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Je suis une salope

Deux jeunes hommes sur un vélo électrique tournent le coin de la rue, descendant à vive allure la rue sur laquelle je me trouve, au moment où je contourne paisiblement les deux jeunes femmes en bicyclette. Et c'est à ce moment précis que j'ai entendu ce mot de la bouche d'un des deux jeunes hommes : «Salope!».
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Je suis une salope.

Eh oui, vous ne le saviez pas?

En fait, je ne le savais pas moi-même avant-hier soir.

Je revenais du restaurant en voiture. Je roulais dans une rue à sens unique. À ma gauche, une piste cyclable vide. À ma droite, deux cyclistes qui prennent la moitié de la voie pour automobilistes. Pas énervée pour deux cennes, je les contourne, tout simplement. Oh! Évidemment, j'ai dû empiéter quelque peu sur la piste cyclable vide, pour parvenir à ne pas heurter lesdites cyclistes.

À ce moment, tournant la rue, deux jeunes hommes sur un vélo électrique tournent le coin de la rue, descendant à vive allure la rue sur laquelle je me trouve, au moment où je contourne paisiblement les deux jeunes femmes en bicyclette.

Et c'est à ce moment précis que j'ai entendu ce mot de la bouche d'un des deux jeunes hommes : «Salope! ».

Eh bien. Il en faut très peu, maintenant, pour être une salope. Un désir de ne pas écraser deux jeunes femmes en vélo et pouf! On est une salope.

Ce que je trouve déplorable, c'est que les mots laissent des traces. Ce jeune homme peu délicat ne connait rien de la personne qu'il vient d'insulter, assez gratuitement - en l'occurrence moi, dans ce cas précis. J'aurais pu être sur mon chemin de retour d'une rupture ignoble. J'aurais pu revenir du cimetière du Mont-Royal, où je me serais recueillie sur la pierre tombale d'un proche. J'aurais pu revenir de l'hôpital, ayant rendu visite à une amie en piètre état. J'aurais aussi pu être en dépression, avec une très piètre estime personnelle, après avoir eu besoin de revenir à ma dose de médication initiale, constatant que le sevrage n'était pas concluant (heu hum).

On ne sait jamais qui on croise sur la rue. On ne connait pas le vécu des individus qu'on insulte. Moi non plus, je ne connais pas ce jeune homme : peut-être son ami a-t-il failli se faire écraser par un chauffard quelques coins de rue plus tôt. Mais peu importe ce qui peut expliquer un comportement, il ne peut certes pas l'excuser.

Ce que je trouve déplorable, c'est que si ce jeune homme m'avait frappé en plein visage, tiens, pourquoi pas, on se révolterait tous de cette violence physique gratuite. J'aurais alors pu appeler la police, porter plainte, etc.

Mais comme « ce ne sont que des mots », il n'en est rien. Même si on sait que les mots acerbes laissent des traces profondes et durables. Même si on sait que la violence psychologique est la plus nuisible d'entre toutes (ce qui n'a pas empêché qu'elle ne soit reconnue comme telle qu'en 2007 par la Loi sur la Protection de la Jeunesse).

Ceci étant dit, je vais m'en remettre, évidemment. Mais ce petit mot, « salope », peut blesser au-delà de ce qu'on peut imaginer. Parce qu'il renvoie peut-être à des souvenirs désagréables où ces mots ont été prononcés par quelqu'un de beaucoup plus significatif qu'un pur étranger.

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