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Ce que les Québécois voient moins , ce qui est moins rapporté au sein de leurs grands médias, c'est que la doctrine multiculturaliste de Pierre Eliott Trudeau est aussi de plus en plus contestée dans le.
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Les Québécois sont assommés des opinions des uns, des autres, sur la Charte de la laïcité proposée par le gouvernement du Québec. Certains médias ouvertement hostiles à toute velléité de laïcité - donc grands défenseurs du multiculturalisme canadien - couvrent la nouvelle toujours sous l'angle des travers qu'ils imputent à l'éventuelle laïcité des institutions du Québec.

Le cas du niqab en service de garde est probant en ce sens. Il suffit de couvrir la nouvelle sous le seul angle très « human interest » de la pauvre éducatrice voilée en y accolant l'appui indéfectible de deux ou trois parents de cette garderie. Que la classe politique du Québec au complet condamne cette pratique, que plus de 70% de l'ensemble de la population s'y oppose aussi... pas grave. L'avis des spécialistes de la petite-enfance quant aux effets qu'une telle pratique puisse avoir sur des enfants en bas âge au moment où ils se forgent une idée des interactions humaines, rien à carrer. L'important, protéger la sacro-sainte liberté religieuse individuelle inhérente à la doctrine multiculturaliste de Trudeau.

Cela se comprend; imposer le multiculturalisme comme socle des rapports sociaux à une nation minorisée comme l'est le Québec est un gage assuré de son assimilation à l'ensemble. Le rapport Durham all over again. Mais cette fois, c'est du solide.

(Soit dit en passant, comment ne pas être dégoûté quand les médias confondent volontairement la population, par exemple, en omettant de faire la distinction entre la laïcité institutionnelle et l'interdiction totale du port des signes religieux... )

Ce que les Québécois voient moins cependant, ce qui est moins rapporté au sein de leurs grands médias, c'est que la doctrine multiculturaliste de Pierre Eliott Trudeau est aussi de plus en plus contestée dans le Rest of Canada. Bien entendu, l'initiative du gouvernement du Québec a été accueillie très majoritairement au Canada par un concert de dénonciations, quand ce n'est pas tout simplement du mépris ou de la haine. Comme ce fut le cas lors du stérile cas du turban au soccer ou quand le PQ a annoncé vouloir resserrer la loi 101 qui avait été complètement laissée en déchéance par le gouvernement précédent. Chaque manifestation d'affirmation identitaire par le Québec est accueillie de cette façon par les médias du ROC.

Cependant, outre la sainte parole des chroniqueurs spécialistes du mépris envers le Québec, une fois qu'on scrute outre ces gorges chaudes, le paysage change. Si on ne se fiait qu'aux plumes acerbes du ROC, aucune sympathie à la laïcité n'aurait été possible ou manifeste au Canada anglais. Mais c'est loin d'être le cas. Certains sondages ont même frisé le 50% d'appui à la laïcité. Et cela n'est guère surprenant compte tenu que des voix s'élèvent depuis des années dans le ROC pour dénoncer les dérives du multiculturalisme. Ces voix font écho au constat qu'ont fait nombre de politiciens européens devant la faillite manifeste des politiques multiculturalistes dans leurs pays. L'actuel premier ministre de la Grande-Bretagne y était d'ailleurs allé d'un puissant plaidoyer pour condamner la faillite du multiculturalisme dans son pays. Les dirigeants Français, des Pays-Bas, de l'Allemagne pour ne nommer que ceux-là, ont tous condamné les politiques multiculturalistes de leur pays.

Sarkozy avait d'ailleurs déclaré en février 2011 (et c'est très intéressant à l'aune du débat que nous tenons ici) : «La vérité, c'est que dans toutes nos démocraties on s'est trop préoccupé de l'identité de celui qui arrivait et pas assez de l'identité du pays qui accueillait.»

Le problème ici c'est que dès qu'on appuie la Charte proposée par le gouvernement du Québec, on est taxé de xénophobie, de racisme, d'être un méchant séparatiste identitaire pas plus fin qu'un national-socialiste nazi... blablabla. C'est tout simplement troublant de constater à quel point la gauche « autoproclamée-civique et inclusive » n'a pas hésité un seul instant à marcher côte à côte avec les barbus afin de s'opposer à la mauvaise charte du PQ. Ça donne des alliances incongrues comme Françoise David qui reprend mot-à-mot les inepties de Philippe-Flop Couillard.

