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C'était le 2 juillet. L'Abbé avait accepté de me rencontrer chez lui, à Joliette, pour parler de sa mort. Soudainement, au cours de notre entretien, je lui ai affirmé bêtement: «». Il a souri spontanément: «»
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Lucifer: nom propre qui signifie «Porteur de lumière». À l'origine, c'est l'un des noms que les Romains donnaient à l'«étoile du matin», autrement dit la planète Vénus. C'est aussi un personnage des mythologies grecque et romaine, dieu de Lumière et de Connaissance.

C'était le 2 juillet - en fin d'avant-midi. L'Abbé avait accepté de me rencontrer chez lui, à Joliette. Nous devions aborder la question de sa mort. Une réflexion bien particulière qui me hante personnellement depuis trop longtemps. J'appréhendais cet entretien. J'avais peur de craquer devant quelqu'un sur qui la mort s'était abattue aussi brutalement. Assis en face de lui, dans son jardin, nos yeux ne se sont jamais déconnectés. Puis soudainement, je lui affirme bêtement: «Mais Monsieur l'Abbé, vous êtes au fond comme Lucifer. Un peu comme Satan, celui qui a remis en cause l'Autorité au nom du Bien.». Il a souri spontanément. «Oui, au fond c'est ça. J'essaie de remettre en cause. C'est ça la définition de Lucifer: il s'est rebellé ...» Nous en avons bien ri ensemble.

C'est ce que je retiendrai de l'Abbé Gravel. Cette volonté de remettre en cause. De questionner librement, au nom du bien.

Ou comme la première fois où nous l'avions découvert à travers sa sortie publique contre le rejet homosexuel de l'Église catholique. Ou comme son rôle peu commun de député du Bloc québécois à la Chambre des communes où il s'était fait le porte-parole des plus mal pris de notre société. Mais le moment qui m'avait le plus ébloui de sa carrière politique fut celui de son départ soudain. À la demande de ses supérieurs ecclésiastiques, il s'était soumis à l'autorité constituée. Je venais de découvrir probablement pour la première fois l'expression même de la loyauté, celle envers et contre tous. À son corps défendant - sans doute -, il retournait à sa mission première, celle d'un homme de Dieu. Quelle abnégation exceptionnelle.

L'Abbé, c'était aussi un homme ferme. Il n'aimait pas «niaiser» avec la puck. Il n'hésitait pas à s'insurger contre les injustices qu'il avait répertoriées ici et là. Localement ou même ailleurs - tel son appui à la flottille de la liberté pour Gaza. L'Abbé disait ce qu'il avait à dire, il avait son caractère bien à lui, et au diable ceux et celles qui s'en formalisaient. Il n'a d'ailleurs pas hésité à me chicaner pour le trajet imbécile que j'avais pris pour venir chez lui en juillet dernier. J'ai fini par avoir honte et il avait raison. J'adorais sa sincérité.

Quand on a parlé de sa propre mort, ses yeux vibraient malgré l'inconnu. Il ne voulait pas souffrir inutilement. Le temps des larmes était derrière lui, du moins pour le moment. Il partait sans regret, même pas celui d'avoir fumé pendant toute sa vie pratiquement. «Pourquoi je serais ici, devant toi, à m'en plaindre? J'ai aimé fumer, j'en ai profité. J'ai eu du bon temps. Mais là, j'aimerais au moins me rendre à ma pension. Aye! J'ai travaillé pour ça moi aussi!» Ce qui l'a tenu debout jusqu'à la fin se résumait à un seul mot:

- Espérance! C'est l'Espérance qui me tient!

- Mais l'espérance de quoi, l'Abbé? Tout ce détour-là pour rien... »

Il m'affirma que non. Qu'un jour, je comprendrais. Du moins, il me l'a souhaité.

On s'est fait l'accolade et il s'est promis d'être à la diffusion de cette entrevue «l'année prochaine. Y faut que je sois là pour ça Stéphane! OK, là il faut y aller. Les Bonnes Sœurs m'attendent, elles m'ont fait à dîner. »

Un Diable exceptionnel nous a quittés. Merci l'Abbé.

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