne pas tenir un... référendum sur l'austérité! Ce parti qui diabolise sans cesse cet outil démocratique tout à fait légitime quand vient le temps pour les Québécois de décider de leur avenir allait maintenant considérer le satanique référendum afin de corriger son mensonge électoral.

Tout simplement infect.

Les adversaires du PQ, ses détracteurs parmi le mouvement indépendantiste, profitent eux aussi du « référendisme » afin de tenter de grappiller des appuis au PQ ou pour se dédouaner parfois de participer au renouvellement du parti Québécois.

C'est précisément ce que j'ai pensé de la réaction, par exemple du chef d'Option nationale Sol Zanetti suite au lancement de la campagne de Véronique Hivon. La course n'est même pas commencée, les programmes des candidats ne sont pas encore connus, mais qu'à cela ne tienne! Zanetti n'en avait que pour l'engagement à réaliser l'indépendance dans un premier mandat! Sa réaction sur Facebook laisse perplexe. La voici :

- Au sujet du lancement de campagne de Véronique Hivon -

À une journaliste qui lui demandait si elle faisait partie du camp des souverainistes "pressés", elle a répondu que ce n'était "pas une question de date". "Il est temps qu'on parle du projet et non de la mécanique et de la date sur le calendrier", a-t-elle soutenu. (Pour la source, voir le site de Radio-Canada.)

L'enjeu crucial pour le PQ à ce moment de son histoire, c'est de savoir s'il va enfin arrêter de relayer l'indépendance à un moment indéterminé ou s'il va avoir la cohérence et le courage de s'engager à la réaliser dans le prochain mandat qu'il va solliciter.

On s'engage ou on ne s'engage pas. On ouvre la porte à la gouvernance provinciale ou on ne l'ouvre pas. On propose un projet de pays ou un projet de province. On est décidé ou on ne l'est pas.

Si les candidats et candidates esquivent cette question comme semble le faire Mme Hivon, la souhaitée renaissance du PQ ne sera qu'un changement d'image.

Voilà précisément le genre d'écueils, de tirs amis, que la cheffe du SNP en Écosse sait esquiver avec adresse. Souhaitons que les candidats à la chefferie (et le prochain(e) chef) du PQ sauront en faire de même. Il serait suicidaire, à ce moment-ci, de s'encarcaner d'un échéancier référendaire contraignant au moment où la population s'attend du prochain gouvernement post-PLQ qu'il éteigne les feux que ces pyromanes allument dans le seul but de ratatiner le Québec.

J'irai même un peu plus loin, il est grand temps que le Parti québécois revoie la place qu'occupe le «référendum» dans sa stratégie d'accession à l'indépendance. Mais cela fera l'objet d'un autre billet plus tard. En attendant, ce passage de l'excellent David Leroux :

«Mettre au rancard l'article 1 de notre programme pour des sondages à 37 % et réduire la difficulté du PQ à la lassitude des Québécois quant à la souveraineté est non seulement réducteur, mais rend le Parti Québécois insipide et inutile. Il doit donc absolument se réapproprier son projet fondateur, mais le faire en changeant son angle d'attaque. Il doit marier une lecture réaliste de la situation politique avec son projet politique. C'est essentiel.»

Vous ai-je dit que je l'appréciais particulièrement celui-là!

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