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«Roméo et Juliette» dans l'Italie fasciste des années 30

Comme souvent, le Théâtre du Nouveau Monde mise sur des pièces riches, longues, avec beaucoup d'acteurs, aux grandes mises en scène et dans des décors spectaculaires, et ce nouveaus'inscrit bien dans cette tendance.
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Curieux choix que celui du metteur en scène Serge Denoncourt d'avoir situé l'action des célèbres amants de Vérone dans l'Italie fasciste des années 30, pour la pièce de Shakespeare proposée au TNM dans le cadre du festival Juste pour Rire de Montréal. Si du point de vue esthétique ce parti offre un résultat tout à fait excellent, du point de vue de l'histoire, voir le bon Prince de Vérone Escalus avec les bottes et les habits noirs des fascistes mussoliniens m'a paru quand même étrange.

Voici donc remontée, pour la énième fois, la bien connue tragédie de l'amour datée de 1597 pour sa première publication à Londres. Car la pièce demeure et restera toujours indémodable. Même si l'on en connaît l'issue fatale, la richesse du texte, de l'intrigue et des personnages ouvre à d'infinies interprétations pour le commentateur comme pour le spectateur.

Cette version de Roméo et Juliette traduite par Normand Chaurette, ne fait pas exception à cette règle. D'autant qu'il s'y ajoute une très belle mise en scène avec combats au fleuret ou au couteau, décors superbes à la fois de sobriété et d'ingéniosité, éclairages magnifiques, costumes extrêmement soignés et élégants et - en dépit de la tragédie - le grotesque et le rire, parfois négligés pour cette pièce, mais que Shakespeare affectionnait beaucoup et auquel il ajoutait de la musique et des chansons. De tous ces points de vue, le pari de Serge Denoucourt est parfaitement gagné.

Deux familles riches, les Capulet et les Montaigu, se détestent depuis toujours sans plus savoir pourquoi. Et c'est l'amour de deux adolescents qui permet de révéler l'absurdité de la chose.

On est dans l'Italie des années 30 et l'élégance italienne est bien au rendez-vous. Nous sommes en été. Les acteurs sont habillés comme le sont ceux du film Gatsby le magnifique dans sa version de 1974 ou ceux du Jardin des Finzi-Contini de 1970. Même raffinement dans les tenues sportives, claires et pleines de distinction, de la plupart des protagonistes; très beaux costumes également pour la scène centrale de la fête de Carnaval où Roméo, derrière son masque, aperçoit Juliette pour la première fois. Les décors empruntent aux superbes édifices grandioses et massifs construits sous Mussolini (l'architecture moderniste art-déco de l'Italie est à mettre à son actif). Décors sobres, donc, et qui se transforment au fil des scènes. Celle du balcon est particulièrement réussie, car à la fois surprenante et très belle, avec la double opportunité de faire rire et d'émouvoir. Les éclairages et quelques projections vidéo discrètes ajoutent des éléments essentiels aux décors. L'arrivée du petit jour sur le lit des amants, par exemple, fait vraiment penser au lever du soleil et au commencement d'une journée à la fois vivifiante et terrible à affronter.

Dans tout cet environnement, la prestation des vingt acteurs est à saluer. La pièce est longue et souvent difficile. Se dégagent certains rôles plus marquants et sans doute plus complexes. Benoît McGinnis offre un Mercutio admirable d'humour, de talent et d'émotions. Beddie Lynch-White dans le rôle de la nourrice justifie à elle seule la présence de la pièce dans le festival Juste pour Rire. J'ai beaucoup aimé également Jean-François Casabonne dans le rôle de Frère Laurent. Philippe Thibault-Denis est un très beau Roméo, amoureux et exalté, et Marianne Fortier une très jolie et élégante Juliette. Les combats sont aussi réussis que ceux offerts par le même Serge Denoncourt dans ses mises en scène des Trois mousquetaires et de Cyrano de Bergerac.

Comme souvent, le Théâtre du Nouveau Monde mise sur des pièces riches, longues, avec beaucoup d'acteurs, aux grandes mises en scène et dans des décors spectaculaires, et ce nouveau Roméo et Juliette s'inscrit bien dans cette tendance.

Roméo et Juliette de William Shakespeare

Du 21 juillet au 18 août 2016 (plus trois supplémentaires les 19 et 20 août), au TNM à Montréal

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