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Le découragement imposé

Comme chaque fois que les fédéralistes se sont sentis «menacés», ils ont recouru à l'ensemble des outils dont ils disposent, éthiques ou pas, afin de combattre le fléau "séparatiste". La meilleure façon demeure la démobilisation.
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Un homme s'est présenté à un lutrin au début du mois de mars dernier accompagné de la première ministre du Québec. Honni de plusieurs, craint par d'autres, cet homme ne laisse personne indifférent. Un des hommes les plus puissants de la province, de la caste de ceux qui sont ardents fédéralistes ou résolument silencieux.

Pas lui.

Il marche au rythme de son propre tambour dit l'adage anglophone. Non seulement cet homme ose-t-il se présenter aux bras de la première ministre afin d'être candidat souverainiste aux prochaines élections, peu commun venant d'un rejeton de peuple conquis, il commet l'affront de lever le poing bien haut. Geste de rupture venant d'un de ceux chez qui le désir de se battre à trop souvent été remplacé par la résignation.

Qu'on aime cet homme, qu'on le déteste, son audace a plu. Mieux encore, en quelques secondes, il a insufflé un peu d'espoir dans ce paysage sociétal dopé au cynisme, à la résignation.

Personnellement, j'avais une opinion assez négative de cet homme, j'ai applaudi beaucoup le combat des journalistes lockoutés de ses salles de nouvelles, j'étais un ardent lecteur de Rue Frontenac. Mais il ne s'agit plus de juger l'homme à l'aune de son seul passé; en choisissant de se battre, le poing levé, pour faire du Québec un pays, il est devenu "un frère", comme le disait Falardeau. Dans un Québec indépendant, nous ne serions pas de la même inclinaison politique. Mais pour faire du Québec un pays, nous avons besoin d'appuis comme le sien.

Stupeur et tremblement

L'élite fédéraliste a été soufflée par cette candidature. Pour la première fois depuis fort longtemps, elle avait devant elle un adversaire habituellement bien rangé dans son camp. Pire, cet homme, puissant, est prêt à se battre. On le sait bagarreur, au lutrin, on a découvert, en plus, un tribun jusque-là inconnu. L'élite fédéraliste a tremblé. "Is this the man who will break up Canada?" s'est-elle demandé?

Le découragement imposé

Cette élite fédéraliste a répondu comme elle l'a fait chaque fois que le pays était en danger selon elle; la peur, le dénigrement, le découragement imposé. Vous n'aurez pas entendu les grands défenseurs de l'Unité canadienne (à part Khadir peut-être...!) vanter les mérites du pays à coup de longs arguments prenants. Normal, le Harperland est difficile à vendre et rien ne laisse présager de changements à l'ouest de l'Outaouais. La nation voisine se définit toujours plus en contradiction avec les valeurs communes de la nation québécoise...

Les fédéralistes ont recouru à la même vielle tactique de la peur. L'Armageddon des lendemains d'un Québec souverain, la démonisation du terme "référendum", le recours à de fausses informations sur l'emploi, sur l'économie, sur la santé de la langue française. Cette campagne électorale aura été pathétique en ce sens, car le Parti libéral n'a même pas eu à présenter de plateforme électorale, le thème principal de son discours électoral aura été la peur.

Le chef libéral a annoncé ses couleurs bien avant l'entrée en scène de toutes les candidatures péquistes. Le dénigrement allait être à l'avant-plan du discours de Couillard. Ses premiers mots, lors de la conférence de presse qui lançait la campagne électorale libérale, auront été ceux de la détestation des quelque 50% de francophones qui s'affirment nationalistes. Le ton était lancé. Cette banalisation du mépris encourage une francophobie inquiétante. Couillard s'en tape, son Canada à lui est complètement bilingue et la nation québécoise n'y figure pas plus que toute autre ethnicité qui doit s'oublier au profit du grand multiculturalisme canadien.

