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«Mon héros Oussama»: quand la vengeance aveugle apaise nos propres manques

Après leur déchainement, les quatre personnages seront étonnés d'éprouver des émotions positives face à des situations simples de la vie quotidienne.
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La pièce est très violente et non dénuée d'humour également.
Cannelle Wiechert
La pièce est très violente et non dénuée d'humour également.

Le titre de la pièce écrite par Dennis Kelly est plutôt trompeur. Mon héros Oussama laisse penser qu'il va être question d'un adepte de Ben Laden et de sa haine de l'Occident en rapport avec l'intégrisme islamique. Mais il n'en est rien, ou presque. C'est que Dennis Kelly semble aimer fourvoyer son public, le détourner systématiquement de la voie qu'il trace lui-même pour lui. Juste en cela, déjà, la pièce est très intéressante.

Gary est un grand adolescent de 17 ans dont les idées paraissent excentriques dans son environnement scolaire. Il vit seul avec une mère sans doute impotente, se sent différent des autres, n'a aucun ami et se pose mille questions sur la vie, dont la sienne, évidemment.

L'amour, Dieu, les poubelles qui explosent dans son quartier, le terrorisme, ce qu'on dit de lui «je suis moyen dans tout», ce qu'il sera à 40 ans... font partie des questions qui agitent son cerveau en ébullition.

À l'occasion d'un exposé scolaire sur le thème du héros, Gary évoque Ben Laden, dont il retient seulement qu'il a renoncé à sa fortune pour aller vivre dans le désert afghan. Gary croit à la liberté de parole. Mais cette parole, plutôt que d'être discutée en classe, lui appose une étiquette, dont certains vont s'emparer.

On ne sait trop comment, quatre autres personnages vont déverser toute leur haine et leur violence sur Gary. Il y a Francis et Louise, un frère et une sœur survoltés par des souvenirs sombres relatifs à leur père, et par certains faits-divers des journaux. Et il y a Mark, un homme d'âge mûr, qui semble avoir perdu sa femme dans l'explosion de son garage et dont la seule préoccupation est le désir insatisfait qu'il éprouve pour Manu, une adolescente branchée sur les réseaux sociaux, qui a débarqué par hasard dans sa vie.

Par une sorte d'alchimie sombre, les quatre vont se venger de leurs vies sur Gary, de tous les manques existentiels qu'ils éprouvent et qui les font souffrir. L'effet de groupe aidant, chacun va exciter les autres en exprimant toute l'agressivité qu'il a en lui. Après quoi, tout semble rentrer dans l'ordre, en produisant l'apaisement que la vengeance aveugle procure, peut-être...

La pièce est très violente et non dénuée d'humour également.

Après leur déchainement, les quatre personnages seront étonnés d'éprouver des émotions positives face à des situations simples de la vie quotidienne. Des émotions en rapport avec les autres, de celles qu'on éprouve lorsqu'on fait le bien ou lorsque le calme succède à une grosse décharge émotionnelle, ou encore lorsqu'on se questionne sur des comportements humains qui nous sont étrangers.

La pièce est très bien interprétée par cinq acteurs talentueux. Elle donne beaucoup à réfléchir malgré son aspect un peu fouillis et quelques détails qui demeurent obscurs quant aux propos et aux situations des protagonistes.

Elle donne à penser sur le soulagement que la vengeance, malheureusement, semble fournir à des personnes qui attribuent leurs manques aux autres et non pas à eux-mêmes ou aux hasards de la vie. Elles n'ont pas conscience que nos manques sont une condition humaine inévitable et qu'il n'y a pas d'autre choix que de se construire sur eux.

Cet article a aussi été publié sur pieuvre.ca

Mon héros Oussama: du 1 au 30 avril 2019, au théâtre Prospero à Montréal.

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