Le 2 mai dernier, alors que la dernière cohorte étudiante de l'École du Barreau du Québec s'apprêtait à amorcer son cycle d'examens finaux, le Jeune Barreau de Montréal (JBM) publiait dans les pages de La Presse trois actions «rapides» visant à «endiguer le flot» d'avocats sur le marché du travail québécois.
Une des propositions centrales du JMB se résume à contingenter les admissions à l'École du Barreau. Point. Cette solution est d'un simplisme tel qu'elle n'en semble tout simplement pas une. Si l'objectif se résume à revoir à la baisse le nombre d'avocates et d'avocats actifs, alors il ne faut pas contingenter à l'École du Barreau, mais bien dès les admissions universitaires.
Soyons clairs, chaque étudiante et étudiant admis dans une Faculté de droit québécoise se doit d'avoir sa place sur les bancs de l'École du Barreau du Québec. Ce n'est là qu'une simple question d'équité. Nous croyons fermement que ce n'est pas au marché de dicter qui peut ou ne peut devenir avocat. Vouloir contingenter l'entrée à l'École du Barreau, c'est oublier que la difficulté de son examen et ses coûts d'admission élevés - plus de 5 000$ pour une formation de quatre mois - sont déjà des outils de contingentement.
À vouloir s'arrimer à tout prix aux impératifs du marché, on en vient aussi à former non plus des juristes, mais bien des technocrates surspécialisés. Nous dénonçons cette tare. Si l'École du Barreau se charge d'enseigner une profession, l'Université doit être un lieu où l'on apprend aux auxiliaires de justice de demain à être critiques et non pas à bêtement appliquer la règle de droit sans la questionner. Ces deux formations se doivent d'être complémentaires, il en va d'une saine Justice. À ce titre, nous sommes inquiètes et inquiets de lire que le Jeune Barreau de Montréal propose une formation «adaptée au marché».
Or, est-ce vraiment une bonne idée que de contingenter davantage l'entrée au baccalauréat en droit sous le seul prétexte que le marché juridique est présentement saturé? Nous ne le croyons pas. Le baccalauréat en droit offre une formation qui dépasse bien plus que les seules frontières du métier d'avocat. Comme le veut l'adage: «le droit mène à tout». Il va donc sans dire qu'une portion des diplômées et diplômés ne se dirigeront vraisemblablement pas sur les bancs de l'École du Barreau. Ils rêvent plutôt de notariat, de cycles supérieurs, de journalisme, de science politique, d'entreprenariat et nous en passons. Qui plus est, à toujours vouloir contingenter davantage, on en vient nécessairement à miner la diversité des candidats retenus.
Ce que le JBM nous propose aujourd'hui est une vision étroite et à court terme qui semble oublier les principaux concernés: la communauté étudiante. Après tout, il est facile de proposer des réformes lourdes de conséquences pour d'autres lorsque l'on n'a plus nous-mêmes à se soucier des répercussions sur notre propre cheminement. Bien sûr, nous invitons le Barreau à considérer les durs constats que le JBM soulève, mais nous croyons également que la communauté étudiante doit faire partie de la solution, du dialogue. Nous faisons donc appel à la solidarité des jeunes avocates et avocats du JBM qui, après tout, étaient sur les bancs d'école il n'y a pas si longtemps, afin que cette fois, ce ne soit pas la jeunesse qui passe à la trappe.
Emmanuelle Brault, étudiante en Droit à l'Université de Montréal
Philippe Dion, étudiant en Droit à l'Université de Montréal
Stéfanie Tougas, étudiante en Droit à l'Université Laval
Alex Vandal-Milette, finissant en Droit de l'Université de Montréal et étudiant inscrit à l'École du Barreau du Québec
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