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Comment éviter de dire n'importe quoi quand quelqu’un meurt

Utile quand on se retrouve dans une situation délicate, suite à un décès. Avec un peu de chance, cela encouragera les gens à réfléchir et agir concrètement, avec empathie et bienveillance.
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Mon père, Robert Keats, est mort de la maladie de Charcot en avril. Il avait 62 ans. J'en avais 26. Je terminais laborieusement ma formation d'enseignante dans le secondaire et je n'étais absolument pas préparée à ce qui allait frapper ma famille. Le deuil fait bien plus souffrir que n'importe quelle douleur physique, et les semaines et les mois qui ont suivi le décès de mon père ne sont plus qu'un méli-mélo de conversations atrocement difficiles et souvent improductives.

Pour nous aider, mon père avait anticipé au mieux sa propre mort (et consacré un livre au sujet, How to Die Well Without God. Allez y jeter un œil) et organisé une partie de ses funérailles, ce qui nous a épargné pas mal de stress. Au moment de son enterrement et dans les semaines qui ont suivi, ma mère, ma sœur et moi nous sommes raconté les trucs maladroits, déplacés et même complètement tarés que les gens nous avaient dits depuis la mort de papa. À la suite de quoi nous avons commencé à noter dans un coin de notre tête les choses les plus scandaleuses qu'on dit pour «réconforter» une personne en deuil. Je me suis mise à dresser une liste des choses à dire dans une telle situation. Surtout une liste des choses à ne PAS dire, d'ailleurs (ce qui est malheureusement plus souvent le cas).

Voilà le résultat.

Je suis un peu déçue d'avoir besoin de rédiger ce guide pratique pour éviter que les gens se comportent comme de gros cons, mais j'espère qu'il pourra aider ceux qui ont récemment connu un deuil, ou ceux qui essaient de réconforter une personne ayant perdu un être cher.

Je suis un peu déçue d'avoir besoin de rédiger ce guide pratique pour éviter que les gens se comportent comme de gros cons, mais j'espère qu'il pourra aider ceux qui ont récemment connu un deuil, ou ceux qui essaient de réconforter une personne ayant perdu un être cher. J'ai aussi le sentiment que dire ce qu'il ne faut PAS faire à quelqu'un, c'est un peu comme lui dire de ne pas regarder en bas (il n'a qu'une envie, c'est de le faire). Mais garder cette liste à l'esprit peut s'avérer utile quand on se retrouve dans une situation délicate, à la suite d'un décès. Avec un peu de chance, elle encouragera les gens à réfléchir et agir concrètement, avec empathie et bienveillance.

La bienveillance est sous-estimée.

Évitez de dire de grosses conneries.

Les choses à ne pas dire quand quelqu'un meurt:

«Comment ça va?»

Je suis au fond du trou. Je suis dévastée. Je manque de sommeil. Je me sens abandonnée. Je sombre. Je ne mange pas, mais je n'ai pas faim. J'essaie de maintenir ma famille à flot, mais j'arrive à peine à respirer. J'ai l'impression d'avoir été amputée. Mon cœur est en miettes. Ne comptez pas sur un: «Écoute, ça va dans l'ensemble» ou, pire, «Oui, ça va.»

«Au moins, tu t'y attendais, c'est plus facile qu'une mort soudaine» ou «Au moins, c'était une mort soudaine, il/elle ne s'y attendait pas.»

J'ai évoqué ce sujet avec des gens qui ont été confrontés à la mort sous des formes très différentes. La mort, c'est de la merde, peu importe le temps qu'on a pour s'y préparer. Pour la personne en question, il est sans doute préférable de se faire renverser par un bus un beau jour que de souffrir et savoir que ça va arriver, mais je pense honnêtement qu'il vaut mieux éviter ce sujet avec ses proches.

«Heureusement, tu es adulte. Ce serait pire si c'était arrivé quand tu étais petite.»

Je ne me sens pas du tout adulte. Oui, j'ai eu la chance de pouvoir lui poser plus de questions de «grande» que si j'avais eu huit ans, et l'occasion de passer des moments privilégiés avec lui, mais le voir mourir m'a rendue aussi vulnérable, naïve et démunie qu'un bébé.

«Au moins, tu as de beaux souvenirs de lui.»

