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Parler de sexe avec son ado: le guide de survie

Pourquoi créer une atmosphère où les enfants doivent se cacher, raser les murs, se montrer malhonnêtes, se sentir mal-à-l'aise, prendre des risques inutiles et prendre des décisions inconsidérées au détriment de leur corps et de leurs émotions ?
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Je me suis récemment lancée dans la lecture d'un livre d'Alain de Botton, How to think more about sex (Comment penser plus au sexe), qui a été à l'origine d'une conversation que j'ai eue dans une voiture pleine d'ados. Le sujet : la façon dont on leur apprenait à penser au sexe. Pourquoi ne pas enseigner aux enfants la meilleure façon d'avoir des rapports sexuels, ai-je suggéré, de la même manière qu'on leur apprend le reste ? Pour la petite histoire, cette idée a horrifié mes enfants, mais a intrigué leurs amis.

Henry Alford a relancé la conversation ce week-end avec un papier paru dans le New York Times, intitulé "Sexe dans une chambre d'ado". L'idée que des parents d'adolescents les encouragent à inviter leurs partenaires à la maison, dîner et se diriger à pas hésitants vers le lit est considérée comme une atrocité dans l'opinion générale américaine. Rappelons que les Etats-Unis se déchirent sur des questions comme l'abstinence pour faire baisser son taux de grossesses à l'adolescence, le plus élevé parmi les pays développés. Le fait qu'un adolescent dorme chez son partenaire et qu'on lui apprenne à avoir de "bons" rapports sexuels n'est pas du genre à éveiller l'enthousiasme. Voyons les choses en face, depuis l'année dernière, l'Etat du Tennessee interdit aux enseignants d'évoquer la possibilité de SE TENIR PAR LA MAIN, parce que c'est "une passerelle vers l'activité sexuelle".

Mais quoi qu'on apprenne aux enfants sur le sexe à l'école, cela a-t-il vraiment de l'importance ? Dans un livre paru en 2006, intitulé When sex goes to school : warring views on sex - and sex education - since the sixties (Quand le sexe s'invite à l'école : visions contradictoires du sexe - et son apprentissage - depuis les années soixante), Kristin Walker a examiné l'histoire de l'éducation sexuelle dans le système américain et en a conclu que les élèves font ce qu'ils veulent, quel que soit leur professeur. Il s'avère aussi qu'en matière de sexe, les parents ont plus d'influence sur les idées et agissements de leurs enfants que les professeurs. Le comportement des parents a beaucoup plus de portée et de sens.

Seriez-vous plus du genre à dire à vos enfants que le sexe est dangereux et interdit ou qu'il est tolérable et... euh, génial ? Êtes-vous un parent responsable du type "le sexe c'est bien", ou êtes-vous plutôt dans le camp "filez-leur la frousse" ? De la même manière que j'apprends à mes enfants à faire de l'exercice, à bien dormir et à être des gens bons, il me semble logique de leur apprendre à pratiquer le sexe sain et à coucher avec d'autres gens bons. Des gens qui respecteraient leurs paroles, sentiments et désirs. Et les feraient mourir de rire. Par ailleurs, tant que pulluleront les doubles discours sur la liberté sexuelle et la femme en tant que propriété publique, il serait préférable qu'aucune webcam ne vienne s'immiscer dans la partie. Le véritable défi est de transmettre toutes ces informations uniquement par l'osmose.

Si vous n'êtes pas à l'aise avec votre sexualité ou faites face à l'idée profondément ancrée que le sexe est une "mauvaise chose", êtes-vous en mesure d'avoir une autre approche avec vos enfants ? Contrairement à ce qu'avance la mythologie conservatrice, les approches favorables au sexe ne mènent pas à la dépravation, aux maladies, à l'avortement et au désespoir. Au contraire, plus on enseigne aux enfants le sexe responsable et sain, plus ils sont disposés à envisager le sexe de manière saine et responsable. En général, ils sont mieux informés et plus matures sur le sujet, et se comportent de manière moins dangereuse. Il en faut beaucoup pour comprendre pourquoi le taux de grossesse d'adolescentes aux États-Unis est quatre fois plus élevé qu'aux Pays-Bas, par exemple.

Ces dix-huit derniers mois, nous avons eu droit à une vague d'articles, programmes et débats, pas exactement sur ce que l'on apprend aux enfants sur le sexe (même si cela aussi est à l'ordre du jour), mais sur la façon dont on leur apprend. Debra Ollivier a écrit un papier à propos d'un épisode de l'émission "Teen sex at home" ("Sexe adolescent à la maison"), diffusée sur ABC. La série "Modern family", souvent taxée d'être irresponsable parce qu'on y dévoilait la vie sexuelle cachée d'un ado, a fait éclore une polémique sur le sujet. En novembre 2011, Laurie Abraham a dépeint, dans la section "Teaching kids good sex" ("Enseigner le bon sexe aux enfants") du New York Times, une situation fascinante, à travers son portrait d'Al Vernachhio, professeur à la Friend's central school de Philadelphie.

Professeur bien-aimé, Al Vernacchio nomme le sexe "une force du bien". Il a donné des conférences sur les façons innovantes d'évoquer le sexe et de l'enseigner aux enfants. Son discours est si raisonnable et intelligent qu'il vous ferait presque regretter qu'on ne puisse cloner cette homme. Ses métaphores sur le sport et la pizza sont des modèles du genre.

Le livre d'Amy Schalet, Not under my roof : parents, teens and the culture of sex (Pas sous mon toit : parents, ados et culture du sexe), tente une comparaison entre parents américains et parents néerlandais. En gros, aux États-Unis, parents et professeurs interdisent les rapports sexuels aux ados, ce qui n'est pas le cas aux Pays-Bas. En pratique, les parents néerlandais parlent ouvertement du sens et du fonctionnement du sexe avec leurs enfants et les autorisent souvent à avoir des rapports sexuels au sein de leur foyer. Voici comment, dans un article du New York Times, Amy Schalet décrit deux des cas évoqués dans son livre :

"Kimberly et Natalie sont des exemples frappants des différences culturelles existantes en matière de sexualité. (J'ai modifié leurs noms par souci de confidentialité). Kimberly, Américaine âgée de 16 ans, n'a jamais reçu d'éducation sexuelle chez elle. « Mon dieu, jamais ! Jamais ! Ça n'arrivera jamais ! », m'a-t-elle dit. Elle aimerait avouer à ses parents qu'elle et son copain ont des rapports sexuels, mais elle pense qu'il vaut mieux que ses parents ne sachent pas car la vérité "ferait voler en éclats" l'image qu'ils ont de "leur petite princesse".

Natalie, qui est aussi âgée de 16 ans mais a grandi aux Pays-Bas, n'a rien dit à ses parents le jour où elle a eu pour la première fois un rapport sexuel avec son copain, avec qui elle sortait depuis trois mois. Mais très rapidement, elle s'est, dit-elle, elle a voulu partager sa joie. D'abord, son père s'est montré contrarié et inquiet pour sa fille et son honneur. "Parle-lui", a conseillé sa mère à Natalie, après quoi le père s'est fait à l'idée. En clair, Natalie et sa famille ont négocié ensemble un tournant dans leurs vies ; le fait que ses parents connaissent et acceptent son copain a semblé être une source de contentement."

Dans le scénario de Natalie, on sent plus d'ouverture d'esprit. Les parents en arrivent à faire connaissance avec le copain de leur fille. Il s'agit d'un processus complexe, émotionnel et intime, mais qui a ses bons côtés. Les ados néerlandais ont tendance à patienter plus longtemps avant d'avoir leurs premiers rapports sexuels, ont moins de partenaires et utilisent des contraceptifs correctement et de manière systématique, avec pour conséquence un taux de grossesse et d'avortement bien moins élevé chez les adolescentes.

Pourquoi créer une atmosphère où les enfants doivent se cacher, raser les murs, se montrer malhonnêtes, se sentir mal-à-l'aise, prendre des risques inutiles et prendre des décisions inconsidérées au détriment de leur corps et de leurs émotions ?

Bien sûr, on peut aimer les films pornos et penser qu'ils sont un substitut efficace, car c'est l'activité préférée des jeunes en l'absence d'information et de discussion. Bien qu'omniprésent, le porno est plein d'idées fausses, comme le montre la vidéo Youtube "Porn versus real sex, the difference explained with food" ("Porno et 'vrai' sexe, la différence expliquée avec de la nourriture"). Le porno a de véritables effets sur les comportements sexuels, qui en général ne sont pas positifs. Mais ce n'est pas tout, comme l'explique Cindy Gallop dans une conférence TED. Le porno est partout et, par la facilité d'en produire et de le diffuser, le porno "professionnel" est devenu encore plus extrême, violent et déshumanisant. D'où l'idée de Cindy Gallop, le site internet Makelovenotporn, visant à désamorcer l'influence du porno.

Si vous voulez que vos enfants aient une vision saine de la sexualité, que vous êtes ouverts aux émotions et à ses conséquences, mais vous sentez mal-à-l'aise à l'idée de parler de sexe en détails, surtout lorsque cela se passe dans la chambre d'à côté, sachez qu'il existe des sites internet pour cela, tels que Amplify your voice (en anglais), qui milite pour une sexualité saine, ou Scarleteen, un classique, qui vise à donner "une éducation sexuelle pour le monde réel". Voilà un site qui propose des ressources simples et adaptées sur tous les sujets ayant trait au sexe. Il regorge d'études, de données, de liens et de témoignages allant du planning familial à la santé mentale, en passant par les associations LGBT. Donnant aux ados l'opportunité de poser tout type de question de manière anonyme, Scarleteen se veut un conglomérat "d'égalité, de respect, de dignité, de justice, de commun accord, de liberté d'expression et de pensée, et d'autres droits de l'homme." Comparons cela à notre génération répressive fabriquée par une éducation basée sur la haine des filles faciles, l'homophobie et l'abstinence à tout prix. Bien sûr, si cela vous amène à vous remettre en cause, peut-être devriez-vous commencer par lire "What you really want : the smart girls guide to shame-free sex" ("Ce que vous voulez vraiment : le guide des filles intelligentes pour un sexe sans honte"), qui est un bon début pour les pères comme pour les mères.

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