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Marie Chouinard dans le cadre de Danse Danse: du grand art

Pour trois représentations seulement, Marie Chouinard était de retour à Montréal pour présenter dans le cadre de, deux de ses œuvres majeures.
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Pour trois représentations seulement, Marie Chouinard était de retour à Montréal pour présenter dans le cadre de Danse Danse, deux de ses œuvres majeures. L'Orchestre symphonique des jeunes de Montréal, forte de ses 92 musiciens, accompagne sa troupe de danseurs sur la scène. Dans la salle du théâtre Maisonneuve, ses deux chorégraphies Prélude à l'après-midi d'un faune sur la musique de Debussy et Le Sacre du printemps sur celle de Stravinsky se sont achevées vendredi soir sous des salves d'applaudissements et une standing ovation comme je n'en avais jamais encore connu, même à Montréal...

Cela fait plus de 20 ans que la Compagnie Marie Chouinard triomphe sur les plus prestigieuses scènes du monde. Danseuse soliste pendant 15 ans, Marie Chouinard est devenue une chorégraphe de très grande originalité, mais elle est aussi scénographe, photographe, conceptrice d'éclairages, auteure d'un recueil de poèmes et de plusieurs œuvres multimédias... récipiendaire de multiples prix et récompenses. Ses voyages, sa curiosité insatiable, son sens de l'observation, sa capacité de travail, sa manière de mener sa compagnie, font d'elle une artiste aux talents très diversifiés et qui puise à de multiples sources d'inspiration. Dans la beauté et la richesse des spectacles qu'elle propose, le spectateur peut toujours reconnaître tel ou tel symbole, telle ou telle influence ou citation.

Le spectacle s'ouvre par le court solo Prélude à l'après-midi d'un faune. Dans une demi-obscurité, les 92 musiciens et leur chef d'orchestre occupent tout le fond de la scène et ajoutent à la beauté du tableau. Ils demeurent silencieux quand le faune entre en scène dans une marche presque animale. Mi-homme mi-bête, la créature semble s'éveiller doucement. On n'entend que le souffle qui s'échappe de ses naseaux et ses pas lourds qui écrasent le sol. Son corps évolue de profil, les épaules vers l'avant. Tout se meut dans son corps, y compris ses orteils. C'est la danseuse Carol Prieur qui interprète de manière exemplaire le faune hyperviril.

«Ces nymphes, je les veux perpétuer», annonce d'emblée le faune dans le poème de Mallarmé à l'origine de la musique de Debussy. Marie Chouinard a pris le parti de ne pas faire apparaître les nymphes, ou seulement avec des rayons de lumières qui proviennent du ciel. La musique de Debussy se fait ensuite entendre et le faune aborde une à une les nymphes évanescentes et lumineuses. Le faune, cette divinité romaine au torse humain mais aux pieds et aux cornes de chèvres est la traduction du satyre de la mythologie grecque. On ne s'étonnera pas de ses pulsions érotiques. Au fil d'une danse d'amour, exhibant un immense phallus cornu et turgescent, il s'en prend à chacun des rayons de lumière et s'abat sur le sol sous une pluie d'étoiles...

À ce solo somptueux, succède le Sacre du Printemps interprété par l'intégralité de la Compagnie Marie Chouinard. Celle-ci compte 10 danseurs virtuoses plus 3, dont seulement 10 se présentent généralement à ses spectacles. Mais pour Montréal, Marie Chouinard a mobilisé l'intégralité de ses artistes, garçons et filles, aux corps éblouissants, élastiques et capables de mouvements incroyables, chacun selon sa propre personnalité. L'ensemble porte toutefois bien la signature de Marie Chouinard. C'est d'ailleurs sur l'audition d'une œuvre musicale signée Robert Racine et faisant entendre le son produit par l'écriture de dizaines de signatures, comme le crissement bruyant d'une craie sur une ardoise, que débute le ballet du Sacre du Printemps.

Le sexe des danseurs est difficile à différencier. Évoluant tous torses nus, les yeux maquillés de rouge, les visages grimaçants, les respirations audibles, chacun semble découvrir peu à peu les possibilités de son corps. Le monde n'est pas encore créé et ce Sacre du Printemps semble symboliser le commencement du temps, après le chaos initial.

Marie Chouinard n'a pas suivi le livret qui accompagne la musique de Stravinsky. Renouveau de la nature ou commencement du monde, peu importe, quand la musique débute, les danseurs à l'énergie folle semblent trouver un soulagement, comme l'espoir d'une harmonie possible. Des rayons lumineux s'abattent du ciel et produisent sur les corps des danseurs des tonalités extrêmement contrastées comme s'ils étaient faits eux-mêmes de lumière et d'obscurité. À mesure des tableaux dansés, le spectateur a le sentiment de reconnaître certaines significations, mais les tableaux, tous magnifiques, s'enchainent à une telle vitesse et avec une telle énergie qu'on ne peut s'y fixer. Les corps des danseurs - et ceux des spectateurs, par ricochet - sont traversés par la puissance et les rythmes particuliers de la musique de Stravinsky. L'ensemble produit une gestuelle à la fois élastique, rythmée, mécanique parfois, en tout cas très personnelle et qui porte bien la signature de leur très grande chorégraphe.

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