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Le plan secret de la Russie pour se débrancher d'Internet

Comment ne plus être asservi à une technologie largement inventée et contrôlée par les Américains? La question, digne de la guerre froide, serait tout à fait d'actualité en Russie. D'après le journal, Vladimir Poutine a réuni son conseil de sécurité pour l'aborder.
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Comment ne plus être asservi à une technologie largement inventée et contrôlée par les Américains? La question, pourtant digne de la guerre froide, serait tout à fait d'actualité en Russie. D'après le journal Vedomosti, lundi 22 septembre, Vladimir Poutine a même réuni son conseil de sécurité pour l'aborder.

Les répercussions de l'affaire Snowden ne nuisent donc pas uniquement à l'image du gouvernement américain. Elles amènent certains États aux tendances plus répressives (ou plus paranoïaques), à vouloir agir de manière préemptive sur le thème: si les Américains utilisent certaines infrastructures clefs de l'Internet pour les aider à surveiller les autres, alors il convient de s'en protéger. Dans le même temps, renforcer le contrôle de l'Internet permet également de mieux exercer celui que ces États souhaitent avoir sur leurs citoyens...

Renationaliser les extensions Internet russes

Cette logique serait celle de Poutine. Un plan d'urgence est donc demandé. Il vise à permettre de « débrancher » la Russie de l'Internet, enfermant ainsi le pays dans une sorte d'intranet national. Les mesures porteraient également sur la renationalisation des trois principales extensions du pays: le .RU, le .SU (l'ancienne extension de l'Union Soviétique qui continue d'être utilisée) et le .рф ( « fédération russe » en cyrillique).

Actuellement, ces extensions sont gérées par un organisme indépendant, mais quand même lié à l'état russe. A priori, ces liens ne suffisent pas à rassurer le pouvoir qu'en cas de besoin, il aurait le niveau de contrôle nécessaire.

Justement, quels besoins? Quelle situation pourrait bien provoquer l'ire du Kremlin au point de convaincre ce dernier d'isoler son pays sur le plan digital? Comme souvent, la notion de ce qui constituerait une atteinte suffisamment grave à l'intégrité russe pour déclencher le plan d'action Internet reste vague. On ne peut donc pas aujourd'hui répondre à cette question.

Le danger d'une gouvernance par les états

Le plan russe renforce l'idée qu'en matière de gouvernance Internet, les états ne peuvent et ne doivent être laissés aux manettes. La liberté des Internautes dépend du modèle de gouvernance actuel, dit multiacteurs. Il permet à tous, de la société civile au secteur privé en passant par la recherche (et même les gouvernements d'ailleurs), d'être entendus et de participer aux prises de décisions.

La France et l'Europe comptent parmi ceux qui ont déjà publiquement soutenu ce modèle. Les velléités autoritaires de pays comme la Russie ou la Chine inquiètent. La semaine dernière, lors d'une interview donnée à la BBC, le PDG de l'ICANN Fadi Chehadé a d'ailleurs prévenu: le plus grand risque qui pèse actuellement sur l'Internet est celui d'une fragmentation créée par des actions unilatérales au niveau des états. L'ICANN, le régulateur technique de l'Internet, est certes contesté. Mais beaucoup y voient aussi un rempart à l'autoritarisme gouvernemental en matière de gouvernance de l'Internet.

Ainsi si chaque pays est souverain sur son extension géographique (celle de la France est le .FR) -rien n'empêchant donc la Russie de contrôler directement les siennes- ce n'est pas le cas des extensions dites « génériques ». Il s'agit du .COM ou même des nouvelles extensions comme le .VIP ou le .BIO. Leur gestion, et leur attribution, sont actuellement déléguées à l'ICANN par le gouvernement américain. Mais ce dernier a accepté de laisser la place à un modèle complètement multiacteurs au sein duquel aucun gouvernement ne serait prioritaire.

Le courage de rester libre

C'est ce type de décision, courageuse car politiquement impopulaire (même aux États-Unis, où l'administration Obama a été accusée par les républicains de « donner le contrôle de l'Internet aux Russes et aux Chinois »), qui permettra de préserver un Internet libre.

Sans cette liberté, d'innover sans demander la permission, d'aller au-delà des frontières nationales pour proposer de nouveaux services ou diffuser de l'information, l'Internet n'aurait pu devenir l'outil d'émancipation de l'espèce humaine qu'il est aujourd'hui.

Bien sûr, Internet génère aussi des problèmes. Mais comme pour d'autres sujets, s'isoler derrière ses frontières ne semble pas être la solution. Rester ouvert et travailler ensemble sera certainement beaucoup plus efficace qu'un plan d'isolement comme celui des Russes pour contrer les envies de surveillance d'un état quel qu'il soit.

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