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Le cafouillis entre la gouvernance et les politiques en matière d’invalidité au Canada

La façon dont le Canada régit la politique relative aux personnes handicapées en dit long sur la position de notre nation et sur nos valeurs.
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Lors d'une récente audience du comité sénatorial sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées (CIPH) et le Régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), le père d'un enfant atteint d'autisme a livré un plaidoyer convaincant et émouvant : « Nous souffrons actuellement de notre incapacité à assurer l'avenir de notre fils. Nous sommes son unique cercle social, nous sommes ses soutiens financiers et nous assurons également son transport. Nous sommes toute sa vie. Mes craintes m'empêchent de dormir la nuit.

Si rien n'est mis en place – un plan, un programme, un réseau de soutien – qu'adviendra-t-il de mon fils quand je ne serai plus là? Sera-t-il institutionnalisé, négligé ou pire encore, deviendra-t-il un sans-abri, sera-t-il privé d'amour ou de soutien ? J'ai besoin d'avoir l'esprit en paix et il a besoin d'un avenir.»

À votre avis, à qui ce père devrait-il s'adresser au Canada pour soulever ces préoccupations essentielles? À Diane Lebouthillier, la ministre du Revenu et à l'Agence du revenu du Canada (ARC)? Sûrement pas vos premiers choix. Pourtant, par leur administration du CIPH, notre agence fiscale nationale est le gardien improbable d'un certain nombre de mesures de soutien importantes pour les personnes handicapées au Canada.

En février, la ministre Lebouthillier et des représentants de l'ARC ont comparu devant le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour défendre leur surveillance hautement critiquée du CIPH – un programme dont la plupart des adultes canadiens en âge de travailler et ayant un handicap qui y sont admissibles n'arrivent à se prévaloir que dans une proportion d'environ 40%.

Au cours de l'audience, les défenseurs des droits des personnes handicapées et les sénateurs ont réitéré de nombreuses préoccupations, notamment des critères d'admissibilité mal définis et interprétés, un processus de demande complexe, des voies d'appel opaques et l'absence de données de surveillance adéquates du programme. Bien que certaines de ces questions puissent être réglées par une administration plus efficace – par exemple, l'adoption du projet de loi limitant les frais de tiers il y a de cela quatre ans – d'autres questions dépassent la portée de l'ARC.

Au cœur de cette confusion, il y a la division de la gestion de la politique sur les personnes handicapées au Canada qui explique qu'aucun ministère n'a l'autorité appropriée, la capacité de prendre des décisions et enfin la reddition de comptes.

Pourtant, il n'est pas évident de savoir quel ministère devrait s'en occuper. Au cœur de cette confusion, il y a la division de la gestion de la politique sur les personnes handicapées au Canada qui explique qu'aucun ministère n'a l'autorité appropriée, la capacité de prendre des décisions et enfin la reddition de comptes.

L'ARC est responsable de l'administration de mesures fiscales fédérales pour les personnes handicapées, y compris le CIPH et certains aspects du REEI. Pour sa part, le ministère des Finances a compétence sur la législation qui sous-tend ces mesures fiscales (notamment les critères d'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées) par l'entremise de la Loi de l'impôt sur le revenu. Enfin, outre son mandat sur l'accessibilité et la surveillance du Bureau de la condition des personnes handicapées, le ministre des Sports et des Personnes handicapées est responsable de l'administration des subventions et des obligations liées aux REEI (pour lesquels le CIPH est une condition préalable).

Cette gouvernance morcelée et cette responsabilité limitée n'augurent rien de bon pour les Canadiens lourdement handicapés, un groupe qui doit satisfaire d'importants besoins non comblés et surmonter de grands obstacles à l'accès à l'éducation, à l'emploi et à la participation équitable à la société.

Qu'est-ce qui doit changer?

Si nous voulons vraiment améliorer les conditions des personnes handicapées – et le gouvernement fédéral devrait en faire une priorité –, il faut une reddition de comptes en matière de gouvernance de la politique relative aux personnes handicapées au Canada.

Un ministère fort et autonome, directement responsable du vaste ensemble de politiques concernant les handicaps, notamment les mesures de soutien et la législation fondée sur les droits, s'impose. À cette fin, il est primordial de relever de la compétence de l'ARC (et de la Loi de l'impôt sur le revenu) la tâche importante de l'évaluation de l'incapacité et de la confier à un ministère sous l'autorité du ministère responsable des personnes handicapées.

À court terme cependant, l'ARC continuera de gérer les principaux programmes de soutien aux personnes handicapées. Pour ce faire, les représentants de l'ARC doivent reconnaître qu'ils sont de fait l'une des institutions les plus puissantes engagées dans la politique fédérale en matière de handicap, et qu'ils tiennent le rôle de décideur pour l'accès à des mesures de soutien qui changent la vie de personnes ayant un handicap. Ils doivent avoir à la fois la volonté de répondre aux préoccupations concernant la levée des obstacles à l'accès au CIPH et s'engager à collaborer étroitement avec les autres ministères.

Avec notre système fédéral actuel, on montre que nous considérons le handicap comme une question secondaire, reléguée çà et là et intégrée à d'autres programmes.

La façon dont le Canada régit la politique relative aux personnes handicapées en dit long sur la position de notre nation et sur nos valeurs. Avec notre système fédéral actuel, on montre que nous considérons le handicap comme une question secondaire, reléguée çà et là et intégrée à d'autres programmes. Si nous valorisons une société qui promeut l'égalité et la pleine participation des personnes handicapées, comme nous l'avons convenu lors de la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, nous devons faire beaucoup mieux.

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