Qu'ont-ils tous en commun? Leur dégoût du PQ bien sûr, mais aussi leur appui indéfectible à la doctrine multiculturaliste. « L'indépendance si nécessaire... », clamait un jour le co-chef de Québec solidaire? En appuyant le multiculturalisme, le parti de l'ambigüité nationale règle le problème. [D'ailleurs, tous chez Québec Solidaire ne sont pas d'accord et des membres quittent, excédés de cette prise de position, comme Michèle Sirois qui l'a fait avec fracas en publiant ce petit bijou de texte qui soulève bien des contradictions dans les positions de son parti.]

Pourtant, on devrait regarder du côté des critiques du multiculturalisme au Canada-anglais; certaines sont très instructives et pourraient nous aider à mieux comprendre les dérives de cette doctrine.

Le Winnipeg Free-press publiait en octobre 2010 un texte de Asad Khan, intitulé Multiculturism is failing Canada, qui citait l'ex ministre libéral fédéral Ujjal Dosanjh, très critique de l'héritage multiculturaliste de Trudeau. Asad U. Khan est président du Islamic Education Foundation of Manitoba, rien de moins.

«In 1971, under then prime minister Pierre Elliot Trudeau, Canada's became the first national government to declare the country would be multicultural.

Trudeau also incorporated in the Canadian Charter of Rights and Freedom that courts are to make decisions "in manner consistent with the preservation and enhancement of the multicultural heritage of Canada." Thus, Canada became a constitutional multicultural state.

This constitutional change gave birth to hundreds of multicultural ethnic organizations in Canada.

Unfortunately, however, most of them now are under the influence of conservative religious groups, which have given them a narrow and parochial outlook.»

En 1971, sous le premier ministre Pierre Elliot Trudeau, le Canada est devenu le premier gouvernement national à déclarer que le pays serait «multiculturel».

Trudeau a également incorporé dans la Charte canadienne des droits et libertés la notion que les tribunaux doivent prendre des décisions "de manière compatible avec la préservation et la valorisation du patrimoine multiculturel du Canada." Ainsi, le Canada est devenu un État multiculturel constitutionnel.

Ce changement constitutionnel a donné naissance à des centaines d'organisations ethniques multiculturelles au Canada. Malheureusement, cependant, la plupart d'entre elles sont maintenant sous l'influence des groupes religieux conservateurs ou intégristes, qui leur ont donné une vision étroite et paroissiale ou d'esprit de clocher.

Asad Khan va un cran plus loin dans son analyse en soulignant avec justesse:

«In a multicultural country where there is no concept of official culture, this presents a huge barrier in the development of common values, shared citizenship and national identity.»

Dans un pays multiculturel où il n'y a pas de notion de culture officielle, cette vacuité représente un énorme obstacle au développement de valeurs communes, de la citoyenneté et d'une identité nationale

Plus loin:

«And, in long run, multiculturalism leads to ethnic marginalization and ethnic stratification particularly when there is unequal distribution of power in society. After almost four decades of experience, it would be prudent to give Canadian multicultural policy a second sober look.»

À terme, le multiculturalisme mène à la marginalisation ethnique et stratification ethnique en particulier quand il est combiné à la distribution inégale du pouvoir dans la société. Après près de quatre décennies de ce multiculturalisme, il serait prudent de remettre en question la politique multiculturelle canadienne.

Constat : il n'y a rien, mais absolument d'extrémiste dans la volonté d'une nation de se remettre en cause et d'explorer la mise en œuvre d'une politique de la laïcité de ses institutions. Pas plus ne sont racistes ou xénophobes ceux qui appuient cette velléité tout à fait légitime. On doit à tout prix dénoncer ceux qui tentent d'imposer le silence, d'empêcher que se tienne ce débat en usant des épithètes fallacieux dès que l'on remet en cause le dogme multiculturel et certaines de ses dérives, comme le prosélytisme religieux, la ghettoïsation ou son incompatibilité avec le développement (ou la défense) d'une identité nationale commune, et ce tant au Canada qu'au Québec.

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