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Le parti libéral du Québec n'a pas à s'inquiéter de la Commission Charbonneau

Voilà pourquoi le PLQ ne sera pas inquiété. Il existe une proportion assez grande de Québécois qui souscrivent à la prémisse que battre les séparatistes est plus important que des banalités comme la corruption.
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Désolé de casser le party comme on dit par chez nous mais contrairement à ce que titrait La Presse hier matin, je doute que la Commission Charbonneau (CEIC) ne fasse bien mal au parti libéral du Québec. Je serais énormément surpris si le PLQ se voyait déstabilisé par cette commission, et ce pour plusieurs raisons.

A) La Commission Charbonneau a protégé le parti libéral. Du moins s'est-elle assurée de ne pas trop embêter le « politique » et 95% du politique à embêter est au PLQ; n'en déplaise à ceux qui font tout pour essayer de salir les autres partis afin de dissoudre le blâme à toute la classe politique. On se souvient de l'entrevue percutante qu'a accordé l'ex-policier Tremblay de l'Unité anti-Collusion à Bryan Myles de L'Actualité et du Devoir. Selon cet enquêteur chevronné, la CEIC a manqué à son mandat en ce qu'elle a volontairement négligé des éléments de preuves essentiels à la compréhension du financement illicite au PLQ. Il est tout à fait inadmissible que cette commission n'ait pas entendu et confronté publiquement un témoin comme Marc Bibeau, pierre angulaire de l'organisation du financement occulte libéral selon plusieurs sources. Oui, on a entendu à la hâte, et à hui-clos, Marc Bibeau, mais rien ne justifie qu'il n'ait pas subi le même genre d'interrogatoire que Bernard Trépanier par exemple. En protégeant Marc Bibeau, on s'assurait de ne pas étaler au grand jour le coeur du stratagème de financement libéral à partir de la collusion et de la corruption, le comté 127, etc. On doit aussi rappeler la comparution bâclée, complaisante de certains députés du PLQ, nommément celle de Nathalie Normandeau. On se souvient de la critique très dure faite par la journaliste Isabelle Riche qui était mal à l'aise devant le parti pris de la juge Charbonneau qui a tout fait pour « réhabiliter » Nathalie Normandeau plutôt que de l'interroger ou la confronter en fonction des éléments de preuve dont la commission disposait.

B) Le parti libéral s'en tirera aussi à cause du timing. Les militants libéraux étaient bien plus nerveux lors de la dernière campagne électorale alors que le risque était plus grand que la Commission Charbonneau n'affecte les chances du PLQ d'être réélu. Cependant, la CEIC a fait une longue pause, on s'est assuré que rien ne sorte pendant la campagne électorale et c'était sans compter, bien sûr, sur cet électorat libéral captif qui n'a absolument rien à cirer de la CEIC ou des travaux de l'UPAC. Dès que les résultats de la dernière élection ont été confirmés, de nombreux militants libéraux se bidonnaient et envoyaient un doigt d'honneur à la CEIC et à la population du Québec en quelque sorte : « Ils peuvent sortir ce qu'ils veulent l'UPAC et la CEIC, on est là pour 4 ans! »

En fait, le PQ a plus souffert du reportage d'Alain Gravel et de sa source anonyme qui salissait le mari de Pauline Marois que le PLQ des 21 visites de l'UPAC (contre zéro pour tous les autres partis). Gravel a été blâmé pour ce reportage par la suite (Radio-Canada a contesté le blâme), mais le mal était fait. Au final, aussi hallucinant que cela puisse paraître, le PQ aura été puni plus sévèrement dans cette affaire que le PLQ.

C) Le parti libéral s'en tirera aussi car ses alliés (institutionnels, médias, affaires) ne le laisseront pas tomber. Si des blâmes politiques sont lancés par la CEIC, on s'assurera d'effleurer juste assez le PQ pour diffuser les conséquences, on beurrera le plus large possible toute la classe politique et l'appareil gouvernemental afin d'éviter de ne pointer QUE le PLQ alors qu'essentiellement, cette problématique relève surtout de la collusion et de la corruption libérale. Pendant la période visée par la Commission Charbonneau (et avant que la corruption ne devienne LE sujet de controverse), on observe d'ailleurs l'augmentation indécente des dons politiques au PLQ quand ces derniers sont au pouvoir (surtout durant l'ère Charest) versus dans l'opposition.

On se souviendra que rien de ce qui avait été dévoilé sur la collusion libérale pendant tout le long règne de Charest, rien sur le passé éthique trouble de Philippe Couillard, rien sur le fait que l'équipe de Couillard en 2014 était essentiellement la même qui avait été chassée dans la honte en 2012 suite à un long chaos social... rien de tout cela n'a empêché Gesca d'appuyer le parti libéral dans tous ses journaux en avril 2014.

En fin de compte, le parti libéral du Québec n'a pas à s'inquiéter de la Commission Charbonneau surtout parce que ni ses appuis électoraux, ni ses accointances institutionnelles ou affairistes ne le sanctionneront pour son rôle dans la corruption ou la collusion. On se souviendra en 2009 alors que Gérald Tremblay, maire sortant de Montréal miné par les révélations sur la corruption, se trouvait en combat électoral contre Louise Harel, une méchante « séparatiste », la réaction du West-Island Gazette avait été de proposer les escrocs plutôt que les séparatistes: « Better Crooks than Separatists » (Michel David dans un texte du Devoir y avait fait référence d'ailleurs...).

Voilà pourquoi le PLQ ne sera pas inquiété. Il existe une proportion assez grande de Québécois qui souscrivent à la prémisse que battre les séparatistes est plus important que des banalités comme la corruption. Le même argumentaire qu'avaient servi Jean Chrétien et Jean Pelletier pour justifier la fraude des Commandites.

Cet article a d'abord été publié sur le blogue de Steve Fortin stevefortin.quebec.

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