Le découragement imposé

Comme chaque fois que les fédéralistes se sont sentis "menacés", ils ont recouru à l'ensemble des outils dont ils disposent, éthiques ou pas, afin de combattre le fléau "séparatiste". La meilleure façon demeure la démobilisation. On l'a vu pendant la campagne électorale en cours, certains groupes médiatiques seront mis au service de la cause fédéraliste. On connaissait déjà l'inclinaison politique de leurs équipes éditoriales, cette fois on est allé un cran plus loin.

Il fallait lire le chassé-croisé de gazouillis entre le compte officiel du Journal de Montréal hier et quelques journalistes de Gesca et de Radio-Canada. C'est que le quotidien de Quebecor a révélé que les avocats de Gesca et de Radio-Canada se sont rangés du côté de l'obscurantisme journalistique en acceptant que les documents de l'UPAC incriminants et potentiellement explosifs pour le PLQ demeurent secrets jusqu'après les élections. Voilà qui est une grave entorse à la règle fondamentale du "droit de savoir" du public, surtout dans le contexte où tous savent que le Parti libéral sera éclaboussé à cause de son financement corrompu. Comment ne pas être dégoûté par la position des avocats de Gesca-Radio-Canada si cela s'avère...

Le découragement imposé, c'est aussi la publication de sondages méthodologiquement et statistiquement non fiables, aux échantillonnages très faibles là où les souverainistes sont les plus forts (comment tirer des conclusions à partir de 230 personnes pour l'ensemble de toutes les régions du Québec hors de Montréal et Québec comme l'ont fait jusqu'à ce matin Ipsos-Reed, Nanos et Forum Research!) et à partir desquels des analystes tirent des conclusions décourageantes à longueur de journée...

Peu de ces analystes ont pris la peine de tempérer leurs analyses en rappelant, par exemple, le funeste bilan des sondeurs au cours des 5 derniers grands scrutins au Canada, Colombie-Britannique, Ontario, fédéral 2011, Alberta et Québec 2012 : zéro en cinq.

Pas grave. L'objet de ces sondages n'est plus de tenter de saisir le pouls de l'électorat à un moment précis de la campagne électorale. Si c'était le cas, les sondeurs s'assureraient de respecter les normes statistiques minimales (cela coûterait aussi beaucoup plus cher, j'en conviens). Non. Ce que l'on cherche, ce sont les bons chiffres. Et dieu sait qu'on les a eus au cours de la campagne électorale actuelle! Si on se fie aux sondages, tout le monde gagne sauf le PQ et les souverainistes. Hey! La vie est belle!

On ne peut sous-estimer l'effet démobilisateur de ces sondages. Le problème c'est que ceux-ci sont maintenant instrumentalisés afin d'infléchir le cours de la campagne électorale pour qu'au final, l'électorat soit influencé par eux. Bien des chercheurs, analystes ou politicologues se sont inquiétés de l'instrumentalisation des sondages en politique. Le professeur Robert Asselin de l'Université d'Ottawa y voit même un danger pour la qualité de notre démocratie. Je suis parfaitement d'accord avec lui.

Le cofondateur de ViewStats Research et statisticien Oleh Iwanyshyn va un cran plus loin dans son analyse. Pour lui, on ne peut tout simplement pas faire confiance aux médias quand vient le temps de sonder en période électorale. Son analyse est éclairante, surtout quand on considère la situation particulière du Québec:

"Les grandes firmes sondent, mais commercialisent aussi leurs produits. Les médias sont également en conflit d'intérêts. Les grandes organisations médias tissent des liens incestueux avec les sondeurs. Pouvez-vous rappeler la dernière fois qu'une grande organisation des médias a remis en question les résultats d'un sondage pour lequel elle a payé?"

Il nous reste encore deux jours pour inverser la tendance, mais surtout, pour ne pas baisser les bras et refuser ce découragement imposé. Deux jours afin de faire mentir, encore une fois, ces "faiseurs d'élections" qui cachent leurs tares et espèrent, très fort, que les Québécois tomberont dans le panneau.

Il faut dire non. Tout sauf le retour des libéraux corrompus. Non à la démobilisation imposée.

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