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Dany Villanueva est Canadien à 100%

Déporter des individus enracinés au Canada, et qui n'ont aucun lien avec leur pays d'origine autre que celui d'y être né, ne fait pas partie des valeurs de notre pays. S'ils ont péché par le crime, c'est ici - au Canada - qu'ils y ont été initiés. Qu'on assume les conséquences de notre vie en société et qu'on cesse de traiter l'immigrant comme un citoyen de seconde classe, qu'il soit réfugié ou résident permanent.
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Pendant des années, j'ai été de ceux qui pensaient que Dany Villanueva devait être expulsé cul par-dessus tête dans son pays d'origine, le Honduras. J'ai été particulièrement tranché dans mes opinions et mon discours envers lui et sa famille. Je reprenais allègrement les arguments populistes de monsieur-madame-tout-le-monde, et j'y croyais dur comme fer.

Puis, un moment donné, Mohamed Lotfi - une personne que j'apprécie énormément pour son engagement social - m'a invité à visiter son groupe « Les Souverains Anonymes » à la prison de Bordeaux. Lors de ma deuxième rencontre avec les prisonniers, un jeune d'origine haïtienne me demanda le plus sérieusement du monde si j'allais un jour faire un documentaire télé sur les gens que le Canada déportait vers des pays «inconnus.» C'est alors qu'il m'expliqua qu'il était régulier de voir le Canada déporter un résident permanent de longue date vers son pays d'origine, et ce même si la personne en question n'y avait pratiquement jamais ou très peu vécu. Le prétexte était facile : condamné en vertu du Code criminel pour une infraction, le gars n'avait jamais demandé sa citoyenneté canadienne, mais avait toujours vécu ici depuis sa tendre enfance. On en profitait donc pour le refouler sans aucune autre mesure. On me cita même le cas d'une personne déportée en République dominicaine, mais qui n'avait que l'acte de naissance de dominicain. Il ne parlait pas l'espagnol, n'avait aucune parenté là-bas et avait fait pratiquement toute sa vie au Québec. Bref, le Canada en était rendu à déporter les humains comme des déchets, peu importe les circonstances.

Je suis ressorti de ma visite en prison sonné et confronté à mes propres valeurs.

L'éclatante victoire de Me Stéphane Handfield dans le dossier de son client, Dany Villanueva, cadre exactement avec ce genre de problématique. Doit-on déporter à tout prix Villanueva au Honduras sachant que cet homme n'a aucun lien de facto avec son pays d'origine, et ce même s'il risque d'être absorbé par le monde interlope dès son arrivé? Handfield a plaidé le principe de l'Évaluation des risques avant renvoi (ERAR). Il s'agit d'une victoire très rare - à peine 1,8% des cas plaidés réussissent à convaincre. Le ministre fédéral de l'Immigration et de la Citoyenneté Chris Alexander aura donc sur son bureau une recommandation favorable à l'effet de garder Villanueva au Canada. Le ministre pourrait écarter cette recommandation et ordonner l'expulsion de Villanueva. S'il le faisait, il procéderait au déchirement d'une famille installée et intégrée au Québec, expulserait un être humain vers un pays inconnu, et l'exposerait au péril de sa vie à une jungle telle que ses chances de survie deviendraient pratiquement nulles.

Le cas de Villanueva peut en illustrer bien d'autres. Qu'on pense à Michele Torres, un autre résident permanent établi au Canada depuis 47 ans qu'on veut maintenant expulser pour un crime commis en 1996! Cette procédure ne tient pas compte de la complète réhabilitation de Torres, ni de sa conversion en homme d'affaires prospère. Ce genre de procédure d'Immigration Canada ne fait aucun sens.

Déporter des individus enracinés au Canada, et qui n'ont aucun lien avec leur pays d'origine autre que celui d'y être né, ne fait pas partie des valeurs de notre pays. S'ils ont péché par le crime, c'est ici - au Canada - qu'ils y ont été initiés. Qu'on assume les conséquences de notre vie en société et qu'on cesse de traiter l'immigrant comme un citoyen de seconde classe, qu'il soit réfugié ou résident permanent.

Ceci étant dit, mon jugement envers Dany Villanueva était erroné. Je m'en excuse. Il faut parfois un passage en prison pour comprendre d'autres réalités.

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Avril 2018

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