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Un «Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?», sauce québécoise

Pari réussi pour cette adaptation québécoise par Emmanuel Reichenbach du film français à succès.
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Pari réussi pour cette adaptation québécoise par Emmanuel Reichenbach du film français à succès Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?. Sans le vouloir peut-être, mais en tout cas avec beaucoup d'intelligence, Emmanuel Reichenbach a réussi à transformer une vague comédie à la thèse très discutable en un moment plein de légèreté, d'humour et d'autodérision.

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu? © David Ospina

Les quatre filles d'un couple québécois pure laine épousent des hommes qui vivent bien au Québec, mais sont originaires de cultures tout à fait autres: Joshua est juif, Akim est arabe et musulman, Ming est chinois et Wilson est noir, moitié français moitié ivoirien...

Que va-t-il rester de la culture québécoise chez ce couple catholique et bourgeois - magnifiquement interprété par Micheline Bernard et Rémy Girard? Sans chercher à ce que la situation soit crédible, la question qui est posée est bien là, et elle reprend, comme une amorce, celle du film français. Mais la pièce a l'intelligence de rendre très secondaire cette question insoluble sur le plan général et pour laquelle chaque individu se débat dans son coin. La pièce en effet laisse assez vite de côté cette question plutôt piégée pour se concentrer sur un magnifique exercice d'autodérision qui, finalement, en est la meilleure et la plus belle réponse indirecte.

Dans le film, la pseudo solution à la mixité culturelle semble simple (elle est simpliste en fait): pour ne pas être traité de raciste, l'accueil de l'autre devrait se faire sans la moindre réserve. Chaque fois que l'enfant d'une famille choisit un conjoint ou une conjointe, il introduit un élément forcément étranger, pourquoi pas totalement étranger? Faisons montre d'ouverture d'esprit, et puisque tous les humains sont semblables, mélangeons-nous tous et les problèmes disparaîtront.

Or chacun sait bien que ce ne serait pas le cas et que personne n'en a envie. Mais chacun se garde aussi de le formuler ouvertement, voire même, de le penser pour ne pas se retrouver coincé dans la catégorie des racistes. Tout le monde ressent un certain attachement à ses origines, et cet attachement n'a pas que les mauvais côtés censés être dénoncés par le film (et un peu par la pièce): fermeture d'esprit à l'égard de la différence, racisme des uns vis-à-vis des autres et réciproquement, égoïsme et autres fadaises dont on nous rebat les oreilles régulièrement. L'attachement à sa culture et à ses origines est parfaitement justifié et relève d'un besoin de ne pas sacrifier une richesse au profit d'une uniformisation rêvée par certains convaincus que si nous étions tous pareils, nous n'aurions plus de raisons de nous affronter. Nous en aurions, c'est sûr, et l'appauvrissement culturel avec.

Si dans le film français, les questions de mixité culturelle prétendent être réglées par la situation peu vraisemblable présentée dans l'intrigue, dans la pièce, Emmanuel Reichenbach se concentre plutôt sur une sorte d'exercice de style à la Raymond Queneau, où tous les clichés possibles et imaginables sont déversés sans retenue, mais pas simplement à l'égard de l'autre culturel ou religieux, également à l'égard des gais, des femmes, des Québécois de région, des amateurs de développement personnel, des artistes peintres, des acteurs de théâtre, des fan de hockey ou des porteurs de chemises à carreaux de bûcherons... Tout y passe et le nombre de clichés à l'égard de la culture québécoise est bien supérieur en quantité à la somme de tous les clichés à l'égard justement des gendres juif, musulman, chinois et africain... C'est la grande force de la pièce et ce qui en fait un moment délectable.

La question de la mixité culturelle et des affrontements qu'elle engendre ne se résoudra pas par cette ouverture totale qui semble être préconisée dans le film.

La question de la mixité culturelle et des affrontements qu'elle engendre ne se résoudra pas par cette ouverture totale qui semble être préconisée dans le film. Elle se résoudra lorsqu'à l'intérieur de chaque culture - qui renferme sa richesse et qui doit être préservée - on aura juste fait l'effort de renoncer à ce qui se dit de rejet, de mépris voire de violence à l'égard de l'autre. Pas pour l'accueillir à bras ouverts et se mélanger avec lui, mais pour le rencontrer, échanger, s'enrichir mutuellement, vivre et cohabiter dans l'intérêt réciproque.

Être capable de rire de soi-même est sans aucun doute le meilleur moyen de débuter dans la résolution des difficultés qu'on peut avoir les cultures autres. La pièce en offre un magnifique exemple devant les spectateurs du théâtre du Rideau vert en ramassant toute l'autodérision à l'égard non seulement de la société québécoise, mais aussi - mise en abyme oblige - à l'égard du théâtre, de ses acteurs et des maigres salaires qu'ils empochent.

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu? du 13 mai au 10 juin 2017, au Théâtre du Rideau Vert à Montréal

Coproduction Encore Spectacle

Avec Rémy Girard, Micheline Bernard, Marie-Evelyne Baribeau, Ariel Ifergan, Albert Kwan, Jonathan Michaud, Marilou Morin, Iannicko N'Doua, Widemir Normil, Myriam Poirier, Marie-Ève Soulard, Vincent Fafard.

D'après le film de Philippe De Chauveron, écrit par Philippe De Chauveron et Guy Laurent. Adaptation Emmanuel Reichenbach.

Mise en scène Denise Filiatrault.

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu? sera présentée à Brossard et à Laval, puis en tournée pour une série de représentations dans de nombreuses villes du Québec jusqu'à la fin de l'année 2017.

Information : http://bondieu.ca/

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Mai 2017

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