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Le jour où David Bowie a susurré une harmonie à mon oreille

Entre Bowie et Placebo, tout a commencé en 1996, avant que ne sorte le premier album de notre groupe.
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Entre Bowie et Placebo, tout a commencé en 1996, avant que ne sorte le premier album de notre groupe. Il était en tournée en Italie et venait d'écouter l'une de nos démos. Il ne nous avait jamais vus ou entendus auparavant jouer sur scène. Malgré cela, il nous a demandé de faire sa première partie. À l'époque, on jouait devant des publics de 300 personnes. Le jour où on a rejoint David Bowie en Italie, on s'est retrouvé face à 7000 spectateurs. Le choc. On a dû apprendre très très vite à nous produire devant un public de cette taille.

C'était effrayant. J'avais vingt ans à l'époque. On a bu une bière de plus avant de monter sur scène. David est venu nous rassurer. Quand on débute une carrière d'artiste, on est persuadé que notre art ne vaut pas grand-chose, David nous a donné confiance en nous. Il a rendu possible le fait que nous nous sentions capables de produire de belles choses. Ce jour-là, il nous a dit une phrase que je n'oublierai jamais: «Ne soyez jamais paresseux, en tant qu'artiste dépassez-vous, tout le temps, n'ayez pas peur de vous confronter à vous-même».

Nous dînions régulièrement ensemble, nous passions aussi un temps fou dans les backstages quand il nous demandait de faire ses premières parties. Et puis, deux fois, nous sommes montés sur scène avec lui. À ce moment précis, on était au-dessus des nuages, bercés par l'adrénaline, aussi puissante qu'une drogue. On sentait que quelque chose de fou était en train de se produire, quelque chose de magique. On se tenait debout, sur la même scène qu'un magicien, un artiste exceptionnel, un être humain hors du commun.

J'ai de nombreux souvenirs avec David Bowie. Comme celui où lors de la sortie de l'album Without you I'm nothing, il nous a appelés et nous a dit: «Je veux chanter une chanson de cet album. Je dois le faire.»

Nous avons dit «ok bien sûr» et avons proposé de la transformer en un duo entre Brian Molko et David Bowie.

Je suis très triste, j'étais plus proche de lui que certains membres de ma famille. C'est terrible. J'ai la sensation d'avoir perdu un être cher. Il était un immense artiste et a offert une place à notre jeune groupe. Il donnait de son temps. Il en a donné à chacun de nous, individuellement. David Bowie faisait partie de ces gens profondément attentifs aux autres, qui prennent le temps de les écouter. Pour toutes ces raisons, je suis terriblement triste.

Une anecdote particulière me revient en mémoire. David Bowie était un séducteur. Quand il vous parlait, il avait un regard perçant, il flirtait avec ses interlocuteurs. Le jour où nous nous étions réunis pour l'entendre enregistrer une chanson de notre album Without you I'm nothing, personne ne savait quelle chanson il avait choisie et surtout, personne n'avait répété avec lui. Je flippais un peu. Je me disais «purée, pourvu qu'il soit bon, parce que si la chanson est naze, on ne pourra jamais le lui dire.»

On était dans le studio et là, Bowie nous a dit qu'il allait chanter la chanson éponyme de l'album. Il a commencé à susurrer l'harmonie à mon oreille. Mes pieds ont décollé du sol. J'ai compris qu'il allait tout exploser.

Quelque chose s'est brisé en moi ce lundi 11 janvier. Voilà six mois, je parlais avec Brian de la couleur jazz avant-gardiste qu'il était en train de donner à son dernier album Blackstar. On se disait qu'à près de 70 ans, cet homme continuait à faire des choses nouvelles et surprenantes. Jusqu'à la fin de sa vie, il a eu cette exigence de ne pas se laisser guider sur une route déjà tracée, de ne pas suivre des tendances, mais de s'interroger tout le temps sur ce qu'il était capable de créer.

Il adorait raconter des histoires, il en avait des tonnes. Son histoire à lui n'est pas finie.

Le groupe Placebo a confié au HuffPost et a publié sur sa chaîne YouTube une vidéo inédite datant de 1999, où l'on peut voir le groupe de rock britannique improviser avec David Bowie le titre Without You I'm Nothing (Sans toi je ne suis rien).

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