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Incurie libérale: plaidoyer pour un contrepouvoir (1)

Les Anglais ont une expression fort jolie pour nomme le diable en boîte... «Jack in the box». Vous savez ces petits diables, ou lutins, que l'on cache dans la boîte à musique et qui nous pètent à la figure après quelques secondes d'une musique, disons-le, agaçante...
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Les Anglais ont une expression fort jolie pour nommer le diable en boîte... «Jack in the box». Vous savez ces petits diables, ou lutins, que l'on cache dans la boîte à musique et qui nous pètent à la figure après quelques secondes d'une musique, disons-le, agaçante...

Sous le couvert d'une candidature libérale, le neurochirurgien Philippe Couillard a réussi un tour de prestidigitation peu commun, se transformer en copie troublante de vérité de Jim Flaherty, ou Mike Harris. Bref, les Québécois se sont fait entuber quelque chose de concret. Sous le couvert d'une candidature libérale, ils se retrouvent aujourd'hui dirigés par une copie désagréable de l'aile la plus à droite du parti conservateur fédéral.

Doit-on rappeler que le Québec « se distingue » du Canada, selon nombre de sondages, en ce qu'il place régulièrement les conservateurs dans la marge politique... Si Philippe Couillard avait eu le courage d'annoncer son funeste programme politique, aurait-il été élu? Oui, je sais, je pose cette question de façon répétée. Et je continuerai à le faire, car cette fourberie doit être dénoncée.

D'ailleurs, cette fourberie déplaît souverainement à nombre de militants et sympathisants libéraux. Nous avons vu cette semaine que l'association libérale de Gaspé s'est désolidarisée de «ce» gouvernement libéral. Entre les lignes, «ce» gouvernement Couillard, les mesures qu'il avance, sa gouvernance, rien ne l'inscrit dans la longue tradition de la gouvernance libérale. Voilà qui agace bon nombre de gens qui votent traditionnellement libéral.

J'ai croisé récemment un ami de longue date de l'Outaouais, on a fait le cégep et fréquenté la même université. Alors que je militais dans les groupes de gauche, résolument indépendantiste, il faisait sa marque chez les jeunes libéraux. Combien de discussions politiques nous avons eu! Bien sûr, on discute, cette fois-ci encore, de politique. En Outaouais, au fédéral, la lutte est chaude entre le NPD et les libéraux fédéraux. Il me faisait remarquer que le NPD pourrait bien se servir de la gouvernance «libérale» de Couillard pour montrer que les fédéralistes plus progressistes sont mieux servis par leur parti que ces «libéraux» qui gouvernent comme Harper. Blanc bonnet...

Parions que lors de la prochaine élection québécoise, il y aura un joueur de plus au provincial, un parti qui courtisera spécifiquement les fédéralistes progressistes (je veux dire autre que les ambigus de Québec solidaire!), le NPD-Québec. Car justement, il est de plus en plus difficile pour le chef néodémocrate Mulcair de justifier son appui à « ces » libéraux-là.

CPE, pont Champlain et traduction simultanée

Chaque semaine amène son lot de dossiers menés de façon amateuriste (et son lot d'euphémismes chez Gesca pour éviter de dire que Couillard ou le PLQ recule). La semaine qui se termine a été particulièrement féconde en la matière. Certains chroniqueurs, comme Lysiane Gagnon, avancent que Couillard cafouille sur les dossiers qui en appellent à la compréhension d'une once de sensibilité québécoise, car celui-ci est distrait, un peu dans la lune...

Foutaises. N'ayez crainte, Philippe Couillard s'en crisse pour vrai. Quand il choisit l'anglais à l'international, cela n'a rien à voir avec la disponibilité de service de traduction simultanée (quelle excuse ridicule!!!), c'est tout simplement le premier ministre d'une province canadienne comme une autre qui parle. Ici comme ailleurs, Couillard s'inscrit en faux de ceux qui, dans son parti, on fait du français la seule langue officielle du Québec.

Pour Philippe Couillard, l'employé d'usine comme l'ensemble de toute la jeunesse du Québec se doit d'être bilingue et de bien s'exprimer en anglais, sans égards aux problèmes graves de littératie et de maitrise du code grammatical français qui minent la pérennité de notre langue à court et moyen terme. Et hop l'enseignement de l'anglais intensif au primaire, mais rien pour consolider en amont la maitrise du code grammatical de la langue maternelle.

Le linguiste Paul Daoust explique à merveille l'intention qui se cache derrière l'empressement de «bilinguiser» jeunes et moins jeunes au Québec :

«Si le bilinguisme individuel est une immense richesse, le bilinguisme collectif pour une minorité politique est un poison mortel. Ce bilinguisme collectif n'existe que le temps de laisser la minorité rejoindre la majorité. [...]

L'assimilation des deux millions de Franco-Américains réalisée en 1970 et celle qui se poursuit [au Québec et chez les francophones hors Québec], selon chaque recensement fédéral, dans notre diaspora française hors Québec, est une illustration parfaite des conséquences d'un bilinguisme généralisé dans une minorité.»

Idem pour le dossier du pont Champlain. Philippe Couillard ne voyait absolument rien de mal à effacer la mémoire de Samuel de Champlain, en droite ligne avec sa pensée de «I am a canadian first». C'est un dossier fédéral, ne comptez pas lui moi pour défendre le patrimoine historique du Québec.

Le dossier des CPE est différent cependant en ce qu'il montre à merveille comment Couillard a trompé la population du Québec. L'Association québécoise des CPE a demandé lors de la dernière campagne électorale à chaque parti de lui remettre ses propositions concernant les Centres de la petite-enfance. Les principaux partis ont répondu par des propositions détaillées. Le PLQ y est allé de réponses vagues et très courtes, mais rien qui annonçait une refonte majeure de la structure ou de la tarification. Bien au contraire, Couillard avait vertement critiqué l'indexation proposée par le PQ en 2013, notamment car cela refilerait la facture à la classe moyenne!

Une fois au pouvoir, tel un diable en boîte, voilà que Couillard sort, encore, son infecte programme conservateur qu'il avait caché à la population. Lui qui hurlait, car les frais passeraient de 7$ à 7,30$ jusqu'à concurrence de 9$ à long terme, le voilà qu'il entend mettre fin à l'universalité des services et faire exploser les frais à 20$ par jour pour la classe moyenne élevée, déjà étouffée par l'austérité (elle aussi cachée) qu'il impose aux Québécois.

Pacte fiscal, élimination de structures qui encouragent le développement économique et rural des régions, fin des CRÉ et des CLD, le neurochirurgien n'y vas pas avec le dos de son scalpel, il préfère la scie mécanique « mal tunée, blade de 17 pouces pis toute »... Let's go! Après Drill Baby Drill, c'est Tchop Baby Tchop! Cette déconstruction de l'état québécois (jamais annoncée en campagne électorale) a aussi l'avantage, dans bien des cas, de rompre avec des mesures mises en place par les différents gouvernements péquistes dans le passé.

Une coupe à blanc, province ravagée, matée, disposée de force à accepter son statut de « province comme les autres »...

Ce texte d'une courte série de deux, le prochain traitant spécifiquement de l'absence de contrepouvoirs et de mécanismes empêchant qu'un PM s'empare de la gouvernance provinciale pour en faire ce qu'il veut, nos modes de scrutin et système et parlementaire désuets le permettant.

Dans l'état actuel, le seul contrepouvoir, c'est la rue. Du moins en attendant que l'UPAC termine son travail sur « ce véhicule privilégié qu'est le parti libéral pour ceux qui font de la corruption » comme on l'entendait récemment à la Commission Charbonneau. Mais en liquidant le DG de la SQ Mario Laprise, en poste lors des nombreuses perquisitions au parti libéral et chez le PM Couillard lui-même, et en le remplaçant par le gendre du boss de l'UPAC, mettons qu'on est loin de la «dépolitisation» promise du processus de nomination du DG de cette institution névralgique.

Je ne retiens pas mon souffle.

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