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Hommage à un géant, un grand «six pieds» dans le cœur des gens

Jacques Parizeau compte très certainement parmi nos principaux défricheurs. La besogne qu'il a abattue pour notre nation est titanesque; elle relève de l'exploit. Une anomalie qu'enfante parfois ce peuple qui doute. Un monument de la détermination. Jamais un sauveur, plutôt un travaillant, un visionnaire.
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« Et puis j'ai vu porter en terre deux de ceux qu'on nomme grands, des laboureurs de notre pays vert, des grands six pieds dans le cœur des gens, les deux grands-pères ont dételé. J'imagine qu'ils se sont pas retournés, ils avaient bien assez semé pour le peu qu'ils ont récolté... » - Mario Brault, Les clés de mon pays

Un grand « six pieds » dans le cœur des gens...

Jacques Parizeau figure certainement parmi ces géants qui jalonnent, exceptionnellement, l'histoire d'un peuple, d'une nation... Car nous sommes bien une nation, non? Pardonnez-moi ma question, mais je viens à en douter à l'occasion. C'est congénital, comme ancré dans mes gênes, cette frilosité d'exister.

Or, les géants ont cette capacité de ne pas être frileux. Ils foncent, ils défoncent. Là où d'autres se questionnent, les géants imaginent des solutions. Quand celles-ci semblent inexistantes, les géants les inventent.

Les géants se foutent du scepticisme des uns, des moqueries des autres. Ils incarnent l'action. Pardonnez-leur de ne pas trop porter attention aux cyniques; c'est que l'avenir est à faire et l'espoir est porté, en quelque sorte, par ces défricheurs.

Jacques Parizeau compte très certainement parmi nos principaux défricheurs. La besogne qu'il a abattue pour notre nation est titanesque; elle relève de l'exploit.

Une anomalie qu'enfante parfois ce peuple qui doute. Un monument de la détermination. Jamais un sauveur, plutôt un travaillant, un visionnaire.

Aristocrate assumé, complet trois-pièces, maître incontesté de cette langue des chiffres qui, trop longtemps, nous avait échappé. Accompagné d'une poignée d'idéalistes épris de cette nation à laquelle ils croyaient plus que tout, il a préparé la voie qui nous a permis de sortir de la noirceur et d'accéder à la modernité...

Mais, cette nation n'enseigne pas son histoire, que certains estiment trop conflictuelle. Pourquoi risquer de rompre cette « paix sociale », qui se fait sur le dos de l'inconnaissance collective de nos géants. La mémoire est une faculté qu'on ne cultive plus, qu'on ne transmet pas, si bien que ce sont toujours les mêmes qui tirent bénéfice de l'oubli.

Combien de générations méconnaissent les fondements de la nationalisation de l'électricité ou la fondation des instruments économiques grâce auxquels, aujourd'hui, notre émancipation devient non seulement possible, mais souhaitable...

Assez de cette langue de comptable qui transforme les citoyens en contribuables, qui réduit l'engagement social aux seuls impératifs de la haute finance au détriment des intérêts de la nation. Nous devons à ce géant d'entreprendre de nous battre pour la société qu'il a façonnée, société caractérisée par la plus grande équité...

Nous devons à ce géant de repousser les fourbes qui usent du mensonge pour réduire son héritage à la brisure compréhensible d'un échec imposé. Six mots, maladroits sans aucun doute, qui ont fendu le silence. Six mots qui ont levé le voile sur l'ampleur de la fraude. Six mots qu'on ne lui pardonnera jamais. Six mots à cause desquels une nation entière a été flouée, dépossédée de ses instruments démocratiques fondamentaux.

Six mots dont nous sommes encore trop contemporains pour comprendre l'absolue portée. Si un jour, en cette nation, les historiens retrouvent leurs lettres de noblesse, ils enseigneront à nos descendants que ce peuple fut digne. Ailleurs, pareil dénouement aurait sûrement engendré le chaos, mais pas ici. Non, ici, «on se crache dans les mains et on recommence...»

Jacques Parizeau aura été, aussi, force est de l'admettre, un incompris. Lui, dont l'œuvre prend racine à une époque où ce « peuple concierge allait encore se coucher à l'est des empires ». Cet aristocrate iconoclaste formait l'avant-garde de ce qui a permis à ce peuple « taché de cambouis et d'huile » de s'approprier ses machines.

Ce géant était l'antithèse du rapetissement.

En ce jour où nous le portons en terre, jurons-nous que nous honorerons sa mémoire en continuant le combat pour que ce peuple accède au concert des nations démocratiquement, résolument, pacifiquement.

«Si, aujourd'hui, nous en avons les moyens, c'est qu'un homme a consacré son existence entière à préparer la voie.»

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