Oui, c'est vrai, et c'est génial. Mais maintenant, je n'ai plus que ça, et je ne veux pas que ça s'arrête là. Alors, s'il vous plaît, pas la peine de me rappeler que tout ce qui me reste, ce sont des images dans ma tête.

«Il/elle me manque à moi aussi.»

Ici, c'est délicat, parce que je sais que c'est plein de bonnes intentions. Sur ce coup, je conseille de bien saisir l'ambiance autour de vous! Pour autant, même si ce n'est pas une compétition, je vous garantis qu'IL/ELLE NE VOUS MANQUE PAS AUTANT QU'À MOI, LÀ, TOUT DE SUITE. Ce n'est pas à vous de chercher du réconfort: c'est le moment de m'en témoigner.

«Je sais qu'il/elle te manque.»

À moins que vous ne soyez dans la même galère, vous ne pouvez pas savoir ce que j'éprouve. Me dire que tu sais comme c'est difficile et combien il/elle te manque me donne l'impression que mes propres sentiments passent à la trappe.

«Tu trouveras quelqu'un d'autre» (à ma mère en deuil).

Va chier.

«Ne fais pas cette tête, tu vas inquiéter les autres.»

Idem.

«Tu peux toujours m'appeler si tu as besoin de moi.»

Le livreur de pizza pourrait dire la même chose. Dans les affres de la dépression, en plein deuil, je ne vais pas vous appeler pour vous demander de me préparer une tasse de thé et de passer l'aspirateur chez moi. Sauf si vous avez vraiment envie qu'une hystérique vous appelle pour chialer à 3 h du mat'. Apporter concrètement votre aide et prendre des initiatives, même si je décline poliment votre offre, vaut bien mieux que des paroles en l'air, du type: «Appelle, si t'as besoin de moi.»

«À quelle étape du deuil en es-tu? Vu ton expression, je dirais la colère.»

Les étapes du deuil, c'est vraiment un ramassis de conneries. En ce moment, j'en suis à la fois au déni, à la colère, au marchandage et à la dépression, tout ça en même temps et à parts égales. L'acceptation n'est pas pour demain. Alors, à moins d'être psy, ne parlez pas de ça.

«Il faudra que tu passes à autre chose à un moment ou un autre.»

PAS AUJOURD'HUI, SATAN.

«Je sais ce que tu ressens, mon chat/ma grand-mère/mon grand-oncle est mort(e) récemment/il y a quatre ans.»

Non, non et non! Bien sûr, nous faisons tous l'expérience du chagrin et du deuil, mais comparer vos sentiments à ceux des autres ne sert à rien. Et vous aggravez votre cas si votre perte est moins «importante» (je dis ça avec des pincettes, parce que je sais que la tristesse ne se hiérarchise pas). S'il s'agit d'un animal de compagnie, par exemple, ou, pire, si la personne en a réchappé («Ma mère a eu un accident de voiture, mais, là, ça va mieux.» Comparer nos mécanismes de défense peut être utile, mais dire que votre perte est aussi importante que la mienne EN CE MOMENT MÊME, c'est totalement déplacé.

«Pourquoi tu vas voir un psy? Moi, je m'en suis sorti(e) tout(e) seul(e).»

L'aide psychologique est une ressource précieuse pour accepter la mort d'un proche, en particulier quand on lui diagnostique une maladie incurable, et peut aider à s'y préparer au mieux (avec la personne en question si possible). Ne sous-estimez pas le pouvoir de la parole et de la thérapie, cela peut sauver des vies.

Voilà donc quelques exemples «d'anti-sagesse». Dans mon prochain article, je vous donnerai des conseils pratiques pour aider une personne en deuil et vous éclairerai sur les choses utiles à dire en pareille circonstance. J'espère que cette liste vous aura permis de mieux comprendre en quoi le fait de partager vos sentiments, même avec les meilleures intentions du monde, peut être préjudiciable sur le plan émotionnel aux amis et à la famille accablés par le chagrin. Alors, s'il vous plaît, ne vous vexez pas si vos tentatives pour les réconforter ou les soutenir sont mal reçues. N'en voulez pas aux proches du défunt. Reconsidérez votre approche et essayez d'imaginer ce qu'une personne souffrant d'un mal apparemment invisible peut avoir besoin d'entendre.

Surtout, évitez de dire de grosses conneries.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffPost britannique, a été traduit par Laure Motet pour Fast For Word pour le HuffPost France.

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