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La «logique du pire» ou le rire exterminateur d'Étienne Lepage

«Rassurez-vous, tout va mal». Telle est la phrase de Clément Rosset censée redonner la tranquillité d'esprit à celui qui l'entend alors qu'il cherche quelque lueur d'espoir autour de lui.
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«Rassurez-vous, tout va mal». Telle est la phrase de Clément Rosset censée redonner la tranquillité d'esprit à celui qui l'entend alors qu'il cherche quelque lueur d'espoir autour de lui. Ce grand philosophe du tragique - dont Logique du pire est le titre de l'un des ouvrages, publié en 1971 - s'inscrit dans une tradition de penseurs qui se sont donné pour objectif de dissoudre l'ordre apparent du monde, de dissiper l'idée de tout bonheur virtuel et d'affirmer sereinement le malheur, voire le pire des malheurs, si possible.

C'est un peu, semble-t-il, les dessous du projet d'Étienne Lepage pour l'écriture de Logique du pire, la pièce créée avec Frédérick Gravel et présentée au Festival TransAmériques cette année. À coup de petites saynètes brèves, sorte de sketchs joués seuls ou à plusieurs, les cinq très bons acteurs du spectacle s'ouvrent à des situations banales de la vie, mais qui toutes dégénèrent et évoluent vers les pires catastrophes, même pas imaginables.

Et pourtant. C'est que le spectateur est volontairement abusé par le ton très léger, ingénu parfois même, porté par un narcissisme débonnaire, un égoïsme innocent et finalement pas aussi rare qu'on pourrait le ressentir sur le moment. Si les situations semblent exagérées, c'est à cause de la manière dont les acteurs les racontent et les jouent. Car en y réfléchissant, elles pourraient toutes être ressenties dans le réel et exister. Et elles existent sans doute. C'est comme si une part de soi au moins était illustrée par les petits événements hétéroclites du spectacle et qui, au final, déploient un tableau peu reluisant, mais sûrement pas dénué de réalité.

Les acteurs dans la trentaine, deux filles et trois garçons, jouent, dansent, nous font entendre de la musique, vaquent à certaines tâches nécessaires de la vie et apparaissent comme une génération désabusée, dont le tort est de penser plutôt que de vivre et d'avancer. Car certains des textes sont aussi des caricatures d'une manière de philosopher entre amis, manière absurde qui tourne court et ne mène à rien de très brillant.

De l'homme qui se réveille à l'hôpital bien amoché après avoir trop bu, à la discussion philosophique vaseuse et nihiliste, en passant par l'interview soi-disant ouverte à la parole de l'autre, le compulsif du sexe, l'anecdote «innocente» du retour à la maison, les vrais sentiments éprouvés à l'égard d'autrui, ou la situation totalement désespérante de celui qui se retrouve dans un groupe qu'il méprisait à priori et qui se révèle d'une richesse incroyable, les textes sans rapport les uns avec les autres suscitent parfois le rire et toujours l'étonnement.

Le mélange des genres est peut-être trop important pour susciter vraiment et à chaque fois ce que Rosser, encore, nomme «rire exterminateur». Mais il y a quand même un peu de ça. Et j'ai trouvé pour ma part certains sketchs particulièrement réussis, comme celui paradoxal du pseudo guide d'un petit groupe d'Allemands en visite à Montréal, et que tout le monde a probablement dû vivre au moins une fois dans sa vie...

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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