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Tenir notre promesse envers la communauté mondiale des réfugiés

Agnès compte parmi les 60 millions de personnes déracinées ou déplacées dans le monde en raison d'un conflit, d'un désastre ou de l'oppression. Il s'agit du nombre le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale.
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«J'ai été frappée à mains nues, avec des bâtons, avec des armes à feu. Si on bougeait, on nous frappait. Si on parlait, on nous frappait. Nous avons passé deux mois comme ça, à être frappés tous les jours.»

C'est ce qu'Agnès, une Érythréenne, a rapporté à propos de l'enfer qu'elle a vécu aux mains de ses passeurs, lorsque les équipes de recherche et sauvetage en mer de Médecins Sans Frontières (MSF) l'ont secourue alors qu'elle traversait la Méditerranée à bord d'un bateau rempli de migrants en train de sombrer.

Depuis qu'une entente a été conclue en mars dernier entre l'Europe et la Turquie, les camps de réfugiés en Grèce se sont transformés en camps de détention. Les réfugiés sont triés puis attendent d'être renvoyés en Turquie. (Photo : Mohammad Ghannam/MSF)

«Je savais que le voyage serait difficile et dangereux», continue-t-elle. «Surtout pour ma fille. Mais quel autre choix avions-nous? Nous ne pouvions plus survivre en Érythrée ou au Soudan. Notre gouvernement n'autorise pas les gens à partir. Avec nos documents érythréens, nous n'avions pas d'autres moyens pour aller en Europe.»

Les déplacements de population: une crise mondiale

Agnès compte parmi les 60 millions de personnes déracinées ou déplacées dans le monde en raison d'un conflit, d'un désastre ou de l'oppression. Il s'agit du nombre le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. Son histoire illustre non seulement la brutalité à laquelle sont confrontés de nombreux migrants lorsqu'ils tentent de rejoindre leurs destinations, mais également le dilemme qui se présente à eux: s'exposer aux criminels sans merci qui règnent en maîtres sur les routes migratoires ou rester piégés dans des situations invivables dans leurs pays. Le fait qu'il n'existe pas d'alternatives plus humaines pour eux est la conséquence directe des politiques gouvernementales qui placent volontairement des entraves sur le chemin de ceux qui cherchent un refuge ou veulent demander l'asile dans d'autres pays.

Ce lundi 20 juin marque la Journée mondiale des réfugiés. C'est l'occasion de nous souvenir que des millions de personnes comme Agnès, après avoir tout laissé derrière eux, attendent désespérément la fin de l'inconnu et de retrouver la paix, la sécurité et la stabilité dont ils ont été privés. MSF apporte une aide médicale et humanitaire directe à un grand nombre d'entre eux: aux personnes déracinées par la guerre, détenues dans des camps de transit, et à celles qui ont échappé aux dangereux réseaux de trafic d'êtres humains. Nos équipes ont été témoins de la souffrance et des conflits qui affligent ces gens et qui les forcent à s'exposer à ces risques considérables. Nous sommes aussi témoins de l'impact humain que la communauté internationale a provoqué en omettant de garantir le respect de leurs droits et libertés.

L'actuelle crise mondiale des migrants est également exacerbée par le refus des gouvernements de remplir leurs obligations en matière de protection des plus vulnérables. Les États se démettent de plus en plus de leurs responsabilités légales à l'égard des migrants et des réfugiés, et leur dénient l'humanité et la dignité auxquelles ils ont droit. Ces actes enfreignent la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et la Quatrième Convention de Genève.

L'externalisation des responsabilités internationales

Bien qu'ils aient signé ces ententes qui accordent des droits spécifiques aux demandeurs d'asile, un certain nombre de pays s'en détournent en instituant des politiques d'interdiction toujours plus contraignantes en vue de resserrer le contrôle à leurs frontières.

Plusieurs nations aisées utilisent l'aide au développement et des mesures d'incitation politiques afin de transférer leurs responsabilités légales envers les réfugiés à des pays fragiles et en développement, lorsqu'elles ne concluent pas tout simplement des ententes directes, comme cela a été le cas dernièrement avec la décision déplorable et cynique de l'Union européenne d'externaliser la prise en charge des réfugiés syriens en Turquie.

En vue de restreindre l'immigration, certains pays utilisent à l'interne des mesures qui limitent notamment l'accès aux services sociaux, y compris aux soins, qui empêchent l'accès aux demandes d'asile et, qui prônent un usage accru de la détention prolongée comme moyen de décourager l'immigration; des dispositions contraires aux conventions des Nations unies.

Ailleurs, des États érigent des barrières physiques et bureaucratiques afin d'empêcher les réfugiés de demander l'asile à l'intérieur de leurs frontières. Les migrants se font arrêter par des hommes armés en charge de contrôler les frontières, comme en Hongrie, où une clôture en barbelés à lames de 175 kilomètres a été construite entre elle et son voisin serbe. Quant à ceux qui parviennent à pénétrer dans les pays d'accueil, ils sont détenus pendant une durée prolongée dans des camps dépourvus de services, - une mesure censée dissuader les nouveaux arrivants - comme en témoignent des centaines de milliers de Syriens vivant dans des conditions déplorables au Liban et en Jordanie.

Fuir la violence pour ne trouver que misère

Ces situations placent les migrants dans des circonstances parfois aussi dangereuses que celles qu'ils fuient chez eux: la clandestinité les contraint à faire affaire avec des passeurs qui leur font payer des prix exorbitants pour les transporter à travers le désert ou des cours d'eau, des routes dangereuses sur lesquelles les attendent souvent les sévices physiques ou sexuels, lorsque ce n'est pas la mort.

Pour ceux qui réussissent à survivre à cet enfer et arrivent à destination, l'accueil est souvent hostile. Beaucoup de migrants qui atteignent leur but sont sans papiers et sont contraints de demeurer dans l'illégalité en raison du durcissement des législations dans le pays et des politiques de dissuasion dans la région. En raison de l'incertitude entourant leur statut juridique, beaucoup de migrants craignent de demander l'aide et les soins les plus essentiels.

Souvent, leur état général se voit affecté encore davantage par de longues périodes passées dans la précarité, la peur et le manque d'aide médicale de base, et ce n'est que dans des circonstances d'urgence extrême qu'ils prendront le risque de sortir de l'ombre.

Une solution politique de fonds est requise de toute urgence pour rappeler aux États d'assumer leurs obligations et de respecter le cadre juridique relatif aux réfugiés et les lois internationales qu'ils ont signées. Par ailleurs, les gouvernements et les entités internationales doivent répondre aux causes sous-jacentes des guerres et des privations qui forcent les populations à s'exiler. Il est de leur responsabilité de soutenir humainement et adéquatement les réfugiés qui sont en transit, bloqués dans des camps et en détention.

La crise mondiale des migrants demeurera un problème décisif de notre époque; un problème auquel, selon moi, nous nous devons tous de trouver une solution ensemble. Pour y parvenir, il est nécessaire d'opérer un changement de mentalité de toute urgence. Ces enfants, ces femmes et ces hommes vivant dans une situation d'extrême précarité méritent, après l'enfer de l'exode, qu'on se préoccupe d'eux et qu'on leur offre une assistance digne pour qu'ils puissent rebâtir leur vie et s'épanouir. Les gouvernements et les citoyens du monde que nous sommes en ont les moyens, mais nous devons maintenant décider ensemble si nous en avons la volonté.

Ce billet de blogue a également été publié sur le Huffington Post Canada.

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