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Trois superbes chorégraphies contemporaines pour la São Paulo Companhia de Dança

Tous leurs corps, leurs bras et jusqu'à leurs mains manifestent chez ces artistes une technicité extrême, une maîtrise, une vélocité et une précision qui porte clairement l'empreinte de leur talent et de celui du chorégraphe signataire.
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The Seasons

Dans l'obscurité complète de la salle et de la scène, un rayon de lumière blanche tombe verticalement sur un danseur dont on n'aperçoit que la découpe musclée des épaules et les gouttelettes de sueur qui s'échappent de ses cheveux lorsqu'il tourne sur lui-même. Il est progressivement rejoint par d'autres danseurs, et tous ne reçoivent que cette lumière non éclairante destinée à ne faire ressortir que les lignes très contrastées des découpes les plus subtiles de leurs corps d'hommes ou de femmes.

The Seasons © Édouard Lock

On reconnaît chez ces danseurs la formation en danse classique même si l'œuvre est fondamentalement contemporaine. Leurs gestes sont d'une rapidité incroyable. Tous leurs corps, leurs bras et jusqu'à leurs mains manifestent chez ces artistes une technicité extrême, une maîtrise, une vélocité et une précision qui porte clairement l'empreinte de leur talent et de celui du chorégraphe signataire de ce premier temps du programme, Édouard Lock.

Sur une musique de Gavin Bryars, presque sérielle par moment où prédomine le timbre grave du violoncelle, The Seasons ce ballet créé en 2014 par Édouard Locke réinterprète de manière très contemporaine les Quatre saisons de Vivaldi. Pendant 50 minutes, douze danseurs exécutent douze tableaux, soit les douze mois de l'année, durant lesquels le spectateur prit par l'émotion de ce qu'il entend et de ce qu'il voit, et tout en reconnaissant au passage quelque tonalité du concerto original, a le loisir d'interpréter le thème des saisons successives.

Car la scène et les danseurs demeurent dominés par l'obscurité, ce qui contraint le spectateur à être très actif. La lumière est utilisée à l'envers de ce à quoi on a l'habitude d'assister. Édouard Locke ne joue pas sur la lumière, mais sur la profondeur de l'obscurité. Comme s'il voulait éclairer d'une lumière noire les danseurs qui, du coup, courent en permanence pour rattraper la partie réellement lumineuse - mais toujours éphémère - de la scène. Sur les côtés, ce qui ressemble à une splendide forêt stylisée, œuvre du scénographe Armand Vaillancourt, ne bénéficie pas davantage d'exposition et disparaît bien souvent faute d'éclairage.

L'obscurité est sciemment utilisée comme une obstruction, une entrave à la possibilité de tout voir. Mais qu'est-ce donc que tout voir ? Et est-ce vraiment nécessaire et souhaitable ? Or ce jeu sur l'obscurité est extrêmement stimulant et oblige le spectateur à scruter, à choisir, à interpréter et à recevoir la chorégraphie d'une manière inédite en participant à l'énergie des sujets, comme le ferait un dessinateur, un peintre ou un photographe, seulement à partir des ombres et en faisant de la lumière une substance rare et très précieuse.

Mamihlapinatapai

Mamihlapinatapai, une œuvre de 21 minutes signée du chorégraphe brésilien Jomar Mesquita, plonge l'atmosphère de la scène dans une salle de bal populaire de ce qui ressemble à quelques bas-fonds d'une grande ville brésilienne. Les tenues des danseurs sont soignées même si on les sent de milieux pauvres. Quatre couples se forment et dansent langoureusement sur les chansons qu'on entend dans ce type de salle de bal où chacun rêve de rencontrer l'amour. Mais justement Mamihlapinatapai est un terme issu d'une langue amérindienne qui désigne ce regard partagé par deux personnes qui se désirent, mais dont aucune n'a le courage de faire le premier pas... La danse sociale est déconstruite et métamorphosée en danse contemporaine. L'atmosphère est à l'amour, les corps tout en restant distants se frôlent au ralenti, conservant la réserve de ceux qui aimeraient bien, mais qui n'osent surtout pas. Et pour appuyer ce sentiment à la fois de retenue et de sensualité, le bruit sourd d'un cœur battant se superpose aux chansons amoureuses...

Gnawa

Gnawa du chorégraphe espagnol Nacho Duato transporte le spectateur dans l'orient mystique des bords de la Méditerranée. Les Gnawas dont la musique répétitive et les rituels dansés les mènent jusqu'à la transe seraient les descendants d'esclaves noirs déportés au Maghreb. Le ballet de 21 minutes n'empreinte aux Gnawas que la musique et l'atmosphère spirituelle. Les hommes, torses nus et pantalons clairs dansent avec des femmes en robes noires. La musique est enivrante. Les danseurs aux gestes fluides et d'une légèreté étonnante ne font pas même entendre leurs rebonds sur le sol. Les quatre éléments, air, terre, eau et feu sont mis en scène dans ce ballet parfaitement réglé où les couples semblent faire honneur à l'un d'entre eux, différent, car peut-être initié...

Pour la première fois à Montréal, la São Paulo Companhia de Dança dirigée par Inês Bogéa propose pour trois soirs seulement un triple programme d'une très grande qualité. La compagnie créée il y a huit ans prouve à quel point la formation classique, avec tout ce que cela comporte dont les pointes, profite à la virtuosité requise dans les œuvres contemporaines des très grands chorégraphes.

São Paulo Companhia de Dança, les 28, 29 et 30 avril 2016 au Théâtre Maisonneuve à Montréal

Danse Danse

The Seasons, Édouard Lock (2014, SPCD)

Mamihlapinatapai, Jomar Mesquita avec la collaboration de Rodrigo de Castro (2012, SPCD)

Gnawa, Nacho Duato (2005, Hubbard Street Dance Chicago; 2009, reprise SPCD)

Plus de détails ici.

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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Mai 2017

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