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UPAC: on se rapproche des banquettes de l'Assemblée nationale

Le parti Libéral est le principal visé par les arrestations, tout en demeurant seul maître de la nomination du commissaire de l'UPAC. Cela est plus que problématique, c'est carrément indécent.
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Comme tout le monde, j'ai été secoué par la nouvelle de ce matin. L'UPAC qui procède à l'arrestation de sept personnes dont Nathalie Normandeau, l'ex vice-PM du Québec sous Jean Charest et quelques membres très influents du cercle libéral, le même parti qui se trouve toujours au pouvoir aujourd'hui. On est dans l'environnement des enquêtes Joug et Lierre de l'UPAC.

On se rapproche de plus en plus des banquettes de l'Assemblée nationale.

Mais attendons avant de crier victoire. Attendons de voir quelles seront les suites de ces arrestations. Les Marc Bibeau, Jean Charest, Jean-Marc Fournier, Germain Chevarie et tous les autres qui, à un moment ou un autre, soit lors de la Commission Charbonneau ou lors des nombreuses enquêtes de journalistes, se sont trouvés pointés du doigt, tous sont encore libres d'accusations. En janvier 2016, je rappelais notamment ceci... à l'effet que les projets Joug et Lierre qui visent la corruption et collusion libérale devaient aboutir, car à l'UPAC l'impatience, voire la colère, se faisait sentir...

Nous savons pertinemment que les enquêteurs, les procureurs au DPCP n'ont pas fait tout ce travail, parfois au péril de leur sécurité, pour rien. Si les accusations ne viennent pas, comme en 2009 sous Charest, toute l'information incriminante risquait d'être coulée aux médias. Certains enquêteurs ramassent de la preuve depuis plus de 5 ans sur la corruption libérale; il importe maintenant de voir comment réagiront les libéraux lorsqu'ils seront confrontés aux éléments de preuve.

L'indépendance du processus judiciaire inquiète toujours...

Cependant, alors que les médias s'enflamment autour de cette éclipse médiatique, une question demeure toujours pertinente et espérons qu'elle sera posée; le parti libéral est le principal visé par les arrestations (deux employés de bureaux péquistes qui avaient aussi été tenus de comparaître à la CEIC ont également été arrêtés) tout en demeurant seul maître de la nomination du commissaire de l'UPAC.

Cela est plus que problématique, c'est carrément indécent. Il en va de l'indépendance des forces policières; nous ne sommes plus ici en apparence de conflit d'intérêts, mais bien en face d'une tare qui mine la confiance du public en cette institution essentielle. Sans compter que le PLQ nomme seul les juges au Québec...

On me dira que le «timing» des arrestations est en soi une preuve de l'indépendance de l'UPAC vis-à-vis le pouvoir politique. Ça prendra plus que ça pour le prouver. Toute personne qui a suivi un tant soit peu le dossier du financement politique, de la collusion et la corruption politique sait très bien que les plus grosses prises demeurent; que les Marc Bibeau et autres artificiers du financement occulte libéral post-2003 demeurent libres et n'ont pas encore été inquiétés. Le traitement préférentiel réservé à Marc Bibeau par la commission Charbonneau est en lui seul un gros point d'interrogation.

Plus on s'approchera de Marc Bibeau et de Jean Charest, plus on sera aux portes de l'Assemblée nationale. C'est un secret de polichinelle que des députés qui y siègent présentement sont sous le coup d'enquêtes.

Le timing

C'est indiscutable que le timing est catastrophique pour le PLQ de Philippe Couillard. Pas de doutes là-dessus. Daniel L'Heureux, le journaliste d'expérience et grand connaisseur de ce type d'éclipse médiatique donnait la mesure des conséquences de cette nouvelle sur l'affectation de journalistes aujourd'hui. le budget sera «éclipsé» par la corruption libérale. Le parti libéral avait beaucoup misé sur cette journée afin de tenter de se sortir du marasme communicationnel inhérent à l'austérité sauvage qu'il impose.

Le PLQ visait précisément la journée d'aujourd'hui comme date à partir de laquelle il comptait reprendre contrôle du «message». C'est foutu. D'une ironique façon, c'est un juste retour des choses puisque cela mine un message qui, à la base, est fondamentalement faux. Le PLQ veut vendre son budget 3 comme celui de «l'équilibre» budgétaire alors que pour y parvenir (et encore ça se discute), le PLQ a imposé au Québec une austérité sauvage qui a pour effet de causer le pire déséquilibre qui soit, celui d'une caste qui s'enrichit, qui s'accapare les finances publiques pour ses seuls intérêts et avantages. C'est précisément le but visé par les politiques d'austérité partout où elles sont appliquées de la sorte. La rapidité avec laquelle les Caisses (populaires mon oeil!) Desjardins se sont précipitée afin de profiter des hausses inconsidérées de tarifs en CPE pour «proposer une solution aux parents» à coup de 12 à 16% d'intérêt en est une manifestation probante.

Les banques sont toujours exclues de l'austérité en attente de profiter de ces effets délétères sur le commun des mortels.

Au final, les arrestations de l'UPAC auront scrappé la journée du budget pour le parti libéral, mais il ne faut pas non plus perdre de vue que tout reste à faire dans le dossier de la corruption libérale. L'arrestation de Nathalie Normandeau et d'autres apparatchiks libéraux d'importance est un premier petit pas qui se doit d'être suivis, rapidement espérons-le, par d'autres. Quand l'UPAC frappera là où ça fait le plus mal, soit à l'Assemblée nationale, alors les Québécois de toutes allégeances auront le sentiment que des pas sont franchis afin d'écarter de la politique ceux qui ont tant floué la population.

Ne soyons pas dupes, l'écrasante majorité des «corrompus» sont fédéralistes et libéraux. Le financement sectoriel a été pratiqué par tous les partis qui se sont approchés du pouvoir au Québec, cela inclue l'ADQ-CAQ et le PQ. Mais seul le parti libéral du Québec post Charest a érigé le financement illicite comme un moyen redoutable de s'accaparer du pouvoir et de tous les leviers de l'État. D'ailleurs, des militants libéraux de longue date qui peuvent témoigner de l'ère pré-Charest avec ce qui a suivi après 2003, sont de précieux témoins de comment tout a changé sous la gouverne de l'ex-chef conservateur fédéral.

«En arrivant au Parti libéral du Québec (PLQ) en 1998, Jean Charest a transformé la culture de financement de la formation. Une tendance qui s'est accentuée avec l'arrivée de Marc Bibeau, a expliqué jeudi à la commission Charbonneau l'ex-député Robert Benoit.»

Et un peu plus loin:

«Le premier geste que je vais voir, de l'extérieur, c'est un déjeuner de financement pour son leadership. Et il va ramasser au Club Saint-Denis un demi-million dans un avant-midi», a-t-il dit, évoquant la présence, dans l'entourage de M. Charest, de l'entreprise de communications Everest, éclaboussée lors de la commission Gomery sur le scandale des commandites.

Peu avant les élections de 2003, M. Bibeau avait convoqué en tête à tête chacun des députés du PLQ à l'Assemblée nationale. «Il m'a dit que si je voulais me représenter[en 2003], je devais amasser» beaucoup de fonds, a dit M. Benoit. Un geste qui l'avait surpris comme ancien cadre du parti. Mais M. Benoit avait déjà annoncé à ses collaborateurs son intention de quitter la vie politique.

Bibeau, un ami influent

Principal actionnaire de Schokbéton, Marc Bibeau a été le grand argentier du PLQ sous Jean Charest. Collecteur bénévole, il était d'ailleurs très proche de l'ancien premier ministre. Il travaillait en tandem avec Violette Trépanier, qui aurait été la grande responsable du financement sectoriel auprès des entreprises au sein du PLQ, de 2001 à décembre 2012.

«Le soir des élections [de 2003], celui qui est assis à côté de Jean Charest, c'est Marc Bibeau », a souligné M. Benoit, s'interrogeant sur le «signal» que cela envoie.»

Dans le même article, quel rappel intéressant du témoignage de Lino Zambito concernant l'ex-première ministre Nathalie Normandeau:

«Lors de son témoignage à la commission Charbonneau, l'entrepreneur Lino Zambito a raconté qu'il avait dû obtenir l'approbation de Marc Bibeau et Violette Trépanier pour organiser un cocktail de financement à 100 000$ pour la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, en 2007. M. Bibeau aurait demandé à Violette Trépanier de contacter le chef de cabinet de la ministre, Bruno Lortie, afin de fixer une date pour le cocktail».

À cette époque, Lino Zambito et deux vice-présidents de Roche [Marc-Yvan Côté et France Michaud] participaient activement au financement de Mme Normandeau, dans l'espoir qu'elle accorde à la Ville de Boisbriand une subvention pour l'agrandissement de son usine de traitement des eaux.»

Nous voilà rendus exactement à la racine des arrestations de ce matin.

Mais il manque Marc Bibeau et Jean Charest